Après le criminel Netanyahu arrive l'assassin Gantz
Israël: Deux ou trois choses que je sais de Benny Gantz, l’étoile montante du « centre-gauche »
Avant qu’il mette le feu aux sondages, secoue le système et emporte le cœur des électeurs, il vaudrait peut-être la peine de rappeler qui est Benny Gantz.
Le centre-gauche l’a déjà accueilli à bras ouverts, tout comme il accueille toute coquille creuse. Bientôt, il va s’entourer d’une dream team, avec des activistes sociaux urbains, un rabbin éclairé, un courageux commandant de bataillon, quelques femmes et un Éthiopien alibi. Un nouveau Yair Lapid est né, plus grand et pas moins charmeur.
Les experts aiment écrire sur le « rien » que le public sait de ses positions. Les centristes n’ont généralement pas de position, à l’exception de « en même temps ci et ça » et de quelques slogans. Mais il y a quelques choses que nous savons vraiment sur Gantz, et que tout le monde ignore. Les Israéliens ne pardonneront pas un viol commis il y a des décennies, mais ils pardonnent les crimes de guerre à l’avance.
Gantz a été le chef d’État-major pendant certaines des opérations militaires les plus horribles, dont la pire a été l’opération Bordure protectrice. Ce personnage sympathique, le modèle israélien de modération et de retenue, qui était du côté des gentils contre le bombardement de l’Iran, a beaucoup de sang sur les mains, dont une grande partie est du sang d’innocents.
Personne ne lui demande de comptes pour tout ça; après tout, c’est un gentil garçon, « un p’tit gars d’chez nous ». Il ne s’exprimerait jamais d’une manière aussi écœurante que Yoav Galant (« Le meilleur des serpents – écrasez sa tête »). Il représente les Forces de défense israéliennes éthiques, humaines et morales, la belle gueule de Kfar Ahim*, comme nous l’aimons.
Le 20è chef d’État-major a pu parler de moralité et lutter farouchement contre la coercition religieuse dans l’armée. Mais sous couvert de modération, il a mené l’armée et Israël au nadir moral le plus bas, en particulier lors de sa dernière année au poste, l’année noire 2014.
Avant de commencer à nous délecter de lui, nous ne devons pas oublier.
Tout a commencé avec l’opération « Gardiens de nos frères ».
Sous le commandement de Gantz et sous la pression des colons, les FDI ont lancé l’une des opérations de vengeance les plus disproportionnées jamais menées, en réponse à l’enlèvement et au meurtre des trois étudiants de yeshiva à Gush Etzion. Plus de 400 Palestiniens ont été arrêtés au cours de cette vague de représailles, dont 50 avaient été libérés dans le cadre de l’échange avec Gilad Shalit, et dont la grande majorité n’avait rien à voir avec l’enlèvement et le meurtre.
De là aux tirs de roquettes sur Israël à partir de la Bande de Gaza il n’y eut qu’un pas, comme pour l’opération Bordure protectrice, l’une des campagnes les plus brutales de l’histoire des FDI: plus de 500 enfants palestiniens furent tués, dont 180 nourrissons et tout-petits, ainsi que quelque 250 femmes et plus de 100 personnes âgées.
2.202 morts, pour la plupart des non-combattants, et des centaines de milliers de personnes contraintes de quitter leur foyer. Gantz ne pensait pas que c’était si terrible.
Au sujet de l’une des attaques les plus moches, sur le quartier de Shujaiyeh de la ville de Gaza, les 19 et 20 juillet, il a dit: « Nous avons utilisé notre puissance de la manière la plus contrôlée possible. » Voilà les résultats: du premier coup, les FDI ont tué 40 résidents et en ont blessé 400 en quelques heures. Aussi contrôlé que possible. Sur les 120 cibles du quartier, pour la plupart des cahutes, les FDI ont largué des bombes d’une tonne. Ça aussi, c’était hautement contrôlé!
Et nous n’avons pas encore parlé du « Vendredi noir », les 1er et 2 août, le crime de guerre le plus grave commis sous le commandement du blanc chevalier. Après l’enlèvement (par les combattants palestiniens) du corps du lieutenant Hadar Goldin, la directive Hannibal a été déclenchée**.
La bataille de Rafah fut féroce: 2000 missiles, obus de mortier et bombes furent lancés sur les quartiers. Plus de 100 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées.
« Vous tirez comme des fous », a crié le commandant de la Brigade des renards de Samson*** à la radio. Amnesty International a dit que c’était un crime de guerre.
Du côté de Gantz, silence radio. L’armée a clos l' »enquête » sur le Vendredi noir seulement cette année et bien sûr personne n’a été poursuivi en justice. Pourquoi, qu’est-ce qui s’est passé ? Qui est mort ?
Gaza ne s’est toujours pas remise de son deuil, de sa douleur, de ses blessures ou de ses ruines.
Les crimes ont des auteurs et des coupables. Le chef d’État-major de l’époque, Benny Gantz, est maintenant le grand espoir blanc modéré pour remplacer le monstre Netanyahou et la droite.
Encore une fois, il y a vraiment de quoi se réjouir d’avance!
Gideon Levy -
11.10.18
NdT
*Kfar Ahim: nom du moshav (colonie coopérative) dans lequel Benny Gantz est né, sur des terres spoliées du village palestinien de Qastina, vidé en juillet 1948 de sa population par les sionistes, qui brûlèrent ses 147 maisons.
**Directive Hannibal : directive secrète dont l’objectif est d’empêcher la capture de soldats israéliens par des forces ennemies au cours des combats. Formulée en 1986 par un groupe d’officiers supérieurs, elle prévoit qu’en cas de capture de soldats, la principale mission des forces armées israéliennes est leur libération, y compris si le processus met en danger la vie des soldats capturés. Le nom de la directive a été choisi au hasard par un programme informatique de Tsahal.
***Les Renards de Samson étaient une unité de commandos durant la guerre de 1948. Feu Uri Avnery en fit partie, écrivant même son hymne officieux. Dissoute, elle fut ressuscitée en 2002 comme bataillon de reconnaissance de la Brigade Givati, menant des opérations « confidentielles » contre Gaza. Son nom vient de l’histoire biblique du juge Samson qui lâcha 300 renards aux queues enflammées par des torches dans les champs des Philistins.
Source: Arrêt sur Info