FREE PALESTINE
17 juillet 2008

Ami Ayalon : Les Israéliens auront la sécurité lorsque les Palestiniens auront l’espoir.

Ami Ayalon : Les Israéliens auront la sécurité lorsque les Palestiniens auront l’espoir.

Le 25 juin 2003, l’Israélien Ami Ayalon et le Palestinien Sari Nusseibeh lançaient ensemble la campagne civile pour la paix intitulée la Voix des Peuples. Cette initiative s’articule autour d’une déclaration de principe en six points dont le fondement est la formule 2 peuples, 2 Etats. Depuis lors, elle a recueilli presque 500.000 signatures et Ami Ayalon a fait son entrée sur la scène politique. En 2006, il devient député travailliste à la Knesset et depuis septembre 2007, il siège au gouvernement comme ministre sans portefeuille. Cet ancien commandant en chef des forces navales israéliennes et ancien directeur des services de renseignement intérieur, le Shin Beth (1996-2000) participait au Parlement européen à une conférence sur le développement régional au Proche-Orient.

A cette occasion, il a accordé un entretien à l’équipe de Kol Shalom. NdT 

Interview exclusif de Ami Ayalon pour Kol Shalom - 3 juillet 2008

Pourquoi considérez-vous que l’armée a tendance à privilégier l’usage de la force et a du mal à comprendre que les Israéliens n’auront la sécurité que lorsque les Palestiniens auront l’espoir ?

Quand j’étais militaire, j’avais le même problème. Les militaires ont tendance à voir le monde à travers la lunette de leur fusil. Quelle que soit l’arme dans laquelle ils servent, les militaires croient que la force est la réponse au problème. Cela peut paraître simpliste mais c’est ce qu’on attend de l’armée : qu’elle fasse usage de la force. En démocratie, c’est aux dirigeants politiques d’ordonner aux militaires de recourir ou non à la force armée. En ce qui me concerne, j’ai pris conscience des limites de la force lorsque je suis devenu directeur du Shin Beth. L’approche et l’organisation sont différentes de l’armée. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons abandonner définitivement l’usage de la force. Que cela plaise ou non, nous serons encore amener à le faire. En revanche, il faut savoir que cela ne résout pas le conflit. Pour ce faire, il faut tenir compte des attentes, des frustrations et des espoirs des Palestiniens.

Des barrages en Cisjordanie suscitent la haine et frustration des Palestiniens en raison des difficultés que cela engendre dans leur vie quotidienne. Tant que ces dispositifs seront en place, nous serons incapables de créer une vie meilleure pour les Palestiniens. C’est pourquoi, il est nécessaire de rechercher l’équilibre entre les exigences de sécurité et les préjudices causés aux Palestiniens. Sur cette question cruciale, le débat existe en Israël, même au sein de l’armée. De nombreux officiers pensent qu’on peut réduire le nombre de barrages car cela diminuera les frustrations des Palestiniens qui pourront alors vivre normalement. D’autres, en revanche, demeurent convaincus que chaque fois que nous prenons une mesure de ce type, nous ne récoltons que plus de violence et de terreur.

Pensez-vous encore que les traumatismes juifs du passé soient à l’origine de cette survalorisation de la force ?

Oui. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons changer en un seul coup. Il faudra encore attendre une autre génération. Ce n’est pas un ennemi militaire qui effraye les Israéliens. Nous possédons des capacités militaires importantes pour nous défendre contre lui. C’est beaucoup plus profond : nous ne faisons confiance en personne. La cause de cette méfiance énorme se retrouve dans notre histoire et surtout dans la manière dont l’interprétons encore aujourd’hui. Quand le peuple juif avait besoin d’aide et d’assistance, personne ne s’est manifesté et les Juifs étaient seuls face à un ennemi qui l’exterminait. Nous projetons ce traumatisme sur la situation actuelle. Cette lecture de l’histoire est à l’origine de nombreuses mesures politiques et militaires que nous prenons. Pour ne pas arranger les choses, nous ne sommes pas non plus les seuls au Proche-Orient à croire que le langage de la force est le meilleur. C’est un échec terrible pour la région. Le processus d’Oslo fut justement une tentative d’abandon du langage de la force pour utiliser enfin celui de la négociation et de la diplomatie. Cela n’a pas fonctionné et rétrospectivement, on s’aperçoit que les perceptions réciproques des deux sociétés n’ont pas changé.

Le Président français, Nicolas Sarkozy, a rendu une visite officielle en Israël. A cette occasion il a prononcé un discours à la tribune de la Knesset qui a été vivement salué en Israël et dans les capitales arabes et européennes. Est-ce la première fois qu’un dirigeant européen trouve les mots pour faire passer des messages clairs aux Israéliens ?

Non. Une nouvelle génération de dirigeants européens, à laquelle Nicolas Sarkozy appartient, tient ce discours depuis quelques années. C’est le cas d’Angela Merkel et de Tony Blair. En ce qui concerne la France, il est vrai que c’est la première fois qu’un Président de la République s’adresse à nous de cette manière. Il a dit très clairement des choses importantes et encore inacceptables pour certains Israéliens. Mais le ton qu’il a adopté pour le dire rendait ses paroles audibles. Pendant longtemps nous étions convaincus que les Français ne se préoccupaient pas du tout de l’existence d’Israël et de sa sécurité. Il est intéressant d’observer que les Israéliens ont aussi changé. Nous avons acquis une plus grande capacité d’écoute. Depuis la deuxième guerre du Liban, les Israéliens ont compris qu’ils ne sont pas seuls dans le monde et qu’ils appartiennent à une coalition de nations du Moyen-Orient confrontées à des défis communs.

Depuis que vous entrez dans l’arène politique, quelle place accordez-vous à l’initiative la Voix des Peuples dont vous êtes à l’origine avec Sari Nusseibeh ?

Je reste évidemment attaché à cette initiative de paix. Toutefois, je suis conscient que je ne peux exiger des signataires israéliens et de tous ceux qui m’ont soutenu de mes suivre politiquement et de voter pour moi. La Voix des Peuples est avant tout portée par la société civile et demeure ainsi. Je peux en revanche essayer de faire en politique ce que j’ai pu faire avec la Voix des Peuples. A l’instar de cette initiative, l’accord définitif entre Israéliens et Palestiniens doit s’appuyer sur les mêmes principes clairs pour les deux parties. Aucune ambiguïté ne doit être maintenue. Tout ce qui figure dans la Voix des Peuples constitue la base de la solution du conflit israélo-palestinien.

L’homme politique que vous êtes tient-il compte des vents comme l’amiral que vous étiez par le passé ?

En politique comme en mer, il n’est pas nécessaire de savoir d’où vient le vent ni dans quelle direction il souffle. Il est en revanche indispensable pour un marin de savoir où il veut emmener son navire. Quand on sait vers où on doit naviguer, on peut alors utiliser les vents correctement. Un marin qui ne sait pas où il va, aucun vent au monde ne pourra l’y emmener à sa place. C’est pareil en politique.

Propos recueillis par l’équipe de Kol Shalom

Publié le 11 juillet 2008
http://www.shalomarchav.be/...

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