FREE PALESTINE
9 avril 2007

Torture israélienne

Torture :

lu dans la presse israélienne

Miko Peled

publié le vendredi 6 avril 2007.

En Israël, l’appareil de sécurité est un système sacro-saint que personne n’oserait interroger, c’est un monde de héros mystérieux et les Israéliens se sont laissés convaincre qu’ils leur devaient la vie.

Grâce à la presse israélienne, les gens en Israël sont informés régulièrement de la façon dont leur gouvernement maltraite les 4,5 millions de Palestiniens sous sa férule. La plus grande partie de l’information concernant l’occupation de la Palestine et l’oppression de son peuple est bien diffusée et exactement relatée dans la presse israélienne. Mais les plus graves illégalités sont acceptées comme étant « réglo », pour parler ainsi, si on leur associe le mot « sécurité ».

Les exemples ne manquent pas mais peu sont aussi frappants que celui qui a paru dans l’édition du quotidien israélien Yediot Aharonot du 23 mars. Dans cette édition, il y a une interview du responsable en retraite des interrogateurs de la Shabak, les services secrets pour la sécurité intérieure d’Israël, Arieh Hadar, 79 ans. Mr Hadar y reconnaît des actes commis par ses services de sécurité qui n’ont jamais été révélés publiquement auparavant.

Si Israël était la démocratie qu’il prétend être, cet homme serait traduit en justice, ou au moins serait amnistié en échange du témoignage accablant qu’il produit. Si Israël avait le moindre respect pour les droits humains et civiques, cette interview conduirait à une enquête et peut-être même à des arrestations. Mais dans la démocratie juive, les hommes et les femmes de cette sorte sont au-dessus de la loi et des incriminations. En Israël, l’appareil de sécurité est un système sacro-saint que personne n’oserait interroger, c’est un monde de héros mystérieux et les Israéliens se sont laissés convaincre qu’ils leur devaient la vie. Mr Hadar est interviewé comme un héros qui a servi son pays et non comme un bandit qui le déshonore.

La majeure partie de l’interview traite des violations des droits civils sur les Israéliens, violations qui ont eu lieu dans les premières années de l’Etat la plupart du temps à cause de la paranoïa des tendances maccarthistes du premier Premier ministre, David Ben Gurion. Des cas de fonctionnaires civils et de personnels militaires inscrits sur liste noire parce qu’ils ne se mettaient pas à la remorque de la ligne du parti Mapai de Ben Gurion ; les votes publics pour être sûr que toute contestation sera suivie d’un châtiment ; et les effractions pour dénicher des informations sur des gens considérés par Ben Gurion et d’autres dans le parti comme des « ennemis de l’Etat ».

Mais dans la suite de l’interview, Mr Hada aborde aussi la question de la torture, la présentant comme un élément de la procédure d’interrogatoire. Il cite des cas d’interrogatoires où ses gents ont menti devant les tribunaux à propos des aveux obtenus sous la torture. « Les suspects étant des Arabes, les juges retenaient toujours leurs versions » dit-il et poursuit en disant qu’il a trouvé « des Arabes qui, souvent, étaient contents d’être giflés plusieurs fois » car cela leur donnait une excuse pour se retourner contre leur peuple et collaborer avec les enquêteurs. De façon caractéristique, il se retient d’utiliser le mot « P », il parle des Palestiniens uniquement en tant qu’Arabes ou terroristes.

Ce héros de l’Etat, lequel à l’évidence est fier de son travail, continue : comme la charge de travail a augmenté autour de 1967 du fait de l’accroissement des menaces sécuritaires impliquant les « Arabes », on a utilisé davantage la force physique, ce qu’il dit regretter, tout en prétendant qu’ils n’avaient pas alors d’autre choix, et qu’il n’en existe aucun autre encore aujourd’hui.

Mr Hadar ne reconnaît pas ses crimes pendant l’interview, il se dit plutôt fier de son bon travail. Il relate le cas d’un terroriste hospitalisé après avoir été atteint par une balle. « Il avait un tube dans une veine et un autre qui allait du nez jusqu’à l’abdomen... le médecin de service a compris ce qu’on voulait, il a tourné le dos et il a dit : ‘Faites votre travail, je ferai le mien’. A ce moment-là, j’ai tiré sur les tubes. Le suspect a compris qu’on ne plaisantait pas et il a commencé tout de suite à parler. »

Selon cet article, non seulement il est permis d’utiliser la torture bien que ce soit illégal mais elle est aussi acceptée de la part d’un médecin qui a prêté le serment d’Hippocrate (ou est-ce le serment de l’hypocrisie) et qui ferme les yeux quand des actes illégaux sont commis. Manifestement, une telle confession de la part d’un officiel de haut rang de la sécurité en Israël démontre une chose : il sait qu’il ne sera jamais traduit en justice pour ses crimes.

Effectivement, Hadar a été convoqué en 1984 devant une commission qui enquêtait sur la Shabak en raison d’exécutions sommaires de Palestiniens qui s’étaient emparé d’un autobus en Israël. Il dit avoir indiqué à la commission que : « l’usage de la pression physique était illégal manifestement, mais que, malheureusement, il n’y avait pas d’autre moyen. J’ai expliqué que ces moyens, notamment les coups, la privation de sommeil, la simulation d’exécution et l’exposition à des conditions atmosphériques extrêmes pendant de nombreuses heures, étaient les seuls moyens à notre disposition pour obtenir la vérité... J’ai dit à la commission que ça ne me plaisait pas mais que quelqu’un devait le faire. » En d’autres termes, c’est un sale travail mais quelqu’un doit le faire.

Malheureusement, il semble que la société israélienne ait accepté de se rendre complice de gens comme Mr Hadar. Ce qui différencie Israël de ses voisins n’est pas la démocratie ou le respect des droits humains et civils : c’est la méthode discriminatoire par laquelle ces droits sont refusés. Insister sur le fait que la torture bien qu’illégale soit inévitable et excusable dans le contexte de la sécurité israélienne, c’est désigner les Palestiniens comme les seules victimes possibles.

Miko Peled est un activiste israélien pour la paix qui vit à San Diego, Californie. Son père était le général israélien bien connu, Matti Peled.

Miko Peled

The Electronic Intifada - 4 avril 2007 - traductin : JPP

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