FREE PALESTINE
16 mars 2023

La nouvelle vie sous surveillance de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri

Source: Externe

Depuis son arrivée en France, en décembre 2022, après avoir été expulsé de Jérusalem, le trentenaire fait l’objet de pressions du ministère de l’intérieur pour qu’il fasse profil bas

 

Au début du mois de février, Olivier Pareja, un ingénieur habitant la banlieue parisienne, reçoit un appel téléphonique d’un genre un peu particulier. A l’autre bout de la ligne, un agent du Service central du renseignement territorial, le successeur des RG, lui pose «une question à quitte ou double»: "Salah Hamouri va-t-il venir" à la réunion publique organisée le 9 février, à Versailles, par l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS), dont M. Pareja est l’un des responsables dans les Yvelines?

Le policier ne fait pas mystère de ses intentions: si l’avocat franco-palestinien, expulsé en décembre 2022 de Jérusalem par les autorités israéliennes, est invité à l’événement, celui-ci sera interdit.

L’organisateur a répondu par la négative. La réunion de l’AFPS, consacrée à la présentation du rapport d’Amnesty International qualifiant le régime auquel sont soumis les Palestiniens d’«apartheid», s’est déroulée sans entrave. Mais cet épisode en dit long sur les pressions auxquelles est soumis S.Hamouri, 37 ans, depuis son arrivée en France. Cet employé d’une ONG de défense des prisonniers palestiniens a passé près de 10 années derrière les barreaux israéliens, victime d’un harcèlement politico-administratif dénoncé par les grandes organisations de défense des droits humains.

Mais dans une partie des organisations juives, à l’Assemblée nationale et au sein même de l’exécutif, le natif de Jérusalem est présenté comme un agitateur potentiellement dangereux. Ces attaques ont mené à l’annulation de plusieurs conférences auxquelles il devait participer, dont l’une organisée par la mairie de Lyon, début février, consacrée aux trente ans des accords de paix d’Oslo. "Le gouvernement tolère ma présence sur le sol français mais il ne veut pas que je parle de ma cause", déplore Salah Hamouri, dont la mère est française et le père palestinien.

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«Pas légitime à parler du conflit»

La campagne qui le vise repose sur deux éléments: sa condamnation, en 2008, par un tribunal militaire israélien pour participation à un obscur complot visant à assassiner le rabbin Ovadia Yossef, chef du parti séfarade Shass; et son affiliation supposée au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation classée terroriste par l’Union européenne. "Un terroriste condamné pour activité terroriste n’est pas légitime à parler du conflit", martèle Simon Seroussi, le porte-parole de l’ambassade israélienne en France.

L’appartenance de S.Hamouri à ce parti n’a, cependant, pas été démontrée par les autorités israéliennes. Quant aux aveux qu’il a faits à son procès, la seule pièce à charge figurant dans le dossier, ils résultent d’une procédure de plaider-coupable: 7 ans de prison s’il admettait sa participation audit complot, 14 ans s’il persistait à la nier. Dans un courrier daté de 2011, Alain Juppé, alors chef de la diplomatie française, soulignait que «les aveux faits à l’audience n’ont été corroborés par aucun élément de preuve».

Dans l’affaire de la conférence de Lyon, ces détails ont été passés à la trappe. Confronté aux protestations des représentants de la communauté juive locale, le maire, Grégory Doucet (Europe Ecologie-Les Verts), a déprogrammé l’événement. Dans la foulée, l’université Lyon-III a préféré désinviter le trentenaire d’une seconde conférence, prévue le 22 février.

"Mon problème, c’est l’occupation israélienne, ça n’a rien à voir avec les juifs, rétorque l’ex-résident de Jérusalem. Il faut que cela soit clair une fois pour toutes."

"Les Israéliens voudraient qu’il y ait une peine supplémentaire, que Salah soit condamné au silence", s’insurge Elsa Lefort, son épouse française, interdite de séjour en Israël et en Palestine depuis 2016.

La nouveauté, comme l’a montré le coup de téléphone de la police à l’AFPS, c’est que la crispation à son sujet est bien réelle Place Beauvau. Début février, en réponse à une question du député Renaissance du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre, désignant Salah Hamouri comme un «sinistre personnage», le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’a qualifié de «triste personnalité». Il a ajouté que si le maire de Lyon n’avait pas fait machine arrière, la préfecture de la région aurait interdit la conférence pour menace à l’ordre public.

Peu avant l’atterrissage de son mari à Paris, le 18 décembre 2022, Elsa Lefort avait contacté la police aux frontières de l’aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle, pour discuter des modalités de son accueil. Elle avait été choquée de s’entendre répondre que le débarquement de Salah devait être «discret», sans journalistes ni militants propalestiniens dans le terminal. Des dizaines de fidèles, dont des élus de La France insoumise et du Parti communiste, l’attendaient néanmoins à sa sortie de l’avion et l’ont applaudi.

Source: Externe

Crispation

"Il est très dangereux d’essayer de faire de Salah Hamouri une rockstar au moment où l’antisémitisme se cache derrière un antisionisme très virulent, dont il est le symbole", argue Mathieu Lefèvre, président du groupe d’études sur l’antisémitisme au Palais-Bourbon. Tout en reconnaissant que le Franco-Palestinien "a droit à un procès équitable", ce qui sous-entend que celui de 2008 ne l’était pas, le parlementaire, comme nombre de ses collègues de droite, reprend les accusations israéliennes, dont l’appartenance au FPLP, "une évidence" selon lui.

Pour le Quai d’Orsay, ces liens n’ont pourtant rien d’évident. La diplomatie française, qui s’est opposée à l’expulsion de S.Hamouri de Jérusalem, réclamant qu’il vive libre et en famille dans la Ville sainte, ne considère pas que l’avocat soit membre de la formation marxisante. Ce positionnement supposait qu’il n’y aurait pas d’entrave à sa liberté de mouvements et de parole une fois arrivé en France. La Place Beauvau n’a pas donné suite aux questions du 'Monde' sur cette divergence d’appréciation.

Dans cette affaire, la crispation du ministère de l’intérieur reflète celle d’une partie des organisations juives françaises, farouchement hostiles à l’entrée du terme «apartheid» dans le lexique du conflit israélo- palestinien. Pour tenir sa réunion de Versailles, organisée dans un tiers lieu, l’AFPS a dû s’y reprendre à trois fois.

"Il y a un revirement dans la politique du gouvernement qui est inadmissible, s’inquiète Jean-Claude Samouiller, le président de la branche française d’Amnesty International. On ne peut pas abdiquer devant les pressions, d’où qu’elles viennent. La liberté d’expression ne doit pas seulement être tolérée, elle doit être protégée."

Benjamin Barthe -

05.03.23

Source: Aurdip

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