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8 mars 2015

Amira Hass, une Israélienne en terre palestinienne

Amira Hass, une Israélienne en terre palestinienne

Frédéric Martel / Monde / 07.03.2015 - 16 h 53 

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Elle est la seule journaliste israélienne à vivre en territoire palestinien. A la poursuite d’un idéal de gauche radicale, elle tente de comprendre pourquoi le processus de paix s’est enlisé. Marginale dans son propre pays, elle porte un regard sévère sur les gouvernements israéliens mais n’épargne pas non plus les Palestiniens. Rencontre à Ramallah, à la veille des élections législatives en Israël.

Ramallah

«Pour qui je vais voter aux élections israéliennes? C’est très simple, très clair: je vais voter pour la liste arabe unie Amira Hass n’a aucune hésitation. Je n’ai pas eu besoin d’insister. Elle ne cache pas son intention de vote pour une liste pro-arabe, alors que, le 17 mars, une élection majeure va opposer dans son pays, le Premier ministre conservateur sortant, Benyamin Netanyahou, et le travailliste Isaac Herzog.

Voter pour la liste arabe est un choix extrême que peu de juifs israéliens ne font. En se plaçant ainsi à l’extrême du spectre politique de l’Etat hébreu, à la gauche de la gauche, la journaliste confirme d’une certaine façon sa marginalité. Ce n’est pas nouveau. Il y a plus de vingt ans que ça dure.

Une révoltée intacte

Pour rencontrer Amira Hass, il faut un peu de patience. De Jérusalem-Est, en zone arabe sous contrôle israélien, on prend un sherout ou mini-bus collectif. A la porte de Damas, face à la Vieille ville, le n°18 conduit à la «frontière» palestinienne (Hass préfère parler du «check-point» qui permet de franchir le «Mur»). On la traverse à pied, avec un contrôle israélien limité, puis, de l’autre côté, on reprend un autre bus ou un taxi.

Si l’on est plus pressé, on peut emprunter, depuis Jérusalem, le Ramallah Express n°274X, un bus rapide, plus cher, qui franchit le check-point sans même avoir à s’arrêter.

En revanche, en sens inverse, lorsqu’on veut rejoindre Israël depuis Ramallah, les contrôles effectués par Tsahal, l’armée israélienne, sont impressionnants, sous haute sécurité, et les queues longues. Les Palestiniens rentrent chez eux sans trop de formalités mais l’accès à Israël est un cauchemar. Si on avait le sens de l’humour, on dirait que, à l’inverse du théâtre, toute entrée est définitive!

 

Amira Hass n’a guère le sens de l’humour. Elle ne rigole pas. Elle m’a donné rendez-vous, ce jeudi 26 février 2015, au café Prompto, en face de la municipalité de Ramallah, la capitale de la Cisjordanie palestinienne.

Lorsque j’arrive, elle est en train d’interviewer une jeune fille en anglais, et aussi un peu en arabe –une langue qu’elle regrette de ne pas bien parler. Je la vois prendre minutieusement en note toute la conversation en tapant rapidement sur le clavier d’un vieil ordinateur portable.

Il est étrange pour un journaliste d’interviewer une journaliste. Cela pourrait paraître un peu consanguin, comme si les médias ne savaient plus parler qu’aux médias. Mais Amira Hass est beaucoup plus qu’une simple journaliste.

Israélienne, Hass est la seule journaliste juive à vivre dans les territoires occupés. Depuis 1997, elle est la correspondante permanente en Cisjordanie du quotidien de Tel Aviv, Haaretz. Auparavant, entre 1993 et 1997, elle a vécu à Gaza.

Fille de survivants de la Shoah, elle est née à Jérusalem en 1956. Ses reportages sont généralement favorables aux Palestiniens et elle s’est spécialisée dans le décryptage minutieux, presque scientifique, de la colonisation israélienne en marche dans les territoires.

«Je m’intéresse aux faits, aux faits bruts, mais je suis obligée de donner aussi mon avis. J’aurais aimé me limiter aux faits, sans partager mon opinion. Mais les Israéliens ont tendance à évacuer les faits, le sens des faits. Alors, je suis obligée de les conceptualiser, de les analyser pour frapper les lecteurs. Pour attirer leur attention.»

Le jour où je la rencontre, Amira Hass revient d’Hébron, une ville du sud de la Cisjordanie, où plusieurs colonies israéliennes sont installées. Elle a rendu compte, dans un article, de la situation et des tensions, parmi les pires de la région. Dans son reportage pour le quotidien de gauche Haaretz, elle a décrit comment les colons «torturaient» les Palestiniens. Le mot «torture» est fort. Elle le revendique.

«Lorsque j’écris ça, les Israéliens ne sont pas choqués! Il y a vingt ans, si j’avais écrit que des soldats israéliens frappaient et battaient des gens, des civils, il y aurait eu des réactions. Aujourd’hui, la capacité d’indignation s’est beaucoup atténuée. Plus rien ne choque les Israéliens. Alors, moi, je dois les choquer. Il ne suffit plus de donner les faits. Il faut appeler les choses par leur nom.»

«Torture», «Apartheid», «Bantoustans»: Amira Hass sort le grand jeu. Elle n’a pas peur des mots connotés, ni des formules fortes. Les lecteurs d’Haaretz demandent son renvoi par centaines de lettres. Mais elle est bien défendue par la rédaction et par le patron du journal, Amos Schocken. Qui me dit:

«C’est notre mission, notre devoir de donner à nos lecteurs une image globale et des informations complètes de l’occupation israélienne dans les territoires. Avoir des journalistes comme Amira Hass, c’est un devoir pour un journal israélien. Le problème c’est plutôt qu’Haaretz soit le seul journal à faire cela! Les lecteurs israéliens n’aiment pas lire ces choses-là, ces faits, parce que ça conduit parfois à faire un portrait négatif d’Israël.»

Fière et heureuse de ce soutien, Amira Hass reconnaît:

«Je pense que j’ai beaucoup de chance de pouvoir écrire ce que je veux dans Haaretz. De dire mon opinion mais aussi de rapporter des faits. Des faits que les autres médias israéliens ne traitent pas.»

Les Palestiniens ont raté de nombreuses opportunités. Ils auraient pu agir et ils ne l'ont pas fait

 

Les cheveux noirs, une mèche en avant, Amira Hass parle rapidement, se répète, hésite, cherche ses mots: on sent, derrière le professionnalisme, une révolte intacte. Un désespoir aussi.

«Il y a vingt ans, je n’aurais jamais pensé que la situation pouvait empirer de cette façon.»

A qui la faute? Pour Amira Hass, il ne fait aucun doute que les Israéliens sont les premiers responsables.

Pourtant, son regard sur les Palestiniens a changé aussi, à leur contact.

«Je pense que les Palestiniens ont raté de nombreuses opportunités. Ils auraient pu agir et ils ne l’ont pas fait. Je me rends compte de toutes les occasions manquées, les défaillances de l’élite palestinienne.»

Depuis des années, Amira Hass critique l’Autorité palestinienne. Elle a eu d’abord des altercations vives avec Yasser Arafat et le Fatah, dont elle a souvent dénoncé l’incurie, la gabegie et la corruption; elle a ensuite été chassée de Gaza par le Hamas; désormais, elle critique régulièrement l’administration de Mahmoud Abbas à Ramallah.

«Je vis ici. Mon métier consiste à observer et à rendre compte de ce que font les Palestiniens. On doit faire attention à ne pas être orientaliste ou néo-colonialiste. Tant que le Hamas et le Fatah ne se réconcilieront pas vraiment, il n’y aura pas de changement. Je les critique, oui. Il suffit d’ailleurs de parler avec les gens de la rue, ici à Ramallah, pour savoir que les gens doutent de la sincérité de leurs hommes politiques.»

«Le problème principal ici, c’est la corruption. Il y a des leaders politiques qui ont aussi des intérêts économiques. Par leurs décisions politiques, ils ont une influence sur la vie économique. Cette confusion entre les intérêts politiques et économiques est la principale source de corruption en Palestine. Les liens commerciaux avec Israël jouent aussi. Je vais vous donner un exemple: il y a des hommes d’affaires qui dépendent d’Israël pour leur liberté de mouvement. L’un d’entre eux m’a dit que s’il aidait les groupes palestiniens qui agissent contre l’occupation ou contre le Mur, Israël lui enlèverait le permis lui donnant le droit de circuler. Ses choix politiques sont donc affectés par ses intérêts économiques. En même temps, lorsqu’on voit tous les rapports qui sortent sur la corruption en Israël, on est bien obligé de constater que la corruption est plus limitée en Palestine et pour une raison très simple: il y a ici beaucoup moins d’argent.»

Che Guevara à travers la Cisjordanie

Amira Hass est plus pessimiste aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années. Avec elle, j’avais traversé, en 2012, la Cisjordanie lorsque je menais une enquête pour l’un de mes livres,Smart. A cette époque, déjà, elle n’avait pas peur. Le pare-brise de sa voiture était troué, sur la gauche, d’impacts de balles: «Je n’étais pas dans la voiture lors d’une fusillade entre le Hamas et le Fatah», précisait-elle, alors. A son rétroviseur, elle avait accroché un pendentif de Che Guevara, comme un porte-bonheur. Un signe politique de rébellion aussi.

 

Peu après notre départ, premier check-point à la sortie de Ramallah. Naïvement, je croyais qu’on entrait à nouveau en Israël.

«Erreur, m’a dit Amira Hass. C’est ce que l’armée israélienne veut faire croire. En fait, il y a des check-points partout en Palestine. L’armée israélienne dit que c’est pour des raisons de sécurité, mais en fait c’est pour créer ce que j’appelle des “designated territories”, pour marquer le territoire israélien.»

La colonie est dans la nature d’Israël. Elle fait partie de son identité. C’est peut-être ça en fin de compte, Israël

 

En voyageant à ses côtés, je l’ai observée en train de travailler. A chaque check-point, à chaque point d’approvisionnement d’eau, à chaque fois qu’une route était décrétée «stérile» (mot officiel israélien pour dire qu’elle est interdite à la circulation pour les Palestiniens en Palestine même), à chaque fois qu’une terre était confisquée, ou quand on croisait le «Mur», Amira Hass prenait des notes. Elle regardait sa carte, comparait le tracé des routes, constatait l’apparition de clôtures électrifiées («qui mettent les Palestiniens en cage»), suivait minutieusement les déplacements de la «frontière» –son principal sujet– et consignait tout sur son ordinateur Dell. «Je suis très fact-checking, je ne suis pas émotive, affective», m’a-t-elle dit, pour insister sur sa description méticuleuse des nombres, des faits, des cartes, des routes, des tunnels, des ponts, des déviations. En Israël, même ses plus fidèles lecteurs trouvent depuis longtemps qu’elle est un peu obsessionnelle.

Nous avons rejoint finalement une implantation, une colonie israélienne comme une autre, au cœur de la Cisjordanie. Banale, avec ses check-points et la protection de Tsahal. Un campement de pionniers israéliens, qui rappelle sans doute l’époque des premiers kibboutz, où la collectivité faisait pousser des oliviers, des eucalyptus et des tomates dans le désert. Un drapeau israélien flottait au vent sur la colonie –on dit aussi «outpost» en anglais. Une grue Caterpillar encombrait le passage. Un colon nous a reçu. C’était un «bitzu’ist», un mot hébreu qui signifie à la fois un bâtisseur, un pragmatique et un homme qui arrive à réaliser ses projets. Autour de nous, il y avait des ventilateurs faisant un bruit continu dans le bureau et une station de radio CB reliée à l’armée israélienne.

Près de 600.000 Israéliens habitent désormais dans les territoires palestiniens (entre 2009 et 2013 leur nombre a augmenté de 18%). «La colonie est dans la nature d’Israël. Elle fait partie de son identité. C’est peut-être ça en fin de compte, Israël», m’a dit Amira Hass.

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Dans cette colonie israélienne, comme dans la colonie juive du centre d’Hébron, plus au sud, que j’ai visitée également, j’ai été frappé par l’esprit des colons: le sens de l’aventure, l’optimisme originel, le goût de l’absolu, la confrontation à la nature. Vues du côté israélien, leurs raisons sont aussi claires qu’elles apparaissent obscures du côté palestinien.

En rentrant vers Jérusalem avec Amira Hass, j’ai vu de jeunes palestiniens sauter le «Mur». Si l’armée israélienne les avait vus, ils auraient été tués. «Ils sautent parce que sinon ils doivent faire plusieurs kilomètres pour passer par un check-point. Car le mur sépare deux quartiers du même village, parfois il passe même entre les maisons de la même famille», m’a dit Amira Hass. C’était une parole factuelle. Sans émotion.

Ecoutée, mais pas entendue

Au café Prompto de Ramallah, Amira Hass ne finit pas son assiette. Elle est trop occupée à enchaîner les rendez-vous, à travailler. En cette fin février 2015, je trouve qu’elle a changé. Son regard s’est endurci. Sa patience est plus limitée.

«Oui, bien sûr, j’ai changé. Je crois que je comprends mieux maintenant la logique des Palestiniens lorsqu’ils disent que nous sommes tous, nous Israéliens, des colonisateurs. Je l’avais pensé avant, mais cela me semble plus clair désormais. En même temps, je reconnais que les Israéliens ne sont plus seulement des colons. Ils sont aussi des natifs. Vous devenez un natif au bout d’un certain temps. Je comprends mieux toutes ces contradictions.»

Près de Tel Aviv, j’ai visité Ariel, une colonie ancienne, de l’autre côté de la ligne «verte» de 1967, qui est aujourd’hui une grande ville à laquelle mène une autoroute au milieu des hypermarchés. Ce n’est plus une colonie: c’est la grande banlieue de Tel Aviv.

Je ne crois absolument pas en la capacité des Israéliens de changer. Le changement ne peut pas venir d’Israël. Il ne pourra venir que de l’extérieur

 

Désormais, Amira Hass a moins de contacts avec les colons qu’elle n’en avait par le passé.

«Je ne travaille plus vraiment avec eux parce qu’ils ne veulent pas coopérer avec moi. C’est un monde tellement différent. Mais je constate les conséquences de leur présence sur les Palestiniens.»

Amira Hass ajoute, pour me confirmer, que, oui, elle a changé, presque naïve maintenant:

«Et puis, c’est vrai que beaucoup de Palestiniens ne reconnaissent pas les juifs comme un peuple, ne reconnaissent pas le droit des juifs d’être en Israël...»

Parfois, Amira Hass rentre à Tel Aviv, en coup de vent, pour rencontrer la rédaction d’Haaretz ou aller chez le dentiste. Puis elle revient rapidement à Ramallah.

«Je peux aller en Israël quand je veux. Vous savez, c’est à vingt kilomètres! Pour moi, c’est facile, j’en ai presque honte. Pour les Palestiniens, aller en Israël, c’est comme aller sur la Lune! Du coup, je ne me préoccupe pas beaucoup des difficultés du check-point. Les discriminations à l’égard des Palestiniens sont si visibles, si palpables, que cela serait embarrassant que je parle de mes propres problèmes.»

A-t-elle perdu espoir?

«Je suis totalement, totalement, totalement...»

Elle le répète trois fois, et je pense qu’elle va dire «sans espoir», mais ne prononce pas le mot, comme pour éviter d’être cité aussi négativement. Elle reprend:

«Je ne crois absolument pas en la capacité des Israéliens de changer. Le changement ne peut pas venir d’Israël. Il ne pourra venir que de l’extérieur. Rien ne peut se passer tant que les Israéliens ne sortiront pas d’une certaine normalité. J’ai perdu tout espoir dans la sagesse israélienne.»

Amira Hass sait qu’elle est marginale de l’autre côté de la «frontière». Sa voix est écoutée mais elle n’est pas entendue.

Une solution avec dix Etats

Croit-elle encore en une solution avec deux Etats?

«Ce n’est pas une question de croire! Ce n’est pas une religion! La question est celle de notre futur en commun. Les Israéliens qui parlent de la solution avec deux Etats ne parlent pas du tout de la même chose que les Palestiniens. Lorsque Tzipi Livni [ancienne ministre des Affaires étrangères des Travaillistes, ancienne ministre de la Justice de Netanyahou,  ancienne leader du parti Kadima d’Ariel Sharon et actuelle colistière du parti travailliste pour la coalition de gauche, possible Premier ministre en alternance avec Isaac Herzog] parle de deux Etats, elle pense à un Etat Palestinien sans Gaza et qui serait constitué, en Cisjordanie, de bantoustans non reliés entre eux. Même quand les Israéliens parlent d’une solution avec deux Etats, ils ne parlent pas d’un véritable Etat palestinien. Aujourd’hui, ils parlent d’une solution avec un Etat Israélien et dix Etats palestiniens. C’est ce que j’appelle la solution des dix Etats!»

Ce qu’elle critique surtout, ce sont les hypocrisies et les faux semblants, ceux des Travaillistes plus encore que du Likoud conservateur.

«Le parti qui représente la gauche en Israël, autrement dit les Travaillistes, est le parti qui est le plus responsable de la colonisation et des discriminations contre les Palestiniens. Et de leurs expulsions! L’usage du mot “gauche” est très cynique... Alors, vous me direz, ils défendent les droits des personnes LGBT. OK. C’est bien. Mais ils se foutent complètement de savoir s’il y a de l’eau à Gaza ou si les étudiants de Gaza peuvent étudier en Cisjordanie. Ils sont de gauche sur la question gay, mais est-ce que ça veut dire qu’ils sont de gauche?»

 

Elle parle vite, sans pause, sans hésitations. Elle a tellement parlé depuis tellement d’années. Tout juste, en me regardant dans les yeux, se souvient-elle que je suis Français.

«N’importe quel juif dans le monde qui ne vit pas ici a plus de droits qu’un Palestinien qui vit ici. N’importe quel juif français, par exemple, a plus de droits que les Palestiniens que vous voyez ici. Même si le Palestinien est né ici; si ses parents sont nés ici. Un juif français peut acheter un appartement à Tel Aviv, s’installer dans une colonie près de Bethleem, mais un Palestinien ne peut même pas revenir, ne peut pas voyager librement, ne peut même pas être sûr que sa terre ne lui sera pas prise –si ce n’est déjà fait. Israël externalise ses discriminations et ses préjugés racistes. Et tous les juifs à travers le monde sont, en quelque sorte, complices de ce régime israélien d’apartheid. Parce qu’ils ont le droit au retour sans condition.»

Il n’y aura de futur possible pour aucun des deux peuples sans l’égalité

 

Amira Hass reprend:

«Les Israéliens ne veulent pas deux Etats comme solution, ils veulent que les Palestiniens capitulent. Ils ne veulent pas abandonner leur domination sur la terre palestinienne, sur les ressources. Ils ne cherchent pas une solution, ils veulent la capitulation, la défaite des Palestiniens.» 

Que faire? Amira Hass pense qu’il faut continuer à défendre trois principes simples.

«Il y a d’abord deux peuples sur le même territoire. Ensuite, ces deux peuples ont le droit à l’auto-détermination, mais seulement l’un d’entre eux à aujourd’hui le droit à cette auto-détermination. Enfin, il n’y aura de futur possible pour aucun de ces deux peuples sans l’égalité. Si vous comprenez ces trois principes, vous voyez bien qu’il va falloir que des changements considérables aient lieu pour avancer. Alors après, un Etat, deux Etats, cinq Etats, je ne sais pas. Il faut d’abord poser des principes clairs.»

Depuis longtemps, Amira Hass s’est exilée, d’une certaine façon, de la société israélienne. Elle a choisi de vivre parmi les Palestiniens et on devine que ce n’est pas si facile. Rares sont les journalistes d’extrême gauche qui vont jusqu’au bout d’un idéal et lui consacre leur vie. On peut bien sûr la critiquer, la trouver «trop radicale», «extrémiste» ou «gauchiste», la considérer comme une «traître», une juive qui serait dans la «haine de soi» –et beaucoup la haïssent en employant ces mots– mais elle est une voix d’Israël, rare et précieuse. Unique. C’est pour cela qu’elle est l’une des journalistes les plus primées au monde. Peut-être moins pour ce qu’elle écrit, que pour le fait d’être là, à Ramallah.

Amira Hass doit maintenant partir. Elle se lève et prend dans ses bras un magnifique bouquet de fleurs qu’elle vient d’acheter à un vendeur ambulant palestinien.

«C’est la première fois que j’achète des fleurs depuis six mois. Depuis la dernière guerre à Gaza, l’été dernier. Depuis la guerre, je n’arrivais plus à acheter des fleurs. Je ne pouvais plus.»

Deux recueils de chroniques d’Amira Hass ont été publiés en français par les éditions La Fabrique: Boire la mer à Gaza, sur la période 1993-1996 et Correspondante à Ramallah, sur la période 1997-2003.

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