FREE PALESTINE
4 janvier 2009

Un génocide en Palestine ?

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Un génocide en Palestine ?

Billet posté le dimanche 4 janvier à 09:56 par Henri Goldman.

http://blogs.politique.eu.org/henrigoldman/20090104_un_genocide_en_palestine.html

Une guerre sanglante s’est rallumée à quelques milliers de kilomètres. Elle mobilise nos affects comme aucun autre conflit n’a jamais réussi à le faire. Et comme, en ce moment précis, nous nous sentons impuissants, ces affects se libèrent dans la surenchère des mots qui sont le substitut des armes. L’obsession qu’ils charrient est tout à fait singulière. Des deux côtés, cette obsession nous renvoie à la Seconde Guerre mondiale et au judéocide, comme si c’était indispensable pour sacraliser ses propres engagements. Cela fait des décennies qu’Israël fait payer aux Palestiniens le plus grand crime européen de toute l’histoire et inscrit le supposé « refus arabe » dans le grand refus éternel dont les Juifs seraient victimes. En miroir, sur les images de solidarité avec les bombardés de Gaza, on voit défiler des pancartes où l’étoile de David est mise en parallèle avec la croix gammée et Gaza avec Auschwitz. Sur Internet, des sites sérieux affirment que les Palestiniens sont victimes d’un génocide et suggèrent que ceux qui refusent de l’admettre et de le nommer comme tel ont la solidarité frileuse.

 

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Manifestation à Tel Aviv le 3 janvier 2009. Autres photos : http://zope.gush-shalom.org/home/en/gallerie/gallery_1231029016

Faut-il se scandaliser de cette inflation terminologique ? « Il y a suffisamment d’arguments et d’adjectifs pour dénoncer et qualifier les atrocités commises par les forces d’occupation israéliennes pour qu’il soit nécessaire de les présenter comme des “actes de génocide”. Pour autant, à l’échelle humaine où se vivent les deuils, la souffrance d’une mère palestinienne qui vient de perdre son mari et ses trois fils dans un raid de “représailles” n’est pas moindre que s’ils avaient été les victimes d’un génocide estampillé. Je comprends qu’en de tels moments, on souhaite nommer sa douleur en choisissant parmi les mots disponibles ceux qui sont les plus de lourds de sens. Ce n’est sûrement pas face à elle qu’il faut s’indigner bruyamment de l’utilisation abusive d’un mot ou d’une référence. Même les cris de “Mort aux Juifs” (ou leur écho symétrique de “Mort aux Arabes”) et les appels à la vengeance ne m’apparaissent pas inhumains s’ils sont proférés dans le climat de paroxysme émotionnel qui entoure la mise en terre d’un être aimé à jamais disparu. Le scandale ne commence qu’après, quand des discours construits viennent donner une forme politique à cette souffrance et quand les propagandistes de causes douteuses s’abattent comme des charognards sur la douleur des femmes et des hommes qui pleurent leurs morts. » |1| C’est pourquoi je tiens ceux qui sont incapables de manifester leur solidarité sans verser de l’huile sur le feu pour des irresponsables qui insultent l’avenir.

 

Il faut pourtant s’interroger. « D’où vient cette obsession presque jubilatoire avec laquelle certains critiques d’Israël lui retournent ses références historiques les plus sacrées ? Les anciens génocidés seraient devenus les nouveaux génocidaires, les anciennes victimes (du racisme, des pogroms, de la violence d’État) seraient devenus, exactement dans les mêmes catégories, des bourreaux. (…) Manifestement, il s’est noué autour de la “Mémoire de la Shoah” une relation perverse entre Israël et le reste du monde, dans laquelle l’État hébreu s’adresse à lui au moyen de ce que les psys appellent un double bind, ou une injonction paradoxale. D’une part, il serait toujours le petit Poucet victime, État-mouchoir de poche au milieu d’un océan d’Arabes. À ce titre, il revendique toujours le droit de désigner les nouveaux Hitler qui se dressent devant lui : Nasser, Arafat ou Saddam Hussein et sa “quatrième armée du monde” |2|. D’autre part, il manipule avec une délectation certaine tous les attributs de la puissance face à ces Arabes “qui ne comprennent que la force”. »

 

Dans le même registre, j’ai reçu ce mail d’un ami juif emporté par la tornade nationaliste – celle qui vous attrape par les tripes et vous anesthésie le cerveau – qui s’en prenait à l’appel lancé par l’Union des progressistes juifs de Belgique à manifester le 31 décembre contre l’opération « Plomb fondu » |3| : « Formidable, vous allez vous retrouver une fois de plus avec des nazislamistes qui appellent au meurtre des juifs dans les mosquées, vous serez à côté de gens qui n’hésiteront pas, une fois de plus et vous les avez déjà entendus, à traiter tous ceux qui ne vont pas dans leur sens de “sales juifs”. » J’étais à la manifestation et n’ai rien vu de tel. Mais c’est maintenant, dans la durée, qu’il faudra continuer à faire preuve de sang-froid pour être, si c’est un tant soit peu possible, utile.


|1| Cette longue citation, ainsi que la suivante, sont extraites de mon essai Oublier Jérusalem ? Une approche d’Israël, du sionisme et de l’identité juive, Quartier libre, 2002. Quelques jours après sa publication, Israël déclenchait l’opération « Rempart » et réoccupait la Cisjordanie.

|2| Même Itzhak Rabin n’y avait pas échappé peu de temps avant sa mort, lui dont l’effigie se retrouvait en tenue de SS dans les manifestations du Likoud.

|3| Voir mon post précédent.

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