FREE PALESTINE
5 novembre 2007

L’ennemi de l’intérieur

L’ennemi de l’intérieur

par David Kimche

Miftah

Nos pires ennemis ne vivent pas à Ramallah, ni même à Gaza. Non, vous les trouverez à Tel Aviv, à Jérusalem, à Haïfa.

Ils vivent parmi nous. Ce qui les motive, c’est l’avidité, la cupidité. Ils portent des costumes coûteux, mettent des cravates dernier cri.

Ce très cher avocat avec, oh, de tels goûts culturels raffinés, qui a escroqué des dizaines de millions de dollars aux survivants de l’Holocauste, sans sourciller, est l’un d’eux. Dans mon livre, il est haut placé, en tête de liste, le pire parmi les pires.

Hélas, il n’est pas le seul. Cet ancien ministre, respirant la bonne volonté et la bonhomie, avec son charmant sourire de grand-père, qui a osé régner sur les finances de notre pays alors qu’on savait que tout le temps il se servait en millions de shekels de l’argent d’autres peuples, en est selon toute probabilité un autre. Contrairement à l’avocat susmentionné, il n’a pas encore été reconnu coupable, mais les accusations que la police porte contre lui semblent être inattaquables.

Il y en a beaucoup, beaucoup d’autres - on pourrait en remplir toute cette page, exemple après exemple - et pourtant, malheureusement, ces corrompus, ces rejets avides de notre société ne sont qu’une facette de l’ennemi qui nous ronge de l’intérieur.

Il y a quelques mois, la télévision israélienne a filmé une scène avec des connotations atroces : elle montrait un homme allongé dans le milieu de la rue, à un carrefour animé à l’entrée de Tel Aviv ; il avait chuté de sa moto, heurté par un véhicule, et il restait étendu à terre, sans bouger. Le côté atroce de la scène, c’était que des dizaines de voitures passaient tout près de lui et qu’aucun conducteur ne prenait la peine de s’arrêter pour voir s’il avait besoin d’aide.

Le trottoir était grouillant de monde, mais personne n’a traversé la rue pour aller voir cet homme. Ils étaient tous plongés dans leurs propres affaires et n’avaient pas de temps pour un autre être humain fut-il en difficulté.

Israël est devenu une société égocentrique. Il y a, bien sûr, beaucoup de belles exceptions, des associations de bénévoles qui aident les pauvres, les handicapés, les opprimés. Mais en général, nous ne nous soucions pas de la souffrance d’autrui, tant que nous, nous nous en tirons bien.

Dans un récent article du Jerusalem Post, Michael Freund résumait le phénomène avec ce simple mot « Moi ». Il y a quelques semaines, mon neveu d’Haïfa allait plus loin, il disait que nous souffrions du syndrome du « Moi, et maintenant » - chaque « Moi », lui ou elle, dans notre société axée sur la consommation veut avoir ses cadeaux maintenant, et veut ceux-là à l’exclusion de tout autre.

Nous avons le taux le plus élevé d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté et l’écart le plus grand entre les riches et les pauvres de tout le monde occidental ?... qui s’en soucie ? Notre système éducatif piétine, il est sur le point de s’effondrer ? la violence dans nos écoles et dans la rue atteint des proportions endémiques ?... et alors ?

Et la liste est longue. Les toutes puissantes sociétés d’intérim bafouent notre législation du travail, privant les salariés des prestations sociales et les rémunérant en dessous du salaire minimum, et le gouvernement ferme les yeux.

Les travailleurs étrangers sont traités avec cynisme, ils sont sous-payés, et pourtant il n’y aucune protestation contre ce phénomène lamentable.

Nous avons fait venir nos sœurs et nos frères éthiopiens en fanfare et en nous en réjouissant, mais nous n’avons presque rien fait pour répondre à leurs besoins et pour les intégrer, et il n’y a aucune volonté publique pour faire quelque chose en ce sens.

Et puis, il y a les souffrances des Palestiniens, mais de cela bien sûr, je ne devrais absolument pas en parler parce que, comme tout le monde me le dira, ils se les ont infligées eux-mêmes. Cela suffit amplement comme raison pour que la majorité des Israéliens bloquent toute discussion sur la détresse provoquée par l’occupation et sur le vandalisme de certains colons qui arrachent ou abattent les oliviers, empêchent la cueillette des olives et d’une façon générale, font tout leur possible pour rendre la vie de leurs voisins palestiniens aussi misérable que possible.

L’indifférence est devenue une caractéristique dominante de notre société laïque, un ennemi bien plus dangereux que celui qui traverse la Ligne verte, une indifférence à l’égard de tout, sauf, bien sûr, de ses propres intérêts particuliers.

On peut difficilement en dire autant du secteur religieux de notre société. Le zèle religieux et nationaliste de la jeunesse orthodoxe est tout le contraire de l’apathie. Ce zèle, cependant, est souvent recouvert d’une épaisse couche d’intolérance et d’insensibilité pour tout ce qui ne rentre pas dans les visées extrémistes d’une grande partie des éléments nationalistes religieux de notre société. Il a contribué à élargir le fossé entre le religieux et le laïc. Un abîme qui est devenu un élément de plus à nous ronger de l’intérieur, un ennemi de plus entre nos murs.

Il y a ceux - dont je suis - qui affirment que la raison du malaise de notre société est l’occupation, la domination d’un peuple - le nôtre - sur un autre peuple. Notre système de valeur en a été terriblement affecté. Certes, les Palestiniens, dans une large mesure, l’ont « cherché » ; on peut arguer que la poursuite de leur violence a légitimé nos réactions. Les Palestiniens, bien sûr, prétendent que leur violence est provoquée par l’occupation et qu’ils pourraient vivre en paix avec nous si nous nous retirions de leurs territoires et acceptions la solution à deux Etats. De nombreux Israéliens ne sont pas d’accord avec cette revendication, mais quoi qu’il en soit, la vérité nue est que l’occupation nous a nui à bien des égards.

Elle a corrompu nos mœurs, sapé nos valeurs, divisé notre société, encouragé la violence, et elle a englouti des milliards de dollars qui auraient pu être utilisés de façon beaucoup plus constructive, pour l’enseignement, la santé et bien d’autres encore.

NOUS NE DEVONS PAS faiblir dans notre combat contre nos ennemis de l’extérieur - que ce soit le Hamas au sud, le Hezbollah au nord, ou ceux de Tehéran qui appellent à nous rayer de la surface de la planète.

Mais dans le même temps, nous devons accorder plus d’attention à l’ennemi qui est à l’intérieur de nos portes. Il y a beaucoup à faire pour que les choses aillent mieux, et la première étape doit être de restructurer notre système éducatif en déclin, de motiver nos enseignants et la jeune génération pour qu’elle veuille, elle aussi, enseigner.

Israël était un endroit merveilleux. Nous pourrions à juste titre être fiers de nos valeurs, de nos réalisations. Aujourd’hui, nous ne pouvons encore être fiers de ce que nous avons fait.


David Kimche a été directeur de cabinet du ministère des Affaires étrangères israélien (1980-1987). Il fut journaliste au Jerusalem Post. Il a été numéro 2 du Mossad et a participé à la délégation israélienne qui a négocié les accords de Camp David en 1978. (Source : Answers.com).

3 novembre 2007 - article initialement publié dans le Jerusalem Post, puis par le Miftah - traduction de l’anglais : JPP

Sources Info Palestiine 

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