Israël relance sa campagne à l’UE
DUMONT,SERGE; LOOS,BAUDOUIN
Mardi 14 septembre 2010
Proche-Orient L’État hébreu cherche un statut rehaussé à Bruxelles
L’on
reparle du « rehaussement » du statut d’Israël au sein de l’Union
européenne. Selon les informations de notre confrère israélien Haaretz,
les ambassades d’Israël dans les pays de l’UE et surtout à Bruxelles
ont été chargées la semaine dernière par le ministère israélien des
Affaires étrangères de relancer leurs efforts en vue de promouvoir
l’obtention de ce statut exceptionnel au profit d’Israël.
Quelques rétroactes sont sans doute nécessaires. Durant l’année 2008,
l’Etat d’Israël a sollicité l’UE pour bénéficier d’un rehaussement de
son statut, tant au point de vue politique qu’économique. Il s’agissait
de décrocher des conditions de coopération dont aucun autre pays
non-membre de l’UE ne jouit. « Une fois réalisé, ce rehaussement
pourrait faire affluer des milliards de dollars dans l’économie
israélienne », écrit le Haaretz ce lundi.
Au grand dam du camp palestinien, les Vingt-Sept avaient accueilli la
requête favorablement en décembre 2008, malgré le fait que le processus
de paix mené par le gouvernement israélien d’alors, dirigé par Ehoud
Olmert, et l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – le processus dit
d’Annapolis – n’avait donné aucun résultat concret. Mais l’attaque de
la bande de Gaza par Israël quelques jours plus tard, le 27 décembre,
et ses funestes répercussions sur l’image d’Israël avaient gelé le
projet de rehaussement, gel que le changement de gouvernement israélien
après les élections de mars 2009 et l’arrivée aux affaires d’une
coalition aux accents ultra-nationalistes emmenée par Binyamin
Netanyahou avaient entériné.
Les directives qu’ont reçues les
ambassades israéliennes la semaine dernière demandent aux diplomates
israéliens, selon le Haaretz,
de faire justement valoir que le processus de paix a été relancé le 3
septembre dernier à Washington et que, désormais, les parties
renégocient enfin directement entre elles. Une session de deux jours
aura d’ailleurs lieu ces mardi et mercredi à Charm el-Cheikh, dans le
Sinaï égyptien, en présence de l’Américaine Hillary Clinton (voir
ci-dessous).
« Simplement indécent »
Pour une députée européenne
belge Véronique De Keyser qui connaît bien le dossier, « le retour
de cette requête pour le rehaussement d’Israël à Bruxelles n’est pas
étonnant ». La socialiste ne cache pas son courroux. « Je trouve
cela tout simplement indécent et je pèse mes mots, nous dit-elle. Car,
en même temps, la situation à Gaza a peu évolué depuis l’affaire du
Mavi Marmara (l’assaut par la marine israélienne d’une flottille de
solidarité qui avait tué neuf ressortissants turcs le 31 mai) et
des projets de loi inquiétants sont étudiés par la Knesset, comme celui
qui va criminaliser le soutien au boycott d’Israël, y compris des
produits des colonies qui se trouvent illégalement dans les territoires
palestiniens occupés. Un Belge comme un Palestinien pourrait être
interdit d’entrée en Israël pendant dix ans pour avoir promu le boycott
de ces marchandises ! »
L’Union européenne n’a pas encore pris
position. Mais un haut fonctionnaire de la Commission a indiqué à Mme
De Keyser que l’UE n’était « pas dans une logique de pression contre
Israël ».
Les habitants de Ramallah disent leur scepticisme
REPORTAGE
RAMALLAH
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
La paix ?
Quelle paix ? »
A l’instar de ses associés dans une petite affaire d’import-export,
Abed Saalous, le fils d’un militant du Fatah tué au Liban au début des
années 80, ne croit pas à la réussite des négociations
israélo-palestiniennes qui débuteront aujourd’hui à Charm el-Cheikh. «
Bien sûr Hosni Moubarak et la secrétaire d’Etat américaine Hillary
Clinton seront présents, mais qu’est ce que cela changera ?,
interroge-t-il. Sur
le fond, l’occupation reste l’occupation et la colonisation se
poursuit. Depuis 1993, nous avons tellement été déçus par les accords
d’Oslo (1993) que nous ne nous faisons plus d’illusion sur grand-chose.
»
Au gré des conversations, il apparaît que bon nombre de
Palestiniens doutent de la volonté ide paix israélienne. Mais également
de Mahmoud Abbas, qu’ils ne croient pas capable de résister aux
pressions américaines qui le forceraient à entériner un accord vide de
sens. « Certes, Binyamin Netanyahou évoque une paix basée sur deux
États vivant côte-à-côte. Mais il proclame également qu’il faudra
“trois à quatre décennies” pour concrétiser la paix. Cela signifie que
même s’il parvient à trouver un terrain d’entente avec Abbas, la
situation restera statique jusqu’en 2040-2050 », fulmine Mohamad Al
Bashi, ancien collaborateur de l’université Bir Zeit. Et de poursuivre :
«
Ce processus de paix, c’est de la m… Quiconque entend les Israéliens
proclamer leur volonté de contrôler les entrées et les sorties,
l’espace aérien, ainsi que la sécurité de l’Etat palestinien qui
pourrait naître du processus en cours comprend que les négociations ne
donneront rien de bon ».
Même pessimisme dans les nouveaux
bars branchés de Ramallah où quelques jeunes clients d’extraction
bourgeoise refusent de discuter de quoi que ce soit. « On ne s’occupe
pas de politique », s’excusent-ils.
Ce mutisme cache peut-être de la gêne. En tout cas, on s’y heurte
souvent à Ramallah. Entre autres, lorsque l’on évoque la collaboration
antiterroriste entre les services de sécurité de l’AP et ceux d’Israël
ainsi que la guerre larvée que se livrent le Fatah et le Hamas. « Ça
nous dépasse, on ne comprend pas tout, lâche un chauffeur de taxi
avec un sourire contrit. Parfois, il vaut mieux ne pas poser trop de
question. »
« Quémander les miettes »
Sur la route menant de Jérusalem à Ramallah, les « nouveaux quartiers »
construits pour la population juive défilent les uns après les autres.
Toujours plus luxueux et toujours plus nombreux. Au point que les
passagers palestiniens des minibus effectuant la liaison entre les deux
villes n’y prêtent plus attention depuis longtemps. « Regardez ces
publicités pour les lotissements réservés aux juifs, voyez ces
autoroutes modernes et bien éclairées. Il faudrait être naïf pour
imaginer que Netanyahou va lâcher tout cela même dans le cadre d’un
accord réglant définitivement le conflit israélo-palestinien,
affirme un ancien fonctionnaire de l’Office des statistiques. Si
nous osions regarder les choses telles qu’elles sont au lieu de nous
bercer de discours, nous nous rendrions compte que la réalité créée par
Israël durant ses 42 ans d’occupation pourra difficilement être
modifiée. Nous nous sommes bien fait avoir : malgré les discussions en
cours, les Israéliens garderont la plus grosse part du gâteau et nous
devrons nous contenter de quémander les miettes. »
CONTEXTE
Le problème
Les pourparlers de paix israélio-palestiniens reprennent
aujourd’hui à Charm el-Cheikh. Or, les deux parties sont en désaccord
sur l’ordre du jour : Binyamin Netanyahou veut discuter des problèmes
de sécurité alors que Mahmoud Abbas souhaite commencer l’examen des
dossiers sensibles : les frontières du futur Etat palestinien, le
partage de Jérusalem, etc. Par ailleurs, le Premier ministre israélien
a décidé de ne pas prolonger le gel de dix mois des constructions dans
les colonies de Cisjordanie. Celle-ci reprendront à partir du 26
septembre.
L’enjeu
De nombreux commentateurs considèrent ce nouveau round de
négociations comme la dernière chance d’aboutir à un accord de paix.
A
suivre
Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, n’est pas partie
prenante au processus. Sa branche armée ainsi que d’autres
organisations plus radicales ne cachent en tout cas pas leur intention
de le perturber par la violence.