Connection Maroc Mossad Israël
Collaboration Au Sionisme
Connection Maroc Mossad Israël
Peu de temps après l'indépendance, Israël a commencé à suivre une
"doctrine périphérique" dans ses affaires étrangères : chercher à nouer
des liens avec des pays arabes en marge du conflit qui perdure au Moyen
Orient. Aucun exemple n'a mieux illustré la sagesse de cette doctrine
que les liens développés avec le royaume du Maroc.
De nombreux facteurs expliquent cette
relation spéciale. Dans les années qui ont suivi leur indépendance,
Israël et le Maroc ont tous deux eu besoin de l'assistance occidentale
pour relever les défis en interne et les menaces étrangères,
spécialement le communisme et le pan arabisme.
"
quand le Maroc est devenu indépendant, ses frontières étaient largement
ouvertes à des éléments hostiles spécialement des espions égyptiens,
qui cherchaient à construire une infrastructure secrète, dans un effort
pour faciliter la pénétration soviétique en Afrique du Nord" explique Shmuel Segev,un ancien officier du renseignement militaire et auteur de "The Moroccan Connection : The Secrets Relations between Israël and Morroco".
A cette époque, Gamal Abdel Nasser était un proche allié de Moscou. En
échange d'armes tchèques et d'instructeurs soviétiques, Nasser a ouvert
les portes de l'Afrique à l'Union Soviétique et à la Chine. Finalement
cette réalité a été utilisée par Israël pour convaincre le Maroc de
coopérer dans le domaine du renseignement."]i
Pendant les décennies qui ont suivi,
Tel Aviv et Rabat ont développé une relation secrète forte dans trois
domaines : émigration, renseignement et diplomatie. Cette voie
clandestine a porté ses fruits et a conduit finalement à l'un des
succès les plus rayonnants de la diplomatie israélienne : la visite à
Jérusalem du président égyptien Anwar Sadat en 1977.
La communauté juive marocaine a eu une
histoire longue et spéciale pendant plus de 2500 ans. Comptant en 1948
près de 300 000 membres, c'était la communauté juive la plus grande du
monde arabe. Répartie dans tout le pays, elle se concentrait néanmoins
surtout à Rabat et à Casablanca. La monarchie avait établi une relation
unique avec sa minorité dhimmi, indispensable et "protégée". Pendant la
Seconde Guerre Mondiale, le roi Muhammad V a refusé d'appliquer les
lois antisémites du protectorat imposées par le régime de Vichy en
France, s'assurant ainsi la fidélité de la communauté juive. Cependant,
l'indépendance israélienne et la propagande de la Ligue Arabe
influencée par le président égyptien Nasser a rapidement crée une
atmosphère d'oppression et de menaces constantes.
En 1954, le chef du Mossad, Isser
Harel, a décidé d'établir une base clandestine au Maroc. Un agent
clandestin appelé Shlomo Havilio a été envoyé pour surveiller les
conditions de vie des Juifs dans le pays. Son rapport sonnait l'alerte
: les Juifs craignaient le départ des forces coloniales françaises et
l'hostilité croissante du pan arabisme; les communautés juives ne
pouvaient pas être défendues et leur situation allait probablement
empirer une fois le Maroc indépendant. Havilio avait une solution : une
émigration en masse en Israël. Harel était d'accord.
Moins d'un an après ce rapport, le
Mossad a envoyé ses premiers agents et émissaires au Maroc pour évaluer
la situation et pour organiser une Alya non stop ( Alya = émigration
ndlt). Environ 90 000 Juifs ont émigré entre 1948 et 1955, et 60 000 de
plus sont partis dans les mois qui ont précédé l'indépendance. Alors,
le 27 Septembre 1956, les autorités marocaines ont stoppé toute
émigration, la déclarant illégale. a partir de ce moment là jusqu'en
1960, seulement une petite poignée d'un millier ont quitté le Maroc
clandestinement chaque année. Quand Isser Harel a visité le Maroc en
1959 et 1960, il était convaincu que les Juifs étaient prêts à partir
en masse pour retourner à Sion.
Peu de temps après, Harel a remplacé
Havilio par Alex Gatmon comme chef du Mossad au Maroc. Une milice
clandestine a été créée, la "Misgeret" ( " réseau") dont le
commandement central était à Casablanca et des agents ont été recrutés
dans tout le royaume. Son but était de défendre les communautés juives
et d'organiser les départs clandestins. Le 11 janvier 1961, un drame a
eu lieu : un petit bateau, le Piscés ( Egoz) a coulé lors d'une tempête
avec 55 émigrants juifs marocains à bord, la moitié des enfants.Tous
ont péri. Il a fallu trouver une nouvelle stratégie pour que les
enfants soient sortis clandestinement sans leurs parents, qui ensuite
partiraient eux aussi clandestinement. Naftali Bargiora a proposé une
idée audacieuse à l'Agence Juive. L'"Opération Mural" était née.
Le Mossad, avec l'Agence Juive et une
organisation humanitaire s'occupant d'enfants a envoyé au Maroc David
Littman, un volontaire britannique. Après 4 mois de négociations, il a
réussi au delà de toute attente. Littman ( nom de code "Mural") avec
des contacts du Mossad, a organisé le départ de 530 enfants juifs, qui,
sous couvert d'aller dans des camps de vacances en Suisse, ont quitté
légalement le Maroc, et de là ont rejoint Israël. L' Opération Mural
est survenue à un moment décisif. Le système des "passeports
collectifs" obtenu par Littman sera ensuite utilisé pour une plus
importante émigration ayant réussi cette fois avec l'autorisation du
roi.
Pendant l'été 1961, le chef du Mossad
au Maroc, Alex Gatmon - un ancien chasseur de nazis - a rencontré
secrètement le ministre du travail marocain, Abdelkader Benjelloun. Les
conditions posées par le roi pour une émigration légale c'était
qu'aucune organisation sioniste ne soit impliquée et le paiement d'une
indemnité pour chaque départ. Le 27 novembre 1961, après qu'Israël eut
payé 500 000 $ via le Mossad, le chef de la sécurité nationale,
Muhammad Oufkir, a signé le premier "passeport collectif" autorisant
des Juifs à quitter le pays légalement.
C'état le début de "l' Opération
Yaknin". Les chiffres varient, mais pour chaque tête il a été payé
entre 50 et 100$. Le coût total des indemnités payées aux autorités
marocaines se chiffre entre 5 et 20 millions de $ ( soit l'équivalent
actuel de 100 à 400 millions de $). Finalement, entre 1962-1964, grâce
à ses contacts secrets, le Mossad a pu amener 100 000 Juifs en Israël.
A côté du Misgeret, Harel avait crée
un deuxième réseau pour développer des relations avec des responsables
marocains et établir des liens secrets au plus haut niveau. Selon Segev
"
un Juif marocain, qui état un ami proche du ministre de la sécurité
nationale, Muhammad Oufkir, a organisé une rencontre entre Oufkir et le
Mossad dans un lieu secret à Paris. Rien n'est sorti de cette rencontre
- Oufkir, n'était pas encore prêt à une coopération des services
secrets marocains avec ceux d'Israël."
Mais tranquillement, les relations ont commencé à s'améliorer fin
1959-1960, spécialement après la mort du roi Mohammad V en Février
1961, et le couronnement d'Hassan II. Le Mossad a offert d'entraîner
les gardes du corps de sa majesté. Il a aussi formé les services
secrets du royaume, mal organisés à 'époque - leur apprenant à empêcher
les agents algériens et égyptiens de pénétrer dans les ambassades
marocaines au Caire et à Alger.
En 1965, le Mossad dont le directeur
de l'époque était Meir Alit, s'est vu obligé de répondre à un appel du
roi pour retrouver la trace d'un dissident, Medhi Ben Barka, une
affaire qui hantera le Maroc pendant des décennies. Contrairement aux
rumeurs persistantes qui circulent, le rôle du Mossad s'est limité à
fournir au Maroc l'adresse de la poste restante où Ben Barka venait
chercher son courrier à chaque fois qu'il séjournait à Genève.
Cependant, Israël n'a pas été impliqué dans ce qui s'est passé après
que Ben Barka eut quitté Genève pour Paris et ait connu un sort
tragique. Selon Jean Baklouti, qui dirigeait à l'époque l'agence du
contre espionnage français la DST
" Ben Barka est tombé plus tard dans un piège et a été tué par des
agents marocains aidés par la 7ème section des services d'espionnage
intérieurs (les RG)".
Les
services de renseignements israéliens sont restés proches du roi
pendant des années. A la fin des années 70, l'ancien contact d'Israël,
Oufkir, a essayé de monter une conspiration contre le roi. Il a
ouvertement partagé son projet avec Israël qui a tout de suite prévenu
le roi Hassan II. Le coup a échoué, et le roi n'a jamais oublié cette
aide cruciale de Tel Aviv. Des années durant, cette voie secrète s'est
améliorée, et Israël est resté actif dans la fourniture d'armes et de
renseignements au Maroc, spécialement en relation avec le conflit du
Sahara.
Concernant les problèmes du Moyen
Orient, l'intérêt du Roi Hassan II pour la paix n'était pas nouveau.
Dans la fin des années 50, avant son couronnement, il avait choqué les
gens lors d'une visite au Liban en affirmant que la seule solution pour
le conflit qui perdurait s'était de faire la paix et d'inclure Israël
dans la Ligue Arabe. Le roi était fasciné par l'idée d'une
"réconciliation de la fraternité sémite" bien qu'il ne l'ait jamais
exprimé durant les premières années de son régime, alignant son pays
sur l'alliance anti Israël.
Cependant, au milieu des années 70 et
ensuite, Hassan II a commencé à parler de plus en plus de "dialogue" et
a mis en garde ses homologues arabes sur les dangers d'un "conflit
prolongé" pour leurs propres sociétés. Le royaume a par conséquent
organisé des conférences de haut niveau en lien avec le Moyen Orient,
et maintenu ouvertes les voies secrètes avec Israël. Quand Tel Aviv a
commencé à envisager la paix avec l'Egypte, le Maroc a offert son aide
comme facilitateur.
En octobre 1976, Ytzhak Rabin s'est
rendu en visite au Maroc dans ce but, mais le président égyptien, Anwar
Sadat l'a trouvé "trop faible" et n'a pas donné suite à ses gestes d'
ouverture. Tout à changer avec l'élection de Menahem Begin en 1977.
Sadat a fait part de son intérêt. De plus, pour construire une
véritable relation avec l'Egypte, le Mossad a fait passé via les
services secrets marocains des renseignements aux égyptiens, prévenant
Sadat d'un complot libyen le ciblant. Cela a profondément impressionné
le dirigeant égyptien.
Peu de temps après, le chef du Mossad,
Yitzha Hofi, s'est rendu à Rabat, a rencontré le roi et a commencé des
négociations avec l'aide de Sadat, Hassan Tuhami. En septembre 1977,
une nouvelle réunion s'est tenue entre le ministre des affaires
étrangères Moshe Dayan et l'aide de Sadat à Rabat, prouvant une
nouvelle fois que la diplomatie et les services secrets pouvaient
travailler ensemble. Segev explique que "c'est
important d'expliquer le rôle du Mossad dans cet épisode", " car sans
Hofi, la rencontre Dayan Tuhami n'aurait pas eu lieu". Le 17
novembre 1977, Sadat s'est rendu à Jérusalem, une visite historique qui
changera le Moyen Orient pour toujours. Plus de 20 ans après les
premiers contacts israéliens avec le Maroc, la connection entre l'état
juif et le royaume a révélé son énorme potentiel.
Et aujourd'hui ?
Dans le domaine des services secrets, mais aussi de la culture et de
l'économe ( le commerce entre les deux pays s'élève à 100 millions de $
par an), le Maroc et Israël ont des intérêts communs. La lutte contre
le "terrorisme" est également un défi qu'ils doivent affronter
quotidiennement " Le Mahgreb a beaucoup à gagner à ne pas prendre partie aveuglément pour les régimes voyous du Grand Moyen Orient" a dit Michael Ross, un ancien agent du Mossad né au Canada, et auteur de "The Volonteer". "Le Maroc devrait résister aux tentatives d'al Qaeda pour s'enraciner fermement en Afrique du Nord".
Ce passé partagé permet au Maroc et à Israël de rester proches. En Mars
2009, un journal de Casablanca, Le Soir Echos, a demandé une interview
et publié l'histoire de l' Opération Mural et de l'Alya secrète des
enfants juifs. C'était la première fois que les Marocains apprenaient
l'existence de David Littman, et de cet épisode particulier dans les
relations Israël Maroc.
Cet été, Littman, qui sera décoré lors
d'une cérémonie par le Centre israélien des services secrets et de la
commémoration, a utilisé cette interview pour s'adresser aux Marocains
et leur demander d'agir et dit : "
une solution au conflit arabo israélien n'est possible qu'avec l'aide
d'un état qui a la confiance des deux côtés". "Le Maroc se trouve dans
cette position unique. Le roi Muhammad VI devrait venir à Jérusalem,
s'adresser à la Knesset et réaliser le rêve de son père le roi Hassan
II"
Dans les colonnes du
quotidien de Casablanca, Littman a aussi exprimé son espoir que cette
relation durable entre le Maroc et Israël puisse servir d'exemple pour
d'autres pays, et soit un encouragement à des négociations de même que
pour rappeler à tous que malgré les difficultés, on peut parvenir à une
réconciliation (sur le dos des Palestiniens ?! ndlt).
Xavier Cornut
22/06/09 www.jpost.com. Il travaille sur les relations Maroc Israel, il
a été mentionné récemment dans Le Soir Echos de Casablanca et l'Israel
Magazine de Jerusalem.
Le Jpost a publié un article le 8 juillet de Jessica Levin et Alex
Sorin sur ce sujet quelques jours après que le président Obama ait
envoyé une lettre au roi Mohammad VI du Maroc pour le presser en tant
que dirigeant d'un pays nord africain modéré de " diriger les efforts pour réduire le fossé entre Israël et le monde Arabe".
En Israël les experts ont un avis partagé sur la question. Selon l'un
d'entre eux, Alon Ben Meir, actuellement en visite au World Policy
Institute de New York, le gouvernement Netanyahou serait ravi de voir
le roi du Maroc prendre une initiative allant dans ce sens. En fait
Netanyahou cherche, sans rien concéder aux Palestiniens, a obtenir des
gestes de normalisation des pays arabes, et compte sur le roi du Maroc
pour cela. Il faut savoir qu'actuellement, les Juifs qui vivent au
Maroc, environ 5000, on le droit de servir dans l'armée israélienne et
exercent une grande influence, selon Yoram Bilu, un professeur
d'anthropologie à l'Université hébraique. Selon ses propres termes : " il y a des familles riches et puissantes et elles sont représentées dans des postes de pouvoir et sont trés proches du roi."
Mais un autre expert, Daniel Zisenwine, du Moshe Dayan Center for
Middle Eastern et North African Studies de l'université de Tel Aviv,
semble d'un avis différent. Pour lui, "
Le gouvernement marocain se concentre actuellement sur les problèmes
internes et depuis l'arrivée de Muhammad VI au pouvoir en 1999, on a pu
noter un retrait de l'implication active du Maroc dans la diplomatie
régionale, alors que celle ci était visible sous le règne de son
père... La lettre d'Obama fait partie de l'effort américain pour
raviver cette implication. Je ne vois pas beaucoup d'enthousiasme de la
part du Maroc."
Pour lui le
Maroc, qui a des liens forts avec les US et les pays européens n'a rien
à gagner des contacts avec Israël sur la scène internationale, et le
roi Muhammad VI lui même est plus prudent que son père ne l'était dans
ce domaine.
"La nouvelle génération au Maroc est moins liées à la communauté juive,
des sentiments chaleureux ont effectivement existé mais il semble en
voie de disparition"
Il rappelle
également que les Marocains ont organisé des manifestations de
solidarité avec le peuple palestinien lors de l'Opération Plomb Durci
contre Gaza au cours de laquelle l'armée israélienne a massacré plus de
1400 Palestiniens.
Jeudi 09 Juillet 2009
Traduction synthèse Mireille Delamarre
http://www.planetenonviolence.org