FREE PALESTINE
9 février 2009

Pas besoin d’être arabe pour considérer qu’un Etat juif, ce n’est pas une bonne idée

Pas besoin d’être arabe pour considérer qu’un Etat juif,

ce n’est pas une bonne idée

Ofra Yeshua-Lyth

Hagada Hasmalit, 14 janvier 2009

www.hagada.org.il/hagada/html/modules.php?name=News&file=article&sid=6444

Traduction anglaise : The Case against a Jewish State Need not be an Arab-Only agenda www.hagada.org.il/eng/modules.php?name=News&file=article&sid=257

Ben Caspit écrit (Maariv, 13 janvier 2009) que rien ne l’exaspère autant que les députés arabes. « Le summum du culot », aux yeux de Caspit, c’est que lesdits députés « ne reconnaissent pas Israël comme Etat juif » mais qu’ils n’ont nullement l’intention de partir d’ici. Dans Yediot Aharonot également, le consensus tonne avec force : « Celui qui nie le droit du peuple juif à son propre Etat ne pourra plus jouir des agréments de sa fonction au sein du Parlement de l’Etat juif » (Emanuel Shilo, Yediot, 13 janvier 2009). Tout ceci faisait suite à la décision du Comité Electoral de refuser à deux listes d’Arabes israéliens de participer à la course aux sièges au prochain Parlement.

Au-delà du simple argument que la liberté d’expression est l’âme de toute démocratie (raison pour laquelle la Cour suprême enverra probablement à la corbeille cette nouvelle décision politique viciée des élus d’Israël), il importe de rappeler de temps à autre qu’il n’est nul besoin d’être « arabe » pour s’opposer au choix de l’Etat d’Israël d’être un Etat nation basé sur la religion uniquement. Ce n’est pas neuf : il suffit de lire la biographie (par Nourit Gertz) d’Amos Kenan, qui fut l’un des principaux journalistes de Yediot Aharonot, pour voir le degré de répugnance suscitée par le régime national-religieux dès le début des années cinquante, dans une partie non négligeable des citoyens juifs du jeune Israël.

Le lavage de cerveau national israélien amène des auteurs comme Caspit à délivrer des phrases qui se réfutent d’elles-mêmes, comme celle-ci : « Vous imaginez des députés juifs aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, se comporter de cette manière à l’égard de leur patrie ? Jamais de la vie. » Effectivement, l’imagination ne peut se figurer un parlementaire juif aux Etats-Unis, dont les « agréments de sa fonction » incluraient de représenter une communauté à laquelle sont refusés des droits civils élémentaires comme l’égalité pour tout ce qui touche à l’unification familiale ou à l’achat de terres, au droit de propriété, à l’égalité d’opportunités d’emploi et d’enseignement ou même dans l’expression d’une opinion politique légitime.

Une ample littérature rend compte de tout le caractère problématique de la conduite de l’Etat juif à l’égard de ses citoyens, et il suffit peut-être d’une citation extraite du Livre de la Citoyenneté édité par le Ministère de l’Enseignement (!) et qui, au chapitre 8 traitant des droits du citoyen, explique aux étudiants se préparant à l’examen de fin d’études sur la citoyenneté, que du fait de « la tension existant… entre la définition de l’Etat d’Israël comme Etat juif et sa proclamation d’un engagement à une égalité citoyenne, Israël a marqué des réserves à l’égard d’un certain nombre de clauses de conventions internationales en matière de droits de l’homme ».

Le choix fait par Israël de se définir sur une base nationale-religieuse adopte volontiers une formulation brutale et raciste. Il n’y a pas lieu de s’étonner des expressions de colère et de rejet présentes dans la rhétorique politique arabe israélienne, et qui reflètent une situation objective de discrimination continue.

Nous ne cessons pas d’entendre parler de « l’espace moyen-oriental » qui vaudrait à Israël de vivre dans un conflit sanglant et incessant. Essayons de faire travailler notre imagination et de nous figurer un « Etat juif » qui serait établi sur des territoires pauvrement peuplés dans les étendues du Canada ou de la Finlande. Combien de temps faudrait-il à la minorité autochtone locale pour constituer un groupe défavorisé et en colère, refusant du tout au tout le régime opérant une discrimination à son égard ? Et comment les voisins scandinaves ou canadiens, connus pour leur tempérament commode, leur naturel paisible, réagiraient-ils devant le traitement fait à une partie de leur peuple vivant dans « l’espace juif » ?

Le professeur Ouzi Ornan, âgé de 85 ans aujourd’hui, a, tout comme Amos Kenan, fait partie des combattants nationalistes clandestins d’avant la création de l’Etat. Cela fait huit ans qu’avec une quarantaine d’Israéliens – la plupart juifs selon la loi rabbinique - Ouzi Ornan mène une démarche juridique exigeant de l’Etat d’Israël qu’il permette l’enregistrement d’une « nation israélienne » qui ne soit fondée ni sur la religion ni sur l’origine ethnique. Des milliers d’Israéliens ont signé, au début de la décennie, la déclaration « Je suis israélien » rédigée par Ouzi Ornan. Le groupe des signataires de la pétition comprend des politiques comme Ouri Avnery et Shoulamit Aloni, à côté de professeurs ou de simples Israéliens venant de lieux divers de l’éventail politique. Il n’est encore venu à l’idée de personne de leur proposer de « quitter Israël » malgré le fait que les représentants du Procureur de l’Etat considèrent que leur pétition « sape les fondements » de l’Etat juif.

Au moins de ces Israéliens qui se considèrent comme « libéraux » et se donnent la peine à l’occasion d’exprimer du dégoût et du rejet à l’égard du nationalisme extrémiste, est-il possible d’attendre un examen de conscience général face à cette situation intolérable. Nous vivons dans un pays qui attribue à plus d’un million de ses citoyens un statut inférieur. La majorité absolue de nos politiciens élus s’efforcent de priver ce million de citoyens de la possibilité de contester la légitimité de cette situation établie par la loi. « L’Etat de tous ses citoyens » constitue littéralement le fondement de toutes les démocraties occidentales. On ne peut qu’éprouver de la honte à vivre en un lieu où l’on n’autorise pas même de participer à des élections sur base d’une plateforme électorale qui ressemble pourtant tellement à la Constitution américaine rédigée il y a deux cent trente ans.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

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