FREE PALESTINE
9 juillet 2008

Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes


Chien de l'armée israélienne en pleine action

Chien de l'armée israélienne en pleine action

"" Ce qu'il y a de terrible quand on cherche la vérité, c'est qu'on la trouve. "
Rémy de Gourmont

1 - La bestialité propre aux hommes 
2 - Quelques exemples de bestialité humaine
3 - De la violence et de la haine quotidiennes
4 - Konrad Lorenz et la tribu des rats
5 - Qu'est-ce que la force en politique?
6 - Qu'est-ce qu'un territoire mythique ?
7 - Conclusion

1 - La bestialité propre aux hommes

Lorsque le général commandant en chef des forces aériennes de l'Etat d'Israël , Dan Alutz , auteur du largage sur une maison de Gaza d'une bombe d'une tonne qui a réduit quatorze personnes en bouillie , est interrogé par un journaliste sur ses impressions à ce moment-là, il prononce ces "paroles ailées" (Homère) : "Ce que je ressens quand je lâche une bombe ? Simplement une légère secousse dans l'aile (de l'avion) quand on fait partir la bombe". Et il ajoute : "Je dors bien la nuit".

Supposons que Dan Halutz, au lieu d'être installé confortablement dans le cokpitt de son avion, soit obligé de se ruer dans la maison de ses victimes , de bondir à la gorge du père et de lui trancher la veine jugulaire d'un coup de dents; puis il se précipiterait sur la mère et les enfants, et il leur arracherait le cœur et les entrailles avec ses ongles. Dormirait-il alors aussi douillettement, alors que le résultat aurait été à peu près identique pour les victimes?


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

C'est pourquoi l'expression " l'homme est un loup pour l'homme " est une insulte pour les loups .

En effet, dans son essai L'agression, une histoire naturelle du mal , l'éthologue autrichien, Konrad Lorenz montre que chez les animaux normaux et en liberté, l'agression est une confrontation au corps à corps, qu'elle est toujours ritualisée et ne se déclenche que d'une manière prévisible et rationnelle. Alors que les animaux ne tuent que dans des circonstances très précises, connues des belligérants et en général utilitaires - recherche de la nourriture, défense du territoire contre un intrus, non respect des codes de préséance dans un groupe, etc. - le savant autrichien démontre que les explosions de violence humaines sont beaucoup plus dangereuses, parce que les hommes ont perdu les spécialisations instinctives qui , chez les animaux, provoquent les réactions d'agressivité .

Cette dérégulation des instincts est la source d'une violence anarchique et disproportionnée. " Il y a toujours, écrit-il, un décalage entre la portée effective des armes et celle du sentiment moral. " Et il ajoute : " La distance à laquelle les armes à feu sont efficaces est devenue suffisamment grande pour que le tireur soit à l'abri des situations stimulantes qui, autrement, activeraient ses inhibitions contre le meurtre. Les couches émotionnelles profondes de notre personne n'enregistrent tout simplement pas le fait que le geste d'appuyer sur la gâchette fait éclater les entrailles d'un autre humain. " (Lorenz, op.cit)

Contrairement à certaines idées reçues, le comportement " stupide et répugnant " des " masses humaines " n'est donc pas une survivance des temps archaïques et pré-humains. Il résulte, au contraire, de l'utilisation des innovations technologiques qui ont réduit et même - comme le démontre la réaction citée ci-dessus du haut gradé militaire israélien - anéanti totalement chez l'homme les mécanismes inhibiteurs qui commandent l'agressivité et donc le meurtre individuel ou les massacres de masse. Car "l'homme qui appuie sur un bouton est complètement protégé des conséquences perceptives de son acte". La Barbarie commence seulement . [1]

2 - Quelques exemples de bestialité humaine

Dès lors, on comprend mieux comment des soldats d'une armée d'occupation ont tué , depuis l'an 2000, un millier d'enfants palestiniens qui ne représentaient pas le moindre danger pour eux ou pour leur Etat.

Certains de ces enfants ont certes été victimes de la cohorte des Alutz larguant des bombes d'une tonne sur des habitations ou ou de missiles tirés dans la foule par des individus du même acabit . Ces victimes-là se sont fondues dans les statistiques et sont comptabilisées sous la dénomination de " dommages collatéraux ". [2]

Mais d'autres enfants ont été abattus de sang-froid d'une balle dans la tête ou se sont vidés de leur sang sous les yeux de soldats qui empêchaient les secours d'approcher, comme le révèle le journal israélien Haaretz lui-même , qu'on ne peut qualifier de journal de propagande anti-israélienne. [3] [4] 

Boushra a 17 ans . La nuit est tombée. Elle va et vient dans sa chambre éclairée, un cahier de grammaire dans les mains, révisant ses leçons en vue de l'examen du lendemain . Un sniper réussit un joli exploit : une balle atteint Boushra en plein milieu du front . A-t-il reçu les félicitations de ses supérieurs pour ce tir particulièrement bien ajusté?

Jamil Jabaji , 14 ans , a été tué d'une balle en pleine tête à Naplouse, Taha Aljawi , 14ans et demi , blessé aux jambes, a été laissé agonisant dans un fossé jusqu'à ce que mort s'ensuive; Ahmed Asasa , 14 ans lui aussi, a été atteint d'une balle dans le cou alors qu'il passait de sa maison dans celle de son oncle. Les soldats tiraient sur ceux qui venaient à son secours. Il s'est vidé de son sang durant une heure et demi avant de mourir. La liste n'est pas close. 

Et pourtant, ces soldats-là n'étaient officiellement qualifiés ni de fous dangereux, ni de criminels. C'étaient des soldats ordinaires, banalement normaux, d'une armée régulière , qui se vante d'être "la plus morale du monde", parfois des réservistes pères de famille. D'ailleurs, aucun n'a été ni jugé, ni inquiété.

Certes, on n'imagine pas que l'armée, en tant qu'institution principale de l'Etat hébreu , donne officiellement des directives afin que ses membres abattent délibérément des enfants, fussent-ils palestiniens. Cependant, les témoignages sont là, qui prouvent, d'une part, que la pratique n'est pas exceptionnelle - et elle explique le nombre très élevé de victimes - et d'autre part, que, n'étant pas sanctionnés, ces actes qui sont pour le moins tolérés , finissent par devenir une sorte de jeu de massacre, comme dans une fête foraine , sans que les soldats qui s'y livrent se sentent psychiquement concernés.

Le journaliste israélien Gideon Levy écrivait déjà le 17 octobre 2004 dans Haaretz : " Who would have believed that Israeli soldiers would kill hundreds of children and that the majority of Israelis would remain silent? Even the Palestinian children have become part of the dehumanization campaign: killing hundreds of them is no longer a big deal." (Qui aurait pu croire que des soldats israéliens tueraient des centaines d'enfants et que la majorité des Israéliens feraient silence? Même les enfants palestiniens font partie intégrante de la campagne de déshumanisation : en tuer des centaines n'est plus une grande affaire.) [5]

La situation a empiré depuis le cri d'alarme du courageux journaliste et non seulement la majorité des Israéliens continue de faire silence , mais certains milieux religieux proches du gouvernement, ont absous d'avance les auteurs de ces massacres, en ont théorisé la nécessité et ont donc ouvertement encouragé le passage à l'acte.

En effet, selon le Conseil talmudique des rabbins et des sages de la Torah, connu sous le nom de "Yesha", qui représente les colonies juives de la Cisjordanie et de Jérusalem occupées, il est permis, et même souhaitable, de viser et d'exterminer les civils non-juifs en temps de guerre.

Les Occidentaux ignorent tout des lois talmudiques et la manière dont elle elles se traduisent dans le comportement de l'armée d'occupation à l'égard des Palestiniens et plus généralement à l'encontre de tous les "non-juifs" . Pour beaucoup d'entre eux, l'Etat hébreu est un Etat miraculeux, la "seule démocratie du Moyen-Orient", dont la renaissance apporterait lumière et espérance à tous les opprimés de la terre . Quelques informations élémentaires leur permettraient de mieux comprendre les raisons des massacres de l'armée israélienne en Palestine et aussi pourquoi les auteurs de ces massacres ne sont jamais inquiétés.

Certes, le code pénal officiel de l'Etat d'Israël ne fait pas état de différences entre les hommes , mais les décisions des juges , dans la vie quotidienne , ainsi que le comportement des soldats, sont largement influencés par le Talmud et par les injonctions des rabbins qui établissent toutes sortes de distinctions entre les infractions commises par un gentil sur un juif, par un juif sur un gentil ou par un juif sur un autre juif. Or de plus en plus de membres de cette armée sont très religieux et viennent des colonies de Cisjordanie . Ce sont donc doublement des occupants : en tant que colons et en tant que soldats. .

L'invocation du Président de la République française à des "valeurs universelles" de la "nation juive" a dû faire sourire dans sa barbe plus d'un rabbin .

Remarquons en passant que notre Président a redonné une nouvelle vie à l'expression "nation juive" tombée en désuétude depuis la chute de Jérusalem et la destruction du Temple par les légions de l'empereur Titus il y a près de deux millénaires. Ou peut-être a-t-il voulu établir un trait d'union discret entre la dispersion d'une partie de la population de Jérusalem après la défaite des combattants juifs devant Titus et la reconnaissance frénétiquement réclamée par le gouvernement israélien d'un "Etat juif" ethniquement "pur", c'est-à-dire, pour parler clairement et sans langue de bois, débarrassé de l'impureté que constitue l'existence des Palestiniens . C'est pourquoi le parallèle est troublant entre la revendication des autorités israéliennes et l'emploi par le Président de la République française de l' expression "nation juive", qui figure pour la dernière fois dans la célèbre Guerre des Juifs de l'historien du 1er siècle, Flavius Josèphe, contemporain des événements (voir Livre VII, siège de Jérusalem et attaque de Massada).

En 1973, une brochure officielle destinée aux militaires israéliens pieux contenait les recommandations suivantes:

«Quand au cours d'une guerre, ou lors d'une poursuite armée ou d'un raid, nos forces se trouvent devant des civils dont on ne peut être sûr qu'ils ne nous nuiront pas, ces civils, selon la Halakhah, peuvent et même doivent être tués […] En aucun cas l'on ne peut faire confiance à un arabe, même s'il a l'air civilisé […] En guerre, lorsque nos troupes engagent un assaut final, il leur est permis et ordonné par la Halakhah de tuer même des civils bons, c'est-à-dire les civils qui se présentent comme tels

D'ailleurs un précepte talmunique précise que "si un gentil tombe dans un puits, il ne faut pas l'aider à en sortir", même si le texte ajoute, magnanime, qu'il "ne fallait pas non plus l'y pousser pour le tuer". En somme, il suffit de le laisser se noyer, c'est-à-dire ne pas le tuer directement. Mais au cours d'une guerre, "c'est une mitzvah [un impératif religieux] de les [les gentils] tuer".

Certes, le Talmud est un vaste ensemble de commentaires, qui ne contient pas uniquement des textes d'exécration des non-juifs. Néanmoins, ils y figurent aussi. De même que les mathématiciens ont élaboré toute une géométrie à partir des postulats d'Euclide - et notamment à partir du cinquième de ces postulats - les docteurs talmudistes ont rédigé au cours des siècles une somme impressionnante de commentaires à partir du postulat, plus inébranlable à leurs yeux que les axiomes euclidiens, que les Hébreux et leurs descendants sont un peuple élu par un Dieu privé , lequel veille tout particulièrement au confort et à la prospérité de leur communauté sur cette terre, et pourvoit à leur salut dans l'au-delà . Ce Dieu serait prêt à tout, y compris aux pires horreurs, afin de porter dommage , d'affaiblir et même d'exterminer les ennemis de "son" peuple .

Le cinquième postulat d'Euclide, dit "postulat des parallèles", énonce, dans sa formulation admise et qui n'est pas la formulation littérale, que « par un point extérieur à une droite donnée, ne passe qu'une unique droite qui lui est parallèle ». Or, le savant allemand Bernhard Riemann (1826-1866) n'a eu aucune difficulté à démontrer que dans la géométrie sphérique et sur des surfaces courbes, il n'existe aucune droite parallèle à une droite donnée passant par un point extérieur à cette droite. A partir de ce nouveau postulat, Reimann a créé, par déductions successives, une nouvelle géométrie.

Or, les travaux d'exégèse biblique sont aujourd'hui suffisamment avancés pour déterminer à quel moment historique précis, dans quelles conditions politiques et dans quel but a été inventée la notion de "peuple élu" . Plusieurs savants Reimann de l'exégèse ont établi qu'un petit groupe sacerdotal a introduit progressivement cet axiome "euclidien" dans le tissu composite de traditions , de pensées, de croyances qui circulaient librement parmi les innombrables tribus nomades qui se déplaçaient entre l'Egypte et la péninsule arabique plusieurs millénaires avant les premières rédactions de ce qui deviendra la Bible . On peut suivre à la trace dans le texte définitif la manière dont ces ajouts tardifs ont bouleversé dans un sens étroitement communautariste l'esprit et la morale universels qui animaient les premiers écrits . Des bribes, que les rédacteurs tardifs n'ont pas réussi à gommer, surnagent ici et là , rendant certains passages contradictoires ou constituent des doublons.

Mais il est toujours pénible de renoncer à des "avantages acquis". C'est pratiquement impossible lorsque ces "avantages psychologiques acquis" se sont bétonnés dans les cerveaux de leurs bénéficiaires au fil des siècles . C'est ainsi qu'ils assurent aujourd'hui à un groupe humain particulier une domination de fait sur un autre peuple. Il est plus difficile de changer de psychologie que de géométrie.

C'est pourquoi, de fil en aiguille et de déduction logique en conséquence fatale , à partir des notions de "peuple élu" et de "territoire donné par un dieu" on en arrive à justifier une occupation , puis à quasiment annexer la Cisjordanie; et de recommandations talmudistes en comportements relâchés sur le terrain, on voit des soldats d'une armée régulière tirer sur des enfants pour l'unique raison qu'ils ne sont pas juifs.

Or, une occupation est assimilable à une guerre permanente et il n'y a pas d'âge pour entrer dans la catégorie des " ennemis du peuple juif ". Une des dernières recommandations figurant sur le site israélien "Ynetnews" du journal Yediot Aharonot, stipule que "selon la loi juive, en temps de guerre, il n'existe pas de 'civils innocents' [dans le camp] de l'ennemi" et que "toutes les discussions sur la moralité chrétienne affaiblissent l'esprit de l'armée et de la nation et nous coûtent le sang de nos soldats et civils " . Le même conseil avait déjà publié une décision analogue : il conseillait à l'armée israélienne "d'exterminer l'ennemi" et de "ne pas hésiter à massacrer les civils ennemis".

Quant aux conventions internationales et aux lois interdisant de prendre délibérément pour cibles les civils en temps de guerre, le conseil les stigmatise avec mépris sous le terme de "moralité chrétienne". [6]

Comme l'écrit le poète et helléniste israélien [7], qui refusa de participer à la délégation de son pays, "invité d'honneur" du salon du livre à Paris au printemps 2008, afin de ne pas cautionner la politique "colonialiste , belliciste et criminelle" de l'Etat hébreu:

La marque de Caïn ne paraîtra pas
chez le soldat qui tire
visant la tête d'un enfant
sur un repli du terrain près de la clôture du camp de réfugiés..
. "
Aharon Shabtai " Culture ".

De nombreux témoignages de soldats commencent enfin de pointer le bout de leur plume dans la presse écrite française. Ils révèlent que les actes de cruauté gratuite des forces d'occupation à l'égard des simples civils sont en augmentation, tant en nombre qu' en intensité (voir le Monde du 31 mai 2008 sous le titre: D'anciens soldats israeliens racontent les dérives de l'occupation à Hébron.)


Abir Aramin, 10 ans

Abir Aramin, 10 ans

Abir Aramin a 10 ans. Elle sort paisiblement de son école en compagnie de ses compagnes. Une jeep fortifiée des célèbres "garde-frontières " d'un pays qui refuse de se donner des frontières , effectue lentement des allers et retours devant l'école, provoquant la panique des petites écolières qui s'égayent comme une nuée de moineaux. Un des rambos qui sévissent habituellement aux check-points et dont la présence à cet endroit à l'heure de la sortie n'a évidemment d' autre justification que celle de terroriser les enfants, vise la tête de l'enfant blottie contre le mur d'une boutique à travers un trou spécial fait dans la vitre de sa jeep. Le carton est réussi, comme dans une fête foraine, et la balle enrobée de caoutchouc fait exploser le cerveau d'Abir . La jeep poursuit tranquillement sa route.


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

Ayman Abou-Mahdi a lui aussi 10 ans. Il vient de rentrer de l'école. Il est assis sur un banc près de sa maison. Un char passe et une balle de mitrailleuse pulvérise la tête d'Ayman. Le char poursuit tranquillement sa route.


Trophée de chasse : pause-photo

Trophée de chasse : pause-photo

Voici, parmi des dizaines de récits bouleversants, celui d'une jeune recrue rapportant le comportement de son unité au cours d'une ronde de routine: " On était à bord d'un véhicule, on passait simplement dans une rue. Un gars de 25 ans se trouvait par là. Comme ça, sans raison, qu'on ne vienne pas me dire qu'il y avait une raison. Il n'avait pas lancé de pierre, rien. Tac, une balle dans le ventre… On lui tire une balle dans le ventre et il est là à agoniser sur le trottoir et nous continuons à rouler, indifférents. Aucun ne le regarde deux fois… ". [8] 

3 - De la violence et de la haine quotidiennes

Une troupe d'occupation n'est pas une armée classique. Face à "l'étranger" dont il veut s'approprier le territoire, le léger vernis de civilisation qui semble séparer l'homme de l'animal vole en éclats et l'instinct brutal et primaire du néolithique réapparaît, venimeux, destructeur, implacable. Comment expliquer autrement que par une haine à couper au couteau, une haine indéracinable qui trouve sa source chez la bête humaine luttant pour la conquête d'un lopin du temps de l'âge de la pierre taillée, le comportement d'un officier israélien face à un petit enfant de quatre ans étranger à sa propre horde, pour employer le vocabulaire de La Guerre du feu ?

" Six heures du matin. Rafah est sous couvre-feu. Y a pas un chat dans les rues. Seulement un petit enfant de quatre ans qui joue dans le sable. Il bâtit une espèce de tour comme ça dans la cour de sa maison. Celui-là se met tout à coup à courir et tous, nous courons avec lui. Il était du génie. Nous courons tous avec lui. Il attrape le gosse. Noufar, je suis un fils de pute si je ne dis pas la vérité. Il lui a brisé le bras, ici, à l'articulation. Il lui a cassé le bras à hauteur du coude. Il lui a cassé la jambe ici. Et il a commencé à lui marcher sur le ventre, trois fois. Puis il est parti. Nous étions tous bouche bée, le regardant, choqués… Le lendemain, je repars en patrouille avec lui et déjà les soldats commençaient à faire comme lui. " [8]

Et pourtant , des êtres hautement civilisés ont existé depuis des siècles sur la planète . Mencius, un sage chinois qui vécut il y deux millénaires et demi semble répondre au barbare de Tsahal. Il écrivait au IVè siècle avant notre ère :

«C'est pourquoi je dis que tous les hommes ont le sens de la compassion : un homme remarque soudain un enfant qui est sur le point de tomber dans un puits ; immanquablement il s'inquiète et s'apitoie, non pas pour gagner la faveur des parents de l'enfant, ou pour chercher l'approbation de ses voisins et de ses amis, ou par peur d'être accusé s'il ne le sauvait pas. Ainsi nous voyons qu'aucun homme n'est dénué du sens de la compassion, ou du sens de la honte, ou du sens de la politesse, ou du sens de ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Le sens de la compassion est le début de l'humanité, le sens de la honte est le début de la vertu, le sens de la politesse est le début de la bienséance, le sens de ce qui est bien ou mal est le début de la sagesse. Tout homme a en lui ces quatre principes, de même qu'il est pourvu de quatre membres. Aussi l'homme qui se répute incapable de les exercer se détruit-il lui-même.»

Si certains croient encore en des principes d'humanité et d'éthique universels, ils ont du souci à se faire. Le sage chinois était un grand optimiste . Il ne savait pas que le réflexe tribal et les lois qu'il sécrète anéantissent toute compassion et toute humanité et rabaissent les hommes en-deça du règne animal. Car, comme le démontre l'éthologue Konrad Lorenz, les mammifères adultes normaux éprouvent une inhibition spontanée face à un petit de leur propre espèce . Le vieux chien le plus féroce n'attaquera jamais le chiot naïvement insolent qui lui mordille les pattes.

Jane Goodall avait observé que le réflexe de protection d'un bébé est également répandu chez les chimpanzés ou les gorilles. Or, dans le témoignage ci-dessus, on voit que l'officier israélien est totalement dépourvu de ce réflexe primaire du mammifère supérieur et ce d'autant plus qu'il n'est même pas psychologique protégé par la "distance" que crée le meurtre indirect par impact lointain dont parle Lorenz . Pour que l'officier israélien se déchaîne avec une telle cruauté , il faut que, dans son esprit, ce petit enfant ne fasse pas partie de l'espèce humaine . C'est pourquoi il se rue donc sur lui comme s'il s'agissait de détruire un cafard ou un dangereux prédateur.

D'autres soldats de Tsahal n'hésitent pas à immortaliser leur trophée dans leur "chasse au palestinien" et posent, souriants, pour une photo-souvenir, un pied sur la "bête" anéantie.  

En martyrisant l'enfant qu'il voudrait écrabouiller de son gros brodequin clouté, c'est le futur combattant, ainsi que le problème général que pose à son Etat et à lui-même l'existence même du peuple palestinien que l'officier israélien cherche à anéantir .  

Les enfants, souvent très jeunes, n'ont pas besoin d'un long apprentissage pour se comporter en bourreaux et pour exercer un "impérialisme au quotidien " qui consiste à maltraiter impunément tout élément d'une race qu'on lui a appris à considérer comme inférieure et à mépriser.


Un soldat de Tsahal tenant en joue un groupe de redoutables

Un soldat de Tsahal tenant en joue un groupe de redoutables

Ces comportements nous renvoient des millénaires en arrière à une époque où n'existait aucune solidarité entre les hommes autre qu'étroitement tribale - la fameuse "compassion" qu'évoque le sage Mencius . Ils rappellent les descriptions romancées de Rosny aîné , dans La Guerre du feu où l'on voyait les hordes à peine humanisés des Oulhamrs, des Nains rouges ou des Wah s'acharner à tuer tous les étrangers qu'ils surprenaient près de leur horde car, comme disait le vieux Goûn dont semblent s'inspirer le soldats de Tsahal, "il vaut mieux laisser la vie au loup qu'à l'homme; car l'homme que tu n'as pas tué aujourd'hui, il viendra plus tard avec d'autres hommes pour te mettre à mort". Il suffit de remplace le mot "homme" par le mot "Palestinien" pour actualiser la phrase.


Exemple de l'éducation d' enfants israéliens

Exemple de l'éducation d' enfants israéliens

Ces exemples permettent de comprendre pourquoi les déchaînements de violence contre la population palestinienne sont la norme et non l'exception . Ils renvoient à la définition que les éthologues donnent de l'agression gratuite qui caractérise la dérive d'une bestialité typiquement humaine . Elle se manifeste lorsque tout est permis et qu'il s'agit d'infliger à une victime innocente un dommage intentionnel maximal sans aucune raison rationnelle et sans bénéfice immédiat.


Coup de matraque au visage d'une Palestienne par une soldate de Tsahal dont la mimique est éloquente

Coup de matraque au visage d'une Palestienne par une soldate de Tsahal dont la mimique est éloquente

La psychologie collective du groupe s'est sédimentée au fil des siècles à partir des directives et des préceptes contenus dans les commentaires talmuniques de l'Ancien Testament qui règlementent, en réalité, la vie quotidienne des Israéliens. Comme le montre ce témoignage d'un soldat , à l'occupant armé jusqu'aux dents face à des civils désarmés, lorsque tout est permis, le pire devient non seulement possible, mais certain: " Ce qui est le plus important c'est que ça te dégage du joug de la loi. Tu sens que c'est toi la loi. Tu es la loi. C'est toi qui décides, qui tranches… Comme si au moment où tu quittes cet endroit appelé Israël et que tu entres par le barrage d'Erez, dans la Bande de Gaza, tu es la loi. Tu es dieu. "


Légalement, les destructions de maisons sont considérées comme un crime de guerre selon les Conventions de Genève de 1949.

Légalement, les destructions de maisons sont considérées comme un crime de guerre selon les Conventions de Genève de 1949.

4 - Konrad Lorenz et la tribu des rats  

Konrad Lorenz éclaire une fois encore notre lanterne . Supposons, dit-il, qu'on en appelle à un "observateur extra-terrestre" qui serait un " éthologue " bien informé. Il nous expliquerait que " l'organisation sociale des hommes ressemble beaucoup à celle des rats qui, eux aussi, sont, à l'intérieur de la tribu fermée, des êtres sociables et paisibles mais se comportent en véritables démons envers des congénères n'appartenant pas à leur propre communauté. "

Un pilier des médias, et également professeur de philosophie , comme Alain Finkielkraut, a pu écrire sans état d'âme dans le journal Le Monde , qu'il "appartient à la plus vieille tribu du monde".

Nous voilà bien au cœur du sujet évoqué par le savant autrichien. La tribu , le clan, la horde, l'ethnie ou la race, tous ces termes ont en commun de renvoyer à un groupement humain clos et localisable sur un certain territoire. En effet, qui dit tribu, dit territoire, car les hommes partagent avec tous les animaux, des rats à nos proches cousins, les singes, le critère primaire et primordial d'appartenance à un territoire .

Or, dès qu'il est question de territoire, donc de frontières, l'agressivité entre dans la danse. Car la défense d'un territoire s'exprime, depuis la nuit des temps, par un instinct destructeur, un rejet et même une haine viscérale des étrangers. Ce sentiment est si puissant, tant chez les animaux que chez les hommes, que ces derniers acceptent de mourir ou de tuer pour défendre leur bien le plus précieux : la terre . C'est ce que les sociétés humaines appellent la défense sacrée de la patrie.

Comme le résumait Buffon à propos du loup : " Cet animal est très méchant, quand on l'attaque, il se défend ". Traduite en langage militaro-politique israélo-américain, cela donne : " Les Afghans ( ou les Irakiens, ou les Palestiniens) sont très méchants (ce sont même d'horribles " terroristes "), quand on les attaque (pour les voler, les tuer, les piller, les spolier) , ils se défendent. "

Contrairement aux animaux qui , en général, demeurent confinés dans le territoire qu'ils ont choisi ou conquis, les animaux humanisés ne connaissent pas de limitation naturelle de leur territoire. Leur instinct les pousse à s'augmenter encore et toujours. Les guerres de conquête ou la constitution des empires dont l'histoire a retenu le nom, ne sont pas simplement dûs à la lubie ou à un ego surdimensionné de leurs dirigeants du moment - par exemple à l'action personnelle de Louis XIV, de Charles Quint, de Napoléon , de Jules César ou d'Alexandre le Grand. Ces conquérants ont été les catalyseurs de l'impérialisme latent de leurs peuples respectifs et l'expression de la puissance de leur nation à ce moment-là.

L'exemple des Etats-Unis d'Amérique et d'Israël aujourd'hui - les deux ne faisant qu'un , l'Etat hébreu étant un maillon essentiel de l'impérialisme américain au Moyen-Orient - cet exemple, dis-je, prouve que, même avec des dirigeants médiocres, un Etat économiquement et militairement puissant peut devenir un empire .

Or, il existe en Israël une mythologie rédemptionniste de la terre qui est le moteur caché de la colonisation forcenée et qui joue un rôle de démultiplicateur de l' impérialisme spontané de cet Etat . Selon l'idéologie officielle du sionisme, une terre est "rédimée", c'est-à-dire "rachetée", donc "sauvée", lorsqu'elle devient une "propriété juive" . Par une inversion perverse du vocabulaire, une terre possédée par un non-juif - en l'espèce, évidemment, par un Palestinien - est une "terre occupée" , même si les ancêtres de notre Palestinien possèdent cette terre depuis des siècles. C'est pourquoi les expulsions, les transferts et autres formes de vol pur et simple selon les lois en vigueur dans les démocraties, permettent de "rédimer" la "Terre d'Israël" en la purifiant de la souillure que représente le fait qu'elle soit cultivée et habitée par des non-juifs, autrement dit, par des Palestiniens.

La colonisation n'est donc pas un accident de parcours annexe, auquel une injonction internationale pourrait mettre fin. Elle est le coeur même de l'idéologie, non seulement des sionistes purs et durs, mais tacitement de l'ensemble des Israéliens. Elle explique la multitude d'interdits bureaucratiques qui pourrissent la vie des Palestiniens, y compris de ceux qui sont , nominalement et officiellement , citoyens de l'Etat hébreu: interdiction de travailler sur des terres "juives", interdiction d'en acquérir ou d'y résider, interdiction d'emprunter des routes réservées aux seuls juifs, etc.

5 - Qu'est-ce que la force en politique?

La politique ne connaît qu'un certain type de force, celui que les physiciens appellent la " force résistante ". L'expansion impériale ne s'arrête que lorsqu'elle rencontre un mur - c'est-à- dire une résistance - ou qu'elle déraille - c'est-à-dire qu'elle s'auto-détruit. La première et la plus classique de ces forces est la résistance des peuples envahis ou conquis, mais ce n'est pas la seule. Ainsi, grâce à ses petites roquettes artisanales qui ne font pas de gros dégâts, mais créent la panique dans les localités frontalières, Gaza la vaillante et la résistante tient tête à un occupant monstrueusement armé . Malgré les tentatives de l'occupant de l'affamer , de l'empoisonner ou de la terroriser, elle vient de réussir à lui imposer un cesser-le-feu , ce qui, dans ce type de rapport de force constitue une quasi victoire .

Les colons européens ont bafoué tous les traités qu'ils ont signés avec les Indiens d'Amérique du Nord et du Sud et ont fini par exterminer le plus grand nombre des autochtones amérindiens , puis à parquer les survivants dans des enclos appelés "réserves".

Sur le même modèle, Israël détruit tout ce qu'il peut détruire en Palestine occupée, déverse ses bombes sur la population civile, assassine les civils, dynamite les maisons, déracine les arbres, stérilise les champs en les défonçant au bulldozer, affame un million et demi de Gazaouis et , à l'image des réserves indiennes des USA, parque les Palestiniens de Cisjordanie dans des enclaves fermées . Un membre espagnol du Parlement Européen en tournée au Moyen Orient, David Hammerstein, a pu écrire que "la situation à Hébron est barbare et [que] la ville vit en-dessous des formes les plus affreuses de l'occupation " . [9] [10]


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

L'Etat hébreu commet ces atrocités tout simplement parce qu'il le peut, c'est-à-dire parce qu'il ne rencontre aucun obstacle sérieux qui l'empêcherait de le faire, compte tenu de la psychologie qui est la sienne .

Certes, ce petit Etat de cinq millions d'habitants est la quatrième puissance militaire mondiale et dépasse donc l'arsenal de la France. Son gigantesque équipement ultra moderne, tant nucléaire que classique , financé et alimenté en permanence par les Etats-Unis ne l'empêche nullement de faire retentir la terre et les cieux de ses gémissements et de ses lamentations sur les "menaces" dont il est l'objet de la part d'ennemis qui ne possèdent qu'une microscopique proportion de cette puissance militaire. En même temps, il brandit très haut le bouclier les grands malheurs dont il a été la victime en Europe durant la seconde guerre mondiale afin de réactiver constamment un sentiment de culpabilité destiné à éteindre toute veilléité de critique. Car la "Shoah" est devenue la véritable religion des Israéliens . Les commémorations et les pèlerinages sont devenus rituels dans toutes les écoles .

L'insulte ignominieuse d'antisémite qui stigmatise immédiatement les audacieux commentateurs qui oseraient formuler la moindre critique de cette politique en décourage plus d'un, notamment aux Etats-Unis - mais pas seulement - où l'omerta la plus complète est de rigueur sur les campus universitaires et dans tous les médias dominés par de puissants lobbies de cet Etat.

C'est pourquoi la véritable force d'Israël est politique. Elle réside dans la complaisance à ses exactions de ce qu'il est convenu d'appeler la "communauté internationale" et dans le soutien indéfectible des Etats-Unis, qui lui assurent une impunité totale sur la scène internationale .

Voir : Chroniques de la Palestine occupée: 7 - Ils ont crucifié Marianne en Palestine ou Les nouveaux exploits de Tartuffe

Pendant que cet Etat gémit et crie au loup sur le devant de la scène, il jouit béatement de sa puissance dans les coulisses. Dans un ouvrage récent, un ancien Premier Ministre de 1954 à 1956 , Moshé Sharett, avoue qu'Israël se crée lui-même volontairement de nouveaux ennemis afin de mener à bien ses projets de conquêtes :

"Israël n'a pas d'obligations internationales, et pas de problèmes économiques. La question de la paix n'existe pas. Le glaive doit être l'instrument principal, sinon unique, d'Israël pour maintenir son moral élevé et garder sa tension morale. Dans ce but, Israël doit inventer des dangers en adoptant la méthode "provocation-et-revanche". Et, par-dessus tout, souhaitons une nouvelle guerre avec les pays arabes, de manière à ce que nous nous débarrassions de nos problèmes et acquérons notre espace. Comme l'a dit Ben Gourion, cela vaudrait le coup de payer un million de livres à un Arabe juste pour lancer une guerre." (26 mai 1955, 1021) [11]

Cette heureuse stratégie lui a permis, en quinze ans, depuis les fameux accords d'Oslo de 1993, de doubler le nombre des colons en territoire palestinien , de construire d'innombrables routes de contournement et d'enfermer hermétiquement la population palestinienne dans des banthoustans ironiquement qualifiés de "Secteurs d'autonomie palestinienne"; et depuis la conférence d'Annapolis de novembre 2007, qui était censée permettre de lever un grand nombre des obstacles , contrôles et autres checkpoints qui pourrissent la vie des autochtones et les empêchent de subvenir à leurs besoins, l'occupant a construit 51 nouveaux points de blocage et de checkpoints . On en compte actuellement 607.

Voir : Israël et son cadavre 

Comme il n'y a pas eu de réaction internationale sérieuse après les nettoyages ethniques de masse de 1948 ou de 1967, cette politique se poursuit inexorablement depuis soixante ans et progresse d'année en année en intensité et en monstruosité . Avec la construction du mur , les destructions, les massacres quotidiens et le génocide larvé du million et demi d'habitants de Gaza, elle a atteint un point irréversible . L'ONU s'est bien fendu d'innombrables condamnations , toutes demeurées sans le moindre effet sur le terrain . Il faut avoir entendu l'ambassadeur d'Israël à Paris de l'époque - Elie Barnavi - balayer d'un revers de la main et sur un ton méprisant l'une des dernières condamnations en la qualifiant de "rituelle" pour mesurer leur effet sur les politiciens de cet Etat .

Telle la locomotive décrite par Zola dans La Bête humaine , le train du sionisme lancé sur les rails de son rêve fou a d'ores dépassé toutes les gares qui auraient pu l'arrêter sans dommages pour ses passagers et a rendu impossible toute paix fondée sur la loi internationale , parce que tel était en réalité son objectif véritable. Car l'Etat hébreu conduit par les machinistes du sionisme poursuit inlassablement un seul et unique but : conquérir mètre carré par mètre carré toute la terre de sa géographie mythique.

Or, c'est là qu'on retrouve la folie de ce rêve, fou comme tous les rêves: son objectif ne peut être atteint sans qu'intervienne on ne sait pas quel procédé miraculeux ou satanique, la disparition ou l' évaporation de quatre millions de Palestiniens. C'est pourquoi , face à l'objectif du rêve sioniste, toutes les solutions politiques dites "rationnelles" ont à peu près autant de chances d'être suivies d'effet que le projet d' aligner des noix sur un bâton.

Voir Chroniques de la Palestine occupée: X - Israël et son cadavre [12] 

Qui peut imaginer sérieusement , après la comédie burlesque à laquelle a donné lieu l'évacution des huit mille squatters de Gaza, que cet Etat évacuerait paisiblement, parce qu'un "ON", représentant une informe et impuissante "communauté internationale" le lui demanderait, cinq cent mille colons fanatiques illégalement installés en Cisjordanie et lourdement armés? Qu'il détruirait sa Grande Muraille condamnée par toutes les instances morales et légales de la planète sans que cela fasse bouger un cil des responsables de cette entreprise et qu'il sacrifierait les gigantesques constructions et investissements divers qu'il a réalisés afin de bétonner et de cadenasser sa purification ethnique; puis, qu'il reviendrait paisiblement aux fameuses "frontières de 1967" qu'il n'a jamais reconnues? Et enfin, cerise sur le gâteau, qu'il accepterait de partager "sa" capitale, alors qu'il s'efforce frénétiquement, par toutes sortes de mesures vicieuses sur le mariage, les logements, le droit de résidence, etc. , d'y mener une féroce et drastique purification ethnique?

- Sur la non moins mythique solution d'un Etat binational , dans lequel "Israéliens et les Palestiniens jouiraient de droits égaux"

Qui peut imaginer sérieusement que le "peuple élu" qui a fait de l'appartenance juive LE pilier de sa politique depuis sa création, accepterait de se commettre à égalité avec une race qu'il juge inférieure et mettrait fin d'un claquement de doigt au rêve sionisme qui l'anime de voir un jour un "Etat juif" ethniquement pur s'étendre sur "Eretz Israël" , alors que chacune de ses actions et de ses décisions porte l'empreinte de ce projet ? Après avoir expulsé par la force des centaines de milliers de Palestiniens en 1948 et en 1967et continué de le faire en tapinois en utilisant toutes les perfidies bureaucratiques imaginables, comment seulement imaginer qu'il accepterait d'être "englouti" , comme il dit, par le tsunami d'un "retour des réfugiés" et d'en assumer les conséquences financières à court et à long terme?

Il faut renvoyer les rêveurs à la lecture de Konrad Lorenz sur les relations qu'entretiennent les tribus de rats.

Comme l'écrit lucidement le poète israélien Aaron Shabtai : "Le problème n'est pas l'Etat, mais la terre. Ici les journaux en parlent ouvertement, chaque jour, et beaucoup plus qu'en Italie et en Europe : les colonies, la confiscation du territoire, le contrôle de l'eau par les autorités israéliennes, tout cela augmente de jour en jour. Voilà les faits, très différents de la propagande employée par le gouvernement : les Palestiniens n'ont plus de territoire." [13] 

Aaron Shabtai est tout de même exagérément pessimiste ... pour un court laps de temps encore. En effet, les Palestiniens peuvent actuellement s'ébattre dans trois zoos ne commnuniquant pas entre eux, grillagés et quadrillés de checkpoints . Mais comme les vols de terre se poursuivent inexorablement et que les colonies fleurissent comme champignons après la pluie, viendra un jour où la densité de ces réserves égalera, puis dépassera celle de Gaza. Et alors ...?

On voit que le mur ou le déraillement qui sont au rendez-vous du train fou du rêve sioniste se rapprochent dangereusement.  

C'est pourquoi l'apparente phase ascendante de l'expansion impériale d'Israël est trompeuse . Comme la locomotive de la Bête humaine, le train du grand rêve sioniste est lancé dans une fuite en avant désespérée , mais le comportement de l'officier israélien piétineur et tortionnaire d'un petit enfant palestinien cité ci-dessus , est révélateur du mélange de fureur, de folie et d'impuissance face à l'impasse dans laquelle il sent confusément que conduit cette politique . Son issue ne peut être qu'une guerre permanente ou l'auto-anéantissement .

C'est donc bien autour de la notion d'occupation d'un territoire que s'organise l'histoire et la politique des hommes en général et celle d'Israël plus que toute autre. La conquête ou la défense d'un territoire est une histoire de guerre et de mort, une histoire symbolique.

Or, Israel n'est pas un Etat ordinaire , Israël est une mythologie qui a cru pouvoir se réincarner dans l'histoire.

6 - Qu'est-ce qu'un territoire mythique ?

Un territoire n'est pas une simple addition de kilomètres carrés ; un territoire est un mélange complexe de terre et de songe confondus.

Tous les peuples possèdent une géographie mythique qui donne son identité et son ciment à la tribu. Elle est la puissance magique qui permet la fusion entre le " surnaturel " et le quotidien. Face à cette réalité mythique, les arguments de plate politique rationnelle sont de peu de poids .

Plus que toute autre terre au monde, le Moyen- Orient est le berceau des grands songes de l'humanité. L'actuel conquérant et prédateur de la Palestine historique est une illustration exemplaire de la puissance de l'imaginaire dans la politique. C'est pourquoi il est capital de connaître, de décrypter et d'analyser l'imaginaire théologique des peuples et de leurs dirigeants afin d'en prévoir l'évolution et les conséquences.

Le cerveau humain fonctionnant simultanément sur deux étages - le niveau terre-à-terre du réalisme politique quotidien et celui de l'imaginaire mythologique - il est impossible de comprendre le premier sans décrypter le second et sans analyser leurs interactions réciproques. En Israël, la Bible et surtout ses commentaires - les écrit talmudiques - unissent le groupe qui s'en réclame et créent des liens impossibles à démêler entre l'enracinement psychologique , symbolique, culturel, imaginaire et physique qui se sont concrétisés dans le rêve sioniste de regrouper sur la terre de Palestine des juifs dispersés dans tous les pays du monde et notamment depuis la destruction du Temple par les garnisons de Titus.

La dichotomie politique est plus spectaculairement vraie pour l'Etat hébreu que pour tout autre Etat de la planète, car la Bible et surtout ses commentaires sont la véritable patrie d'Israël. Ils sont le territoire mental et la "demeure psychique " dans lesquels il a vécu pendant les années dites de la "dispersion" . Depuis que ce peuple a retrouvé par la puissance des armes une forme d'incarnation nationale dans la géographie réelle - incarnation qui s'est accélérée après les persécutions dont il a été la victime durant la seconde guerre mondiale, mais qui leur est largement antérieure - il projette sur le monde qui l'entoure la géographie mentale qu'il porte dans sa cervelle depuis deux mille ans .

Ayant vécu dans les vapeurs d'un rêve messianique durant des siècles, cet Etat plaque aujourd'hui cette réalité imaginaire sur le monde politique dans lequel il s'est propulsé et il prétend non seulement substituer sa réalité mythologique au monde dans lequel il a débarqué armé jusqu'aux dents et fort du soutien militaire et financier des banquiers anglo-saxons, mais imposer ses phantasmes théologiques à la planète entière .

C'est ainsi qu'aujourd'hui même , dans les pseudo " négociations " auxquelles se prête rituellement le gouvernement israélien afin de gagner du temps, il affirme tranquillement que " le droit international n'a rien à voir " avec la guerre qu'il mène contre le peuple palestinien, parce q'il possède " un titre de propriété sur Eretz Israël " (la terre d'Israël). Il ne s'agit donc pas pour lui de " rendre des territoires " , mais de consentir généreusement à " en donner " .

Cette mythologie fumeuse vient d'être confortée par le discours du Président de la République française qui, lors de son discours devant le parlement israélien a parlé de "Terre Promise" par "l'Eternel" à "Moïse" . M. Nicolas Sarkozy a même cité un verset de la Bible afin de donner plus de force à son propos: "Et l'Eternel dit à Moïse: Monte sur cette montagne et regarde le pays que je donne aux enfants d'Israël. " Le Président français et les dirigeants actuels de l'Etat d'Israël ne nous disent pas si Moïse avait une bonne vue et jusqu'où s'étendait son regard!

Lorsqu'un responsable politique de premier plan d'un Etat laïc en arrive à considérer qu'un texte théologique vieux de deux millénaires et demi fournit l'acte de propriété d'une terre , toute personne raisonnable est en droit d'éprouver une légitime inquiétude et même une véritable panique à la fois sur le degré d'information du locuteur, sur le fonctionnement de son cerveau et sur les conséquences politiques de ce genre d'argument.

Or les instances politiques israéliennes auraient pu apprendre au Président de la République française que Moïse avait un oeil d'aigle et que son regard perçant portait quasiment jusqu'aux confins de l'univers connu à cette époque en Palestine. Par la grâce des autorités rabbiniques qui voyagent , comme dans les allées de leur jardinet, dans les circonvolutions de la cervelle de l'homme qui , il y a deux millénaires et demi, était censé parler à Jahvé face à face, nous découvrons que la "Terre d'Israël" qui "appartient" aux Juifs depuis qu'elle leur a été "donnée" par "l'Eternel" comprend : au sud, tout le Sinaï et une partie de la basse Égypte jusqu'aux environs du Caire ; à l'est, toute la Jordanie, un gros morceau de l'Arabie Saoudite, le Koweït, et, en Irak, le sud-ouest de l'Euphrate ; au nord, toute la Syrie (Liban compris) et une vaste portion de la Turquie (jusqu'au lac de Van) .

On comprend que les coups de boutoir répétés de l'armée israélienne contre le Liban et son activisme aux côtés des USA en Irak s'inscrivent dans la logique de ce plan .

Je ne sais s'il est consolant pour les Palestiniens de voir que l'impérialisme israélien ne fait que s'aiguiser les dents sur la Cisjordanie et que le projet grandiose du "Grand Israël" annoncerait une guerre de mille ans... pour le moins!


Les meilleurs amis du monde: Mahmoud Abbas, G.W.Bush, Ehud Olmert

Les meilleurs amis du monde: Mahmoud Abbas, G.W.Bush, Ehud Olmert

Le manque de réactivité des responsables officiels de l'Archipel du Goulag palestinien dont on ne sait si leur collaboration avec l'occupant est le fruit de leur candeur politique , de leur faiblesse mentale ou de leur trahison - ou des trois à la fois - n'est évidemment pas de nature à freiner l'avancée inexorable du rouleau de l'impérialisme israélien. Malgré les assassinats et les tourments quotidiens des Palestiniens, ne voit-on pas son responsable officiel promener une mine rigolarde aux côtés des bourreaux de son peuple dans les multiples réunions internationales auxquelles il participe avec une gourmandise évidente.


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

Voir : Chroniques de la Palestine occupée : 2 - La collaboration consensuelle Rencontre de M. Mahmoud Abbas , Président de l'Autorité palestinienne et du responsable des autorités d'occupation israéliennes , M. Ehud Olmert 


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

- Sur la mythique solution de "deux Etats vivant côte à côte" dans la paix des braves


Chroniques de la Palestine occupée: Le territoire, les rats et les hommes

L'histoire enseigne que seul l'échec bloque l'expansion impérialiste naturelle des peuples . Louis XIV a fini par perdre les provinces conquises en Helvétie et en Wallonie, Napoléon a terminé sa vie sur l'ilôt de Sainte-Hélène, la révolte de son armée a mis fin à l'extraordinaire épopée d'Alexandre en Asie, il ne reste rien de l'empire de Charles Quint et après l'échec de la guerre du Vietnam, l'Amérique est en passe de devoir admettre qu'elle subit le même type de déroute en Irak et en Afghanistan et que son rêve de "remodeler le grand Moyen Orient" est à ranger dans le magasin des rêves morts-nés, au rayon des "embryons desséchés" qu'évoque Eric Satie .


7 - Conclusion  

Voir dans des récits inventés, imprécis et parfois contradictoires des documents historiques ou des titres de propriété représente à peu près le même genre de performance intellectuelle que de considérer que l'Iliade et l'Odyssée contiennent les mémoires réels et la biographie objective d'Athéna, de Zeus et de Poséidon et fournissent à Ulysse , à Télémaque et à leurs descendants un titre de propriété définitif sur l'île d'Ithaque..., même si on peut glaner dans ces oeuvres des informations indirectes sur l'histoire de la Grèce.

Il en résulte que les Palestiniens sont aujourd'hui les victimes collatérales de la rédaction d'un vieux code de théologie et de morale rédigé il y a plus vingt-cinq siècles par les prêtres héréditaires d'une petite tribu de nomades du sud de l'actuelle Palestine . Ce code établissait un monothéiste tribal avec à sa tête le Dieu "le plus puissant" parmi tous les dieux (Exode, 15,11), et dans lequel des chapitres entiers et notamment Les Nombres et le Lévitique contiennent des injonctions féroces à l'égard des non-juifs.

Avant que les lévites le transforment en un monothéisme local avec à sa tête un dieu pour les seuls juifs , le Livre des morts de l'ancienne Egypte retrouvé dans les tombes royales datant de 2600 avant J.-C., soit deux millénaires avant les premières rédactions de la Bible, présentait pourtant une expression parfaite d'un monothéisme universel qui fut celui des tribus nomades hébraïques primitives et qui aurait pu donner naissance à une morale universelle:

" Tu es l'unique, le Dieu des premiers commencements du temps, l'héritier de l'immortalité ; par toi seul engendré, tu t'es toi-même donné naissance; tu as créé la terre et tu as fait l'homme. "

*

1 - Pour reprendre le titre d'un ouvrage de Manuel de Diéguez . Voir son site
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/tstmagic/1024/tstmagic/sommaire_ouvrages.html

2 - Les soldats israéliens ne tirent pas sur les enfants, par Aya Kaniuk
- http://www.ism-france.org/news/article.php?id=8831&type=analyse&lesujet=Enfants

3 - Abir Aramin, 10 ans, tuée à la sortie de son école, à Anata
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=621

4 - Des enfants de l'âge de Taïr lundi 12 février 2007 - Gideon Lévy - Ha'aretz
http://www.info-palestine.net/impression.php3?id_article=808 www.info-palestine.net

5 - Killing children is no longer a big deal by Gideon Levy Haaretz (Israeli newspaper) Oct. 17, 2004
"The plain fact, which must be stated clearly, is that the blood of hundreds of Palestinian children is on our hands."
http://www.revisionisthistory.org/palestine59.html

6 - Voir Le Conseil talmudique d'Israël a statué : "En temps de guerre, il n'y a pas de civils innocents " par Khaled Amayreh umkahlil.blogspot.com , 4 août 2006
-Source: http://www.thepeoplesvoice.org/cgi-bin/blogs/voices.php/2006/08/04/talmudic_council_in_war_time_even_enemy
Traduction de Petrus Lombard, in Questions critiques
, http://questionscritiques.free.fr/religion/edits_talmudiques_crimes_de_guerre_Israel_040806.html

7- A quoi sert la littérature sans résistance, Aharon Shabtai
http://www.europalestine.com/spip.php?article2692

8 - Des soldats israéliens racontent ce qu'ils ont vécu " On tire comme des dingues ", Dalia Karpel, 21 septembre 2007, Haaretz
http://www.stopusa.be/scripts/texte.php?section=BRBI&langue=1&id=25457

9 - Selon un parlementaire européen, la situation à Hébron est "barbare". Par Maan News
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=9113&type=communique&lesujet=Colonies

10- " La Shoah comme religion ", Libération, 11 septembre 2000
http://www.estherbenbassa.net/EBdocsPDF/Libe11092000.pdf

11- Un Premier Ministre israélien confirme qu'Israël crée volontairement des ennemis. Par Wake Up From Your Slumber
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=9206&type=analyse&lesujet=Sionisme

12- Voir L'occupation par la bureaucratie Par Saree Makdisi
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=9306&type=analyse&lesujet=Nettoyage%20ethnique

13- Aaron Shabtai : " C'est de la propagande : c'est pour ça que je ne serai pas au Salon du livre de Paris"
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=8013

Le 8juillet 2008


Mardi 08 Juillet 2008


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