FREE PALESTINE
8 juillet 2008

Palestine – Les femmes à Gaza et en Cisjordanie – Impacts et complications du conflit - Femmes sans Frontières

Palestine – Les femmes à Gaza et en Cisjordanie –

Impacts et complications du conflit  - Femmes sans Frontières

http://www.women-without-borders.org/news/128

06. Juin 2008

Palestine – Femmes – « Aujourd’hui, il s’agit de survie pure et simple »

Elisabeth Kasbauer, Directrice Exécutive de Femmes sans frontières parle avec Dr. Sara Roy, chercheuse à l’Université de Harvard.

Dr. Sara Roy est professeure au Centre des Etudes orientales à Harvard et a dirigé une recherche sur le développement politique, social et économique de la Palestine depuis 1985. Comme fille de survivants de Auschwitz, elle a grandi dans un environnement domestique qui définissait les enseignements de l’holocauste comme une obligation morale. Elle croit que ces leçons s’appliquent à toutes les communautés.

Elisabeth Kasbauer a parlé avec elle de la vie quotidienne des femmes en Cisjordanie et à Gaza, des allocations sélectives d’aide au développement et du désespoir dans la région. Roy a été invitée à Vienne par l’Institut viennois pour le Dialogue et la Coopération.

Elisabeth Kasbauer : Quand on considère le conflit israélo-palestinien, la nature compliquée du sujet rend difficile de savoir où commencer. Les femmes sont fort affectées par ce conflit.

Sara Roy : La situation à Gaza et en Cisjordanie est précaire en ce moment. Les femmes souffrent dans beaucoup de domaines : chômage, familles brisées, inaptitude de fournir une nourriture adéquate, manque de soins de santé, restriction de la liberté de mouvement – la liste est sans fin. Les femmes sont exposées à une répression interne et externe. Mais il y avait énormément de femmes fortes et engagées pendant les négociations d’Oslo, et il y avait aussi beaucoup de femmes ministres.

E.K. : Cette période d’espoir appartient-elle au passé ?

Roy : C’était une période de possibilités, qui est à présent passée. Aujourd’hui il s’agit de survie pure et simple. Le rôle principal des femmes consiste  à maintenir la famille intacte et à préserver un semblant de normalité dans un environnement tellement destructeur. Les femmes doivent s’assurer de la survie de leur famille et cela nous ramène à un point de radiation.

E.K. : Au point de vue démographique, la population de Cisjordanie et de Gaza est très jeune.

Roy : A Gaza, la croissance de la population et sa fertilité sont parmi les plus élevées du monde. J’ai passé énormément de temps dans des camps de réfugiés, et il n’existe pas d’intimité dans ces endroits. Il existe une pression énorme sur toute la communauté, particulièrement sur les femmes. J’ai été tellement submergée par la sensation de densité, le manque d’intimité et le manque de tout sens de penser à soi. C’est comme si penser à soi en tant qu’être humain, en tant que femme, est égoïste et illégitime. Et maintenant, c’est pire encore car les circonstances sont beaucoup plus extrêmes. Quelles sont les préoccupations principales d’une mère palestinienne ? De procurer suffisamment à manger pour ses enfants, d’assurer qu’on ne leur tire pas dessus quand ils se rendent à l’école et de s’assurer qu’ils restent en bonne santé. Comment avoir des soins de santé appropriés pour ses enfants ? D’abord, s’assurer, quand on est enceinte, que vous pourrez arriver à l’hôpital et donner naissance à votre bébé en toute sécurité. Mais le nombre de naissance à domicile en Cisjordanie et à Gaza a augmenté significativement parce que les femmes ne peuvent pas accéder aux hôpitaux à cause des barrages routiers et les checkpoints.

E.K.: Les programmes de développement ont toujours été très actifs dans la région. Comment percevez-vous la durabilité de ces initiatives et où peut-on les trouver en ce moment ?

Roy : Il n’y a virtuellement pas d’aide au développement en ce moment. La plupart de l’aide est humanitaire ou basée sur une réponse d’urgence. A Gaza, il n’y a pas de développement du tout. Et la majorité de ces fonds sont utilisés punitivement ; c’est une des différences majeures dans les systèmes de développement et économiques aujourd’hui. Et le développement comme objectif a toujours été extrêmement problématique dans cette partie du monde pour des raisons politiques. Israël a toujours limité et empêché le développement. Une croissance économique signifierait un renforcement politique, et ce n’est simplement pas à l’agenda. L’aide est aussi attribuée de manière très sélective – même l’aide humanitaire. A mon avis, ce sont surtout les US qui sont à blâmer pour ceci mais il en va de même pour l’UE parce qu’elle  est d’accord avec le programme.  USAID ne financera pas une municipalité, quel qu’en soit le besoin désespéré, si on considère qu’elle est dirigée par le Hamas. Ce n’est plus une question de développement ou de changement ; maintenant, c’est une question de contrôle.

E.K. : Comment est-il possible que la population palestinienne ait été tenue en otage par la politique tandis que le monde entier regardait (sans rien faire).

Roy : Tout est une question de pouvoir. Et ce n’était pas simplement que les Israéliens, les Américains et la communauté internationale aient choisi de ne pas s’occuper de la société palestinienne de manière significative, la direction palestinienne elle-même sous Arafat, a toujours essayé de marginaliser la société civile. Quand on donne du pouvoir à une société, on crée une menace potentielle pour son propre pouvoir.

Y a-t-il un espoir à l’horizon ? Yossy Beillin, le chef de l’aile de gauche sociale du parti Meretz-Jachad a dit récemment : « Nous devons accepter qu’Israël sera divisé et alors on aura la paix ».

Roy : C’est une grande question. Le status quo est affreux – et pour les Palestiniens et pour les Israéliens. Si la situation ne peut pas être résolue de manière à ce que les deux peuples puissent vivre pacifiquement – et pacifiquement ensemble – une violence encore plus grande éclatera. Historiquement, l’idée était que les Palestiniens devaient accepter les conditions qu’Israël et les US définissaient pour résoudre le conflit. Mais les Palestiniens ont appris la leçon ; maintenant ils disent, « traitez avec nous comme avec des êtres humains, des égaux, et nous traiteront avec Israël ». Ils sont prêts à vivre en paix avec Israël mais n’acceptent plus des pré-conditions, des arrangements transitionnels ou des mesures de construction de la confiance. A présent, ils réclament la réciprocité et la reconnaissance mutuelle. C’est pour cela que le Hamas a beaucoup de soutien. Le Hamas représente la seule racine, la racine politique, qui résiste à l’Occident, Israël et la communauté internationale et qui dit « Nous sommes prêts à traiter, mais nous traiterons avec vous aux conditions que nous aurons défini ensemble, et pas aux conditions que vous nous imposez ».

E.K. : C’est une question sensible et internationalement controversée.

Roy : Quelle est l’alternative ? Les Palestiniens sont prêts à mourir pour la libération et l’humanité. Ils n’ont plus peur du pouvoir militaire d’Israël. Ils croient qu’il n’y a plus rien à perdre.

E.K : Beaucoup dans la région n’ont jamais connu que la guerre, la destruction et la violence.

Roy : Le chômage dans la bande de Gaza est d’à peu près 40%. Les Palestiniens ne peuvent plus travailler en Israël ; ils ont été remplacés par des travailleurs d’Asie et de Roumanie. J’espère que des deux côtés on réalise combien la situation est irrationnelle. Je trouve personnellement aussi la situation désespérée;  je suis juive et ma famille y vit aussi. C’est une partie du monde à laquelle j’ai consacré beaucoup de temps, à la fois personnellement et professionnellement. Je n’ai jamais ressenti un tel manque d’espoir que maintenant. C’est pour mes amis et collègues palestiniens et c’est vrai aussi pour mes amis et collègues israéliens. Et il ne semble pas y avoir une solution en vue. Mon espoir avait toujours été que la communauté internationale prendrait une position de principe plus importante, parce qu’elle l’a fait historiquement. Mais maintenant l’UE a adopté la position US et a renoncé à son rôle historique dans ce conflit. Et donc, je dois me demander que faisons-nous maintenant ? On refuse aux Palestiniens une solution acceptable, mais ils ont bien voulu accepter des conditions inacceptables pendant les 15 dernières années dans l’espoir d’aboutir à une solution positive. Maintenant ils comprennent que ce n’est plus le cas, et la disposition d’esprit des Palestiniens a changé. Ce changement d’attitude couplé à une situation politique grave et la connaissance qu’il n’y a pas d’issue maintenant est extrêmement dangereuse.

E.K. : Vous avez été engagée dans ce sujet pendant toute votre carrière académique. Beaucoup se demandent à quoi a servi cette recherche ?

Roy : Je me suis souvent posé cette question. Pour moi, personnellement, le but de ma recherche était de présenter un contre discours, une contre narration et un contre modèle à ceux qui nous étaient donnés. Mon idée a toujours été d’éduquer des gens et de présenter un paradigme différent sur cette question. Mais je veux que des gens disent un jour : « Vous ne pouvez pas dire que nous ne savions pas. Nous savions. » L’information était là.

Cette interview a été publiée dans l’édition de juin du magazine autrichien Südwind.

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 865 981
Archives