FREE PALESTINE
18 avril 2008

Le coup d’état manqué du Fatah.

Mohamed Dahlan

Xavière Jardez GAZA : Le coup d’état manqué du Fatah.

L’accord conclu, récemment, entre le Hamas et l’Autorité Palestinienne, par l’entremise du Yémen, pour parvenir à un gouvernement d’unité nationale aura-t-il des chances de voir le jour, indépendamment des obstacles intrinsèques aux deux parties, ou sera-t-il, dès le départ, violemment combattu par Bush et ses complices palestiniens comme le fut le premier gouvernement d’unité nationale en 2007 avec l’ « Action Plan » ainsi que le révèle l’hebdomadaire américain Vanity Fair.

Briser le Hamas

Briser le Hamas a été l’objectif de cette communauté internationale, réduite au « Quartet » composé des Américains de l’Union européenne, de la Russie et des Nations unies,  depuis l’élection démocratique de la mouvance islamiste à Gaza en 2006, après son refus de reconnaître Israël, de renoncer à la violence et d’accepter tous les termes des accords précédents. Le briser économiquement, d’abord. Maître d’œuvre des sanctions, instituées par les Etats-Unis et l’Union européenne qui suspendaient le paiement de l’aide à l’Autorité palestinienne d’un montant de 2 milliards de dollars, Israël a imposé un blocus économique punitif qui s’est ensuite transformé en un siège total de la population de Gaza en violation, comme d’habitude, du droit international qui prohibe tout châtiment collectif. Appauvrie, réduite au chômage (voir encadré), vivant dans une prison à ciel ouvert, sous le contrôle permanent aérien, naval d’Israël, malgré le désengagement de ce dernier en 2005, en subissant les attaques à volonté –n’épargnant pas, cependant, la Cisjordanie, où Abbas a décrété  un cessez-le-feu partiel,  qui en a essuyé 480 au cours des trois derniers mois- les habitants de Gaza ne pouvaient que vouloir échapper à ces conditions apocalyptiques en défonçant, le 23 janvier, au passage de Rafah, le mur les séparant de l’Egypte, pour éviter de périr. C’est ainsi que certains précédents dans l’Histoire s’imposent à la mémoire….Sous la pression des  Américains de retirer leur aide de 100 millions de dollars, l’Egypte ferma la frontière peu après.

Cependant, cette stratégie s’est révélée inopérante : les Gazouites n’ont pas lâché leur Premier ministre, Ismail Haniyeh, qui, pour faire face à la crise humanitaire, s’était procuré auprès de l’Iran chiite, une aide atteignant,  pour certains,  200 millions de dollars en 2007. Il est étonnant de constater, ici, la popularité du Hamas en Cisjordanie, selon un récent sondage donné par Arte, le 2 avril, qui, si des élections étaient tenues, les remporterait. 

L’Iran-Contra 2.0

Parallèlement à ces sanctions, les Américains envisageaient la liquidation politique du Hamas par le déclenchement d’une guerre civile palestinienne grâce à leur homme de main, Mohamed Dahlan, chef de la force paramilitaire de l’Autorité palestinienne la plus redoutée, les Services de Sécurité Préventive, collaborant étroitement avec  la CIA et le FBI depuis les Accords d’Oslo en 1993 et ayant rencontré à plusieurs reprises, Clinton et Bush pour qui Dahlan était « notre homme ».  N’avait-il pas arrêté 2000 membres du Hamas en 1996, dans la bande de Gaza après une série d’attentats suicides, torturé systématiquement des prisonniers par sodomisation.

Le poids des Américains dans les affaires palestiniennes remonte à la guerre des Six Jours en 1967 et s’est considérablement accru avec la présidence de Abbas, qui n’a jamais pu compter sur une base forte et indépendante, avait besoin de l’aide étrangère pour restaurer son prestige et était parfaitement conscient que, sans Washington, il ne pourrait résister au Hamas.

Dans ce contexte, la survie d’Abbas dépendait de la dissolution du gouvernement d’Haniyeh et à cette fin, Dahlan devait assumer la responsabilité de toutes les forces de sécurité -14 en tout sous Arafat dont la moitié à Gaza- une fois réformées, dont celles de la sécurité préventive, accusées d’enlèvement et de torture, pour lesquelles les Américains fourniraient armes et entraînement. Associés à un plan à deux faces, public pour le Congrès et clandestin autour de pays arabes,  ressemblant étrangement à l’Irangate, l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes devaient verser directement à Abbas des fonds destinés à l’achat d’armement. Or, ni les Américains, ni les pays arabes ne tinrent leur engagement : de  86,4 millions de dollars, le Congrès réduit le montant à 59 millions de dollars, en avril 2007, pour une aide non létale de peur que les armes achetées ne se retournent contre Israël, et seuls les Emirats y allèrent de leur poche avec 30 millions de dollars.

Plan B

Un gouvernement d’unité nationale vit le jour sous les auspices du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, en février 2007, pour éloigner la guerre civile sous-jacente: Haniyeh restait premier ministre et des membres du Fatah occuperaient plusieurs postes importants. L’Administration US n’accepta pas plus cette solution qu’elle n’avait accepté l’élection du Hamas et proposa une alternative, le Plan d’Action Pour la Présidence Palestinienne connue sous le nom de « Plan B » à la rédaction duquel participèrent le Fatah et la Jordanie.

La version finale le présentait comme né d’une idée  de l’Autorité Palestinienne et confirmait que les propositions sécuritaires avaient été approuvées par Abbas après l’accord du Général Dayton, coordinateur US pour la sécurité des Palestiniens et directeur du Iraq Survey Group, à la recherche des armes de destruction massive de Saddam Hussein. Abbas devait dissoudre le gouvernement du Hamas si ce dernier refusait toujours de modifier son attitude par rapport à Israël. Qu’Abbas ait le pouvoir constitutionnellement de le faire ne préoccupait pas Bush. « Le dénouement attendu était de donner à Abbas la capacité de prendre les décisions politiques stratégiques requises…telles que démettre le cabinet, établir un cabinet d’urgence » ou appeler à de nouvelles élections. Les forces de sécurité du Hamas, notamment les 6000 hommes de la nouvelle Force Exécutive,  ne devaient pas être intégrées à celles du Fatah et Abbas devait assumer le « contrôle indépendant des principales forces de sécurité » dont une force de 15 000 hommes financée en secret  par les pays arabes. Une force additionnelle de 4700 hommes était répartie en sept bataillons hautement entraînés soit en Jordanie soit en Egypte.  Il est à noter que certains factions du Fatah ne prirent pas part au complot, comme le déclare, Khalid Jaberi, commandant des Brigades d’Al Aqsa, car « il n’y a jamais eu de décision globale de confronter le Hamas et c’est pourquoi nos  armes sont les plus pures. Elles ne sont pas souillées du sang de notre peuple ».

Le calme était revenu sous le gouvernement d’unité nationale dans les territoires palestiniens. Mais, le 30 avril 2007, la publication par un journal jordanien Al Majd, d’une première ébauche du plan B convainquit le Hamas que le Fatah projetait un coup soutenu par les Etats-Unis, comme le démontraient les recrues fraîchement entraînées, équipées de neuf venant d’Egypte par la bande de Gaza. Haaretz suivit, le 7 juin, avec l’annonce qu’Abbas et Dayton avaient demandé à Israël d’autoriser le plus grand transport d’armes en provenance d’Egypte comprenant des douzaines de véhicules blindés, des centaines de fusées pénétrantes, de milliers de grenades  et des millions de munitions dont s’empara le Hamas lors de la déroute du Fatah, le 13 juin. La  situation sur le terrain entre les forces en présence produisit un effet de dominos qui enhardit le Hamas à tenter plus. Quelques jours plus tard, le Hamas prenait le contrôle de Gaza : pour Fawzi Barhoum, principal porte-parole du Hamas, le plan soutenu par les Américains consistait à  « anéantir le choix politique » et la violence aurait redoublé. Avec l’arrivée des nouvelles recrues, 250 membres du Hamas avaient été tués au cours des six derniers mois de 2007.

Pour Mahmoud Zahar, ancien ministre des affaires étrangères du gouvernement Haniyeh, l’objectif du Hamas était limité : se débarrasser des Services de Sécurité préventive, et des années d’oppression par Dahlan , qui soumettaient à la torture ou tuaient ceux soupçonnés d’appartenir au Hamas. C’est d’ailleurs l’avis de David Wurmser, farouche néoconservateur et principal conseiller de Dich Cheney pour les Affaires du Moyen Orient, qui a démissionné, en juillet 2007, un mois après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas. Il  accuse l’Administration Bush  de «…déclencher une sale guerre pour offrir à une dictature corrompue (dirigée par Abbas) une victoire. Il me semble que ce qui est arrivé n’est pas tellement un coup par le Hamas, qu’une tentative de coup par le Fatah qui a été torpillée avant qu’elle ne survienne. »

Source : www.vanity.fair.com/politics/features/2008/04/gaza200804?

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