FREE PALESTINE
3 avril 2008

«Qu’en est-il de ta conscience? Comment peux-tu agir de la sorte?»

«Qu’en est-il de ta conscience? Comment peux-tu agir de la sorte?»

Une lettre d’une Palestinienne chrétienne

Faten Mukarker, Palestinienne chrétienne, née à Bethléem, élevée en Allemagne, retourna en Palestine à l’âge de 20 ans pour s’y marier. Elle vit avec sa famille à Beit Jala, une localité proche de Bethléem. Elle vécut, avec son mari et ses quatre enfants en bas âge, les affres de la première Intifada et de la guerre du Golfe. Elle est écrivaine et se rend souvent en Allemagne pour présenter dans des conférences la situation de ses compatriotes.
En tant que Palestinienne de confession chrétienne, Madame Faten Mukarker présente dans ses conférences la vie prise entre les frontières religieuses et nationales. Elle raconte de façon approfondie et frappante la vie sous tension de tous les jours. Il s’agit par exemple de couvre-feu durant plusieurs semaines, mais aussi de rationnement d’eau dans un pays subtropical et ses conséquences. Elle met aussi le doigt sur la violence qui modifie le pays et les gens. Malgré cette violence et la terreur, qui dominent actuellement des deux côtés, elle voit, comme seule chance pour l’avenir de la région la volonté de paix et de réconciliation, devant venir des deux côtés.
Du temps où des touristes et des pèlerins venaient en Terre sainte, elle les invitait chez elle et leur parlait de la vie en Palestine. Mais depuis que les touristes ne viennent plus, c’est elle qui se rend en Allemagne pour s’adresser aux gens dans des communautés religieuses, des universités populaires, des académies, des écoles, et ailleurs, et leur parler de son pays.

Bibliographie: Faten Mukarker: Leben zwischen Grenzen. Eine christliche Palästinenserin berichtet. (Éditions Zeitzeugen); Karlsruhe: Editions Hans Thoma 1999

Source: http://arendt-art.de/deutsch/palestina/Stimmen_Palaestina/faten_mukarker_februar_2008.htm
(Traduction Horizons et débats)

Chers amis au loin

Notre terre est un bien familial depuis des générations. Les oliviers qui s’y trouvent furent plantés par nos aïeux. Ils se dressaient, fiers et vénérables, entre les rochers, survivant aux humains. Nous aimons nos arbres. Ils assurent notre survie. Nous sommes profondément enracinés avec eux. Ils nous donnent des olives et de l’huile et lorsque nous les taillons, nous pouvons avec les branches faire de magnifiques sculptures que les pèlerins aiment prendre avec eux en rentrant de Bethléem.
Un beau jour, vinrent des voisins. Une colonie juive s’installa.
Pour éviter une expropriation – selon la loi militaire israélienne, notre terre était classée comme friche et pouvait donc être expropriée en tout temps – nous avons construit avec beaucoup de peine des terrasses avec les pierres à disposition, les avons remplies de terre fertile et y avons planté des abricotiers, des pommiers, des grenadiers, des vignes, tout ce qu’il faut pour être heureux. Avec le temps, cette terre devint un merveilleux jardin, un vrai petit paradis.
Aussi fûmes-nous atterrés en apprenant de la part de l’administration militaire que le mur passerait au beau milieu de notre jardin. Ce jour arriva. Des pelles mécaniques, protégées par des soldats, arrachèrent nos arbres. Nous nous sommes mis, avec des amis et des voisins, devant ces pelles mécaniques. J’en appelais au commandant: «Qu’en est-il de ta conscience? Comment peux-tu agir de la sorte? Ne connais-tu pas le dicton: quand deux personnes se chamaillent et que l’une des deux est très agressive, alors l’autre lui pose la question: que t’ai-je fait? Est-ce que je t’ai arraché tes arbres? Car c’est là le plus grave de tous les actes d’agression. Si vous voulez protéger la colonie, construisez donc le mur là où il n’y a pas d’arbres.» Comme il ne réagissait pas, j’ai continué en disant: «Vois, j’ai élevé mes enfants de telle façon que nous puissions vivre en paix avec vous. Lorsqu’ils étaient encore très jeunes, je les ai envoyés dans une école de musique à Jérusalem-Ouest, ensemble avec des enfants juifs, car j’étais persuadée que la rencontre entre enfants juifs et palestiniens était importante. J’ai aussi placé ma fille dans une école de danse juive. Le professeur, une Roumaine d’un certain âge, était tout heureuse. ‹C’est la première fois que j’ai une fille palestinienne. Il est important d’apprendre à danser le ballet. C’est même vital.›
Vraiment vital? Je pensais plutôt au contact avec des enfants juifs et à une bonne tenue. Alors, cette femme retroussa la manche de sa blouse et me montra son avant-bras. Il s’y trouvait un long numéro tatoué. ‹J’ai dansé pour des soldats, c’est ce qui m’a sauvée.› J’en eus froid dans le dos et me dis: «Espérons que ma fille ne sera pas obligée, un jour, de danser pour une même raison. Mais si vous arrachez nos arbres et expropriez notre terre, alors tout aura été vain et mes enfants vous haïront.»
Il répondit, sans me regarder dans les yeux: «J’ai des ordres et je ne fais que mon travail.» Il se retourna et me laissa sur place. Je lui criais encore: «Je me souviens que, au cours de ton histoire, tu avais souhaité que jamais des soldats ne se soient exprimés ainsi.»
Il était douloureux de voir ces arbres déracinés.
Il était douloureux d’être chassé par les armes de notre petit paradis.
Il était douloureux de se trouver si démunis.

Salam
Faten Mukarker

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=845

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 866 079
Archives