Apocalypse Now

Gaza : Apocalypse Now

vendredi 15 février 2008

Dr. Saeb Shaath - Ma’an News Agency

C’est encore Gaza l’unique qui a honoré son passé en battant les forces armées israéliennes équipées de la machine de guerre américaine la plus sophistiquée.

24 janvier 2008 - Les habitants de la bande de Gaza forcent par centaines de milliers le passage frontalier vers l’Egypte - Photo : Wissam Nassar/MaanImages

Bien avant le grand Samson et la séduisante Dalila, Gaza vécut pendant des millénaires durant lesquels elle joua un rôle capitale dans le destin du monde antique. Il y a peu de villes antiques qui aient pu survivre, Gaza est considérée comme l’une des plus anciennes villes du monde. Son nom signifie « force et prédominance ». Sous ses rues animées sont enterrées de nombreuses couches de civilisations. Pour découvrir une partie de l’histoire ancienne de Gaza, visitez le Musée israélien, ou les collections privées des généraux des forces armées israéliennes qui exposent l’histoire de Gaza dans leurs villas.

Quand nous roulons sur la route de « Salah el Deen » (Saladin) - qui lie les centres-villes et les villages de Gaza- nous sommes en fait en train de suivre une route utilisée avant nous par les plus grands personnages : les généraux Assyriens et Perses, les prophètes, les Pharaons, Alexandre le Grand, les croisés, Napoléon Bonaparte, les Turcs, les Britanniques, et même les présidents américains et les responsables de la CIA. Gaza a toujours eu une importance stratégique majeure. Elle était en effet le seule itinéraire terrestre entre l’Afrique et l’Asie, ce qui poussa l’Egypte prédynastique à construire, en 3500 avant J.C, la citadelle de « Tell Sakan » au bord de la rivière Wadi Ghazzeh de Gaza « Tell al Ajjul ».

Au second millénaire avant J.C, les Hyksôs avancèrent vers le Sud et vainquirent le Grand Empire égyptien, vers 1650 avant J.C. On découvrit plus tard à quel point le mode de vie gazaoui fut riche et sophistiqué durant les temps préhistoriques. Durant le cinquième siècle après J.C, à l’époque de l’Empire byzantin, les exportations de Gaza allèrent aussi loin qu’en Angleterre, en Irlande et à Genève.

Les écoles de Gaza formèrent des théologiens éminents tels que Barsanuphe, Jean de Gaza et Marc le Diacre dont les écrits eurent une profonde influence sur le christianisme à ses débuts. Gaza vit toujours avec nous sur cette terre et témoigne pour nous que des armées débarquent, d’autres s’en vont et à chaque fois l’antique Gaza endure puis se remet debout. Les bandits ne l’ont pas envoyé en orbite vers la planète Mars ou ne l’ont pas noyée dans la mer Méditerranée et il y a une leçon à en tirer.

Les Ottomans perdirent Gaza après avoir été vaincus par les Britanniques lors da la troisième bataille de Gaza le 7 novembre 1917 pendant la Première guerre mondiale. Sir Archibald Murray qui avait dirigé les deux premières batailles de Gaza en 1916-1917 fut écarté et remplacé par « le taureau », alias le général Edmond Allenby, qui trahit ses défenseurs en attaquant Beersheba puis en assiégeant Gaza. Gaza tomba et la route qui conduisit Allenby à Jérusalem fut ouverte.

Le plan qu’envisageait alors les dirigeants britanniques pour la Palestine devint plus clair. Il était la copie conforme du projet inabouti de Napoleon Bonaparte pour la Palestine. En imposant le mandat britannique sur la Palestine, les Britanniques commencèrent à mettre en oeuvre le plan de Bonaparte de faire de la Palestine un Etat juif, de contrôler par procuration la majorité du monde arabe et de résoudre le « problème oriental », à savoir le problème juif en Europe. L’holocauste commença à être mis en application pour de bon en Palestine contre les Arabes par les troupes terroristes juifs, entraînés et ravitaillés par les forces britanniques et transportés en Palestine.

En Allemagne et en Pologne, un autre holocauste a eu lieu contre les juifs et d’autres peuples encore. De nouvelles vagues de réfugiés juifs débarquèrent en Palestine et les nouveaux arrivés commencèrent alors à se venger des Allemands en tuant les Arabes !

Le sentiment de culpabilité des Européens à l’égard de ce qui s’est passé sur leurs terres les a rendu aveugles face à l’holocauste qui se déroulait en Palestine. La conséquence directe de cette attitude est qu’il y a aujourd’hui plus de 8 millions de réfugiés palestiniens et qu’un nouveau style d’emprisonnement de toute une nation est en train d’être appliqué, celui de villes entières entourées par des murs énormes de 8 mètres de haut et 5 mètres de largeur, enfermant la population entière de chaque ville parfois même divisées en de petites parcelles. Les murs sont épaulés par 650 check points militaires --- à l’intérieur ou à l’extérieur de ces parcelles--- et des permis de la plus haute autorité militaire sont nécessaires pour les franchir. Ces autorisations --- ou récompenses --- sont offertes à une petite part de la population palestinienne. Parfois ceux qui sont à l’intérieur sont oubliés pendant des mois.

Ce qui ce passe à Gaza est l’exemple le plus effrayant. Les Israéliens disposent d’un grand nombre de caméras de surveillance sophistiquées pour suivre le moindre pas de chaque personne ; ils disposent aussi de systèmes satellites d’espionnage, de bombes nucléaires et d’un arsenal infini d’armes de destruction massive. Grâce au savoir-faire occidental et aux contribuables occidentaux, les lobbys achètent le soutien des hommes politiques occidentaux avec leur propre argent, ce qui est très malin !

C’est encore Gaza l’unique qui a honoré son passé en battant les forces armées israéliennes équipées de la machine de guerre américaine la plus sophistiquée. Tsahal s’est retiré de Gaza et l’a enfermée entre des murs énormes et des barrières électriques et électroniques. Ensuite, les compagnies liées à Tsahal ont pompé l’eau de Gaza pour la revendre ensuite aux habitants de cette ville eux-mêmes ! Ne sont-ils pas très roublards ?

Avec l’aval du Protocole de Paris, rien ne sort ni ne rentre sans l’accord de Tsahal. Tout produit destiné à Gaza ou en sortant doit passer par un contrôle de sécurité, ce qui est une procédure sans égale puisqu’elle détruit la majorité des produits. Mais qui oserait faire une objection ?

A plus d’impôts élevés, le type de service que les Israéliens rendent aux petits producteurs palestiniens dont les exportations se composent essentiellement de fruits, de légumes et de fleurs, est celui de retenir les produits frais pendant des semaines au checkpoints. Les grandes compagnies agroalimentaires israéliennes rentrent alors en scène. Elles prennent ce dont les chaînes de supermarchés occidentales ont besoin et le leur revendent à un prix sans concurrence. Un petit sachet de menthe ou de persil est alors vendu une livre sterling, ou deux dollars. Combien pensez vous que les gros bonnets israéliens paieraient le petit fermier palestinien pour ce petit sachet ? Deux centimes, si d’abord ce dernier a la chance de le leur vendre. C’est le meilleur scénario qui puisse se produire. L’autre alternative est la simple dévastation, et c’est qui se passe actuellement à Gaza. D’après B’tselem, le groupe israélien pour les droits civils, les actions militaires israéliennes ont tué en Palestine depuis l’année 2000 l’équivalent de quatre fois le nombre de civils et huit fois le nombre d’enfants israéliens victimes de la violence palestinienne.

Les usines israéliennes ont des chaînes de productions spéciales pour les Palestiniens, Dieu seul sait pourquoi ! puisque ces derniers ne peuvent consommer que ce que l’armée israélienne autorise ; ils sont devenus ainsi des sources d’argent facile pour les voraces capitalistes israéliens. Ceux-ci n’épargnent rien aux Palestiniens, allant jusqu’à déserver leurs déchets toxiques au nord de Gaza.

Comme nous l’avons tous vu récemment sur les réseaux d’informations de la CNN, de la BBC ou d’al-Djazira, Gaza est victime d’un autre genre d’holocauste. Comment les Palestiniens pourraient-ils se défendre face aux armes sophistiquées de Tsahal ?

Les Palestiniens ont le droit de résister et de se débrouiller pour fabriquer leurs fusées primitives. Après tout ils sont enfermés dans les prisons de Tsahal. Le peuple de Gaza est privé de ses nécessités vitales. Pourquoi ? Ne faisons-nous pas campagne pour la protection des animaux, et pour exiger qu’ils ne soient pas soumis à des expérimentations scientifiques en laboratoire ? Ce n’est pas nous qui nous disputons avec les Japonais au sujet de la chasse à la baleine ? Ce n’est pas nous qui avons passé des lois contre la chasse aux renards ? Pourquoi alors ignorons-nous ce qui se passe pour des millions de réfugiés en Palestine qui sont quotidiennement attaqués ? Pourquoi n’exigions-nous pas la mise en œuvre des résolutions des nations Unies qui garantissent le droit au retour à ces réfugiés ? Ce qui est de l’ironie dans cette histoire, c’est que ce sont ces résolutions mêmes qui ont donné la naissance à l’Etat d’Israël.

Que ferions-nous si quelqu’un nous jetait hors de notre maison sous prétexte que Dieu la leur a donné ? Que feriez-vous si cela vous arrivait ? Comment réagiriez-vous en voyant que les tyrans et les responsables de l’exécution des lois ont fait cause commune ? C’est à cette situation que s’est trouvé confronté chaque Palestinien. Israël et ses sponsors britanniques ont alors bloqué la mise en œuvre des résolution et ont poursuivi leurs attaques contre les pays arabes voisins (en 1956, contre Gaza et l’Egypte). Le petit nouveau, les Etats-Unis, nouvelle superpuissance mondiale et nouveau sponsor d’Israël, a ajouté une nouvelle dimension au conflit. Le programme appliqué par les Etats-Unis a soudainement correspondu à celui des défenseurs des théories de l’apocalypse. Les Américains utilisent alors les visions religieuses de ces derniers pour concrétiser rapidement leurs prophéties. Après la mise en lambeaux de l’Irak, voilà que les Américains sont pressés d’attaquer l’Iran et la Syrie, en se servant du même vieux scénario pathétique « de style hollywoodien ».

Ils ont créé le stéréotype de l’ennemi diabolisé, en s’assurant d’en rajouter encore plus pour plus nous effrayer : les Arabes sont si méchants, ils ont des armes de destruction massive . Nos intelligents agents de la CIA, de nos M5 et M6 nous ont prévenus : ils [les Arabes] sont prêts à nous atomiser en quelques minutes. Ils décident de l’alerte orange ou de l’alerte rouge pour avoir tous les fonds exceptionnels qu’ils souhaitent. Les Américains sont très forts dans ce jeu et ils le font très bien. Les Arabes ont pris la place du méchant empire rouge et la religion musulmane a remplacé dans une plus large mesure le communisme, car le danger est plus grand quand c’est la religion qui est définie comme l’ennemi et ce sont des billions de personnes qui deviennent suspectes ou ennemis potentiels. Aucun pays ne se trouve loin du champ de bataille, le nouvel ennemi vit parmi nous. Paix à votre âme Alfred Hitchcock ! Vous étiez original certes, mais pas si effrayant. Maintenant nous connaissons la vraie horreur et la si puissante industrie de la peur.

Il y a quelques semaines, j’ai regardé un film que j’avais déjà vu en 1996 et cela a fait tilt. J’ai supposé que les planificateurs du nouvel Armageddon avaient décidé et réalisé son scénario ou certaines de ses parties. Ce film c’est Au revoir à jamais (The Long Kiss Goodnight) avec Geena Davis. J’ai appris qu’ils vont lui faire bientôt une suite. C’est pour cela que je vous implore, Samanta Caine (Greena Davis) et Mitchel (Samuel L. Jackson) s’il vous plaît de vous assurer que vos méchants viennent bien de la planète Mars. Juste au cas où.

Le nouvel arrivé a son propre projet, celui de créer un Etat juif pur en transférant des millions d’Arabes, chrétiens et musulmans, hors d’Israël. Ce concept fait couler l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Etats du Golfe Arabique dans une tourmente sectaire sur le modèle libanais. La question est se savoir si cela est dû à l’hégémonie du pétrole ou à celle des Etats-Unis sur le monde.

Je crois que les impérialistes occidentaux doivent avoir un ennemi pour rester unis et de cette manière ils peuvent garder leur mainmise sur le monde et ses ressources et garantir une grande distance entre l’Occident et le reste du monde. Dans ce contexte, ils continuent d’adapter l’image de l’ennemi d’une ethnie à l’autre, d’une idéologie à une religion en usant des termes tels que : le monde libre, le monde civilisé, notre mode de vie, nos valeurs, les autres, l’empire méchant, l’axe du mal, le terrorisme islamiste. Il y a quelques années, les terroristes islamistes faisaient partie des « Mujahidines », ces escouades de combattants de la liberté qui avaient fait la guerre sainte -« le Djihad »- contre l’empire rouge du mal, et dont le leader Ben Laden était alors considéré comme le héros de Reagan et de Thatcher. Je me demande ce qui a réellement changé.

L’élite politique américaine croit que plutôt que de choisir l’option de voir l’islam comme l’ennemi, il faudrait réapprendre les leçons de la Première guerre mondiale et de la Guerre froide.

L’élite politique américaine devrait tirer les leçons de la Première guerre mondiale et de la Guerre froide plutôt que de vouloir transformer l’islam en ennemi.

Ajoutant les insultes à la blessure, certains fanatiques religieux continuent de nous exaspérer avec leur peur et leur obsession de la fin du monde. Je sais pertinemment qu’il y a plus de 60 millions d’Américains qui sont devenus de fervents croyants dans les théories de l’apocalypse. Ce qui est dangereux c’est la façon dont les réseaux d’informations et les médias américains, --- et européens dans une certaine mesure --- jouent sur cette peur et cette obsession. Ils introduisent chez nous ces prédicateurs de l’apocalypse dans la peau d’experts politiques du Moyen-Orient. Je me souviens des propos de l’un d’entre eux expliquant le désastre de l’ouragan Katrina : « Dieu nous punit parce que nous avons mis la pression sur Israël pour qu’il fasse la paix avec les Arabes ». Que vous le croyiez ou non, il a retenu toute l’attention du Congrès et de la Maison Blanche.

Nous aimons la vie, nous payons des impôts « écologiques » pour sauver notre planète, pour que nos enfants héritent d’une Terre propre et belle, mais je me demande pourquoi nous payons des impôts à des gouvernements qui accomplissent sans gêne aucune d’aussi étranges programmes ? Pourquoi appelons-nous le Pakistan à réformer ses madrassas [écoles] alors nous avons de grandes organisations et des églises immenses qui exigent une négociation finale sur la terre de la Palestine ? Où est la majorité morale ? Qui représente l’humanité et la justice ?

Il est temps que quelqu’un les calme et leur apprenne l’esprit de vivre et à laisser vivre.

Il y a huit millions de réfugiés palestiniens à qui la communauté internationale a accordé le droit au retour. C’est de notre devoir de mettre en pratique les résolutions de l’ONU et de les imposer à ceux qui manquent de respect vis-à-vis de ces résolutions et de la communauté internationale, à l’instar de l’Etat d’Israël. Dans le cas contraire, la communauté internationale doit retirer les résolutions, lesquelles ont aussi généreusement donné naissance à l’Etat d’Israël, et déclarer un seul Etat pour tous les citoyens qui vivent ou ont vécu dans la Palestine historique.

Pour fonder un Etat laïc qui soit à même de garantir les droits de chacun de vivre et de construire son avenir en paix, soit un homme un vote, il faut éradiquer la politique raciste de l’Etat sioniste. L’Afrique du Sud est le parfait exemple de ce qui pourrait être fait dans ce domaine. Il n’y a aucune autre alternative dans le moment présent car le projet de Bush et l’Etat palestinien imaginé par Blair se sont estompés avec le mur, les colonies, les checkpoints militaires et les barbelés électriques. L’exode de Gaza s’est dirigé vers le Sud cette fois-ci et désormais, qui sait ce qui se passerait sur une terre avec des gens qui n’ont aucune pitié ? Sommes-nous dans l’attente d’un autre Samson qui ferait effondrer sur lui-même et sur ses ravisseurs toute la Palestine ?

* Saheb Shaath est écrivain, penseur et conférencier spécialisé dans les problématiques moyen-orientales, ancien diplomate, le Dr. Saeb Shaath est cofondateur de l’association irlandaise Irish Map( Medical Aid for Palestine).

5 février 2008 - Ma’an News Agnecy - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’anglais : Thouraya Ben Youssef