FREE PALESTINE
24 janvier 2008

Le temple de Gaza

Le quotidien libanais d'expression française
Mardi 22 janvier 2008 L’Orient-Le Jour
LE POINT
Le temple de Gaza
L'article de Christian MERVILLE
http://www.lorient-lejour.com.lb/page.aspx?page=article&id=362724


Le blocus de Gaza se poursuit, entraînant une crise humanitaire sans précédent. Le nombre de tirs de roquettes al-Qassam ne cesse de monter, tandis que la cote de popularité de Mahmoud Abbas poursuit sa dégringolade. Il est évident que l’embryon de machine de paix conçue à Annapolis – et dont on attend la naissance – est grippé. Israël peut, en conséquence, reprendre sa lente et mortelle œuvre de grignotage, arguant du fait qu’en face, il n’existe pas d’interlocuteurs crédibles, capables de saisir la main qui leur est si charitablement tendue. La multiplication des points de peuplement peut se poursuivre en toute quiétude, même si, benoîtement, le monde feint de « déplorer » les boucheries chaque jour commises dans l’enclave. La manne américaine ne cessera pas pour autant de pleuvoir sur « le-vaillant-État-pionnier-qui-a-fait-fleurir-le-désert », cet avant-poste de la démocratie à venir dans une région peuplée de terroristes anciens, présents et à venir, gouvernée par des sardanapales et condamnée à croupir éternellement dans son sous-développement.

Vrai ? Faux ! Car tout le monde sait bien qu’il n’y a pas, à Gaza, de punition collective décidée par l’État hébreu. C’est Shlomo Dror, porte-parole du ministère de la Défense, qui l’affirme : « Tout ce qui se dit depuis quelque temps relève d’une campagne de propagande initiée par le Hamas. » C’est encore Itzhak Levanon, ambassadeur auprès des Nations unies, qui proteste contre « les attaques au vitriol » du rapporteur spécial onusien pour les droits de l’homme et précise que « seuls sont visés les criminels de guerre ». La palme de l’hypocrisie revenant toutefois à Amos Gilad, un autre haut gradé de la Défense, qui déclare sans rire : « Il est évident qu’Israël fera tout pour éviter une catastrophe. » Merci, mais les hélicoptères en ont déjà assez fait, secondés dans leur entreprise par les fournisseurs de fuel à l’unique centrale électrique qui a déjà rendu l’âme.

Essayez donc de faire parvenir toutes ces protestations de bonne foi aux oreilles des enfants qui défilaient hier dans une cité fantomatique, la poitrine offerte au vent glacial d’un hiver particulièrement rigoureux, portant des inscriptions comme : « Arrêtez de nous tuer », ou encore : « Sil vous plaît, protégez-nous. » Il y a aussi ce message désespéré lancé sur le Net, comme la bouteille à la mer d’un naufragé, par la jeune Mona el-Farra : « Nous sommes 1,5 million d’êtres humains condamnés à mourir lentement. Ce n’est pas en se comportant comme ils le font que les Israéliens réussiront à obtenir la paix et la sécurité. » En fait, c’est plutôt un résultat inverse qu’ils obtiennent : depuis les raids (particulièrement meurtriers) de la semaine dernière, près de 150 fusées artisanales ont été tirées sur des zones israéliennes. C’est bien pourquoi Robert Malley, directeur des programmes de l’International Crisis Group, vient de lancer dans le Boston Globe une véritable mise en garde : « Gaza constituera probablement le détonateur de la prochaine guerre arabo-israélienne. »

Les dirigeants en place à Tel-Aviv, déjà empêtrés dans une série de graves scandales et affaiblis par les piteux résultats de la guerre de juillet-août 2006 contre le Liban, se trouvent confrontés aujourd’hui à un dilemme. D’un côté, ils ne voudraient pour rien au monde rééditer l’expérience d’une occupation qui s’est révélée catastrophique, moins encore d’une opération terrestre qui serait coûteuse, probablement stérile même. D’un autre côté, parvenir à une certaine forme d’entente avec le Hamas de Khaled Mechaal reviendrait à renforcer celui-ci et donc à affaiblir Abou Mazen, avec lequel ils viennent de s’engager, sous l’égide de George W. Bush, sur la voie d’une douteuse coexistence. En définitive, il est désolant de constater que rien n’aura été épargné pour aboutir à l’impasse actuelle. Quoi d’étonnant à cela quand on connaît la propension des Israéliens à opter pour la manière forte, l’attrait qu’exercent le désordre et la désunion sur les Palestiniens, enfin la capacité illimitée de l’Administration américaine à multiplier les faux pas à chaque fois qu’elle est sollicitée pour régler un problème.

Classer les Palestiniens en « bons » et « méchants » ne fait, en avivant les tensions, qu’aggraver les problèmes. C’est lorsque les islamistes sont acculés à croire qu’ils n’ont plus rien à perdre qu’ils sont le plus dangereux. À cela on pourrait rétorquer que l’argument est également valable pour le camp adverse. Mais alors, que les uns et les
autres en tirent la conclusion qui s’impose. En se rappelant que c’est à Gaza, dit la légende, que Samson, capturé par ses ennemis (les Philistins !...) et privé de la longue chevelure dont il tirait sa force, finit par secouer les colonnes du temple de Dagon jusqu’à la destruction de celui-ci, dont les décombres furent sa sépulture. Des siècles plus tard, il est évident que Goliath a changé d’identité

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