FREE PALESTINE
1 septembre 2007

Mais que pensent vraiment les Palestiniens ?

Mais que pensent vraiment les Palestiniens ?

samedi 1er septembre 2007 - Ali Abunimah - The Electronic Intifada

« D’après un sondage palestinien, l’appui au Fatah l’emporterait sur celui dont bénéficie le Hamas » titre le International Herald Tribune. Cette annonce, semblable à beaucoup d’autres diffusées la semaine dernière, doit avoir réchauffé le coeur des partisans du « gouvernement » de Salam Fayyad à Ramallah, illégal, non élu et appuyé par Israël.

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Salam Fayyad, récemment nommé Premier Ministre du "gouvernement d’urgence", signe avec Condoleezza Rice lors de sa visite à Ramallah le 2 août 2007, un accord prévoyant l’octroi de 80 milliards de dollars à l’Autorité Palestinienne .

En juin dernier, Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne a renvoyé le Premier Ministre Ismail Haniyeh membre du Hamas ainsi que le gouvernement d’unité nationale que celui-ci dirigeait ; il a ensuite nommé Fayyad sans l’accord légalement requis du conseil législatif palestinien. Ce renvoi faisait suite à la déroute infligée par le Hamas dans la Bande de Gaza, aux milices du chef de guerre du Fatah, Mohammed Dahlan, appuyées par les Etats-Unis et Israël.

Ce sondage justifie-t-il la stratégie états-unienne et israélienne consistant à financer et armer les dirigeants palestiniens collaborateurs de Ramallah ? Donne-t-il raison à Abbas de soutenir Israël, de sévir contre la résistance, de prêter la main au siège cruel de son peuple à Gaza et de refuser tout dialogue avec le Hamas ? A y regarder de plus près, ce sondage et son contexte donneraient à penser le contraire.

Le Jerusalem Media and Communications Centre) (JMCC) qui a réalisé le sondage, a claironné qu’une « majorité » de Palestiniens « a dit que le gouvernement Fayyad est plus efficace » que le gouvernement démocratiquement élu de Haniyeh qui reste, bien que renvoyé par Abbas, le Premier Ministre de facto.

En fait, d’après les résultats, 46,5 pour cent des personnes sondées (c’est une majorité relative et non pas absolue) préfèreraient les réalisations de Fayyad à celle de Haniyeh ( 24,4 pour cent) depuis les événements de juin (voir le sondage numéro 62 du JMCC d’août 2007 ).

Si ces chiffres sont exacts, le résultat serait impressionnant pour Abbas et Fayyad. D’après le sondage, en cas de nouvelles élections législatives, 38 pour cent des personnes interrogées voteraient pour le Fatah et 24 pour cent seulement pour le Hamas, le Fatah l’emportant tant en Cisjordanie qu’à Gaza.

Il y a pourtant de bonnes raisons de croire que ce sondage, comme tous ceux du JMCC et d’autres organisations qui l’ont précédé, surestime l’appui au Fatah et sous-estime celui dont bénéficie le Hamas en raison d’une marge considérable. (Rappelons que tous les sondages avaient prévu à tort une victoire confortable pour le Fatah aux élections législatives de janvier 2006, et en 2005 pour les élections municipales).

La méthode du JMCC a consisté à interroger en face à face 1.199 Palestiniens dans des ménages choisis aléatoirement en Cisjordanie et à Gaza. Admettons que ce soit vrai.

Abbas a effectivement déclaré que le Hamas était illégal et ses forces de sécurité appuyées par Israël travaillent de pair avec les troupes d’occupation pour arrêter quantité de partisans de ce mouvement lors de vagues d’arrestations. Israël poursuit ses enlèvements en masse et ses exécutions extrajudiciaires de militants du Hamas et d’autres partisans de la résistance palestinienne ; il est aidé en cela par un vase réseau de collaborateurs travaillant au sein et à l’extérieur des institutions palestiniennes officielles et de certaines organisations non gouvernementales.

Vu ces circonstances, il n’est pas surprenant que le véritable appui au Hamas (Hamas (mesuré par les résultats des élections au scrutin secret) a toujours été bien supérieur à ce que les gens sont disposés à admettre lors d’entrevues avec des inconnus dont ils ne peuvent pas facilement deviner l’affiliation.

Deuxièmement, quand on demande aux Palestiniens d’évaluer la « performance », ce qu’on leur demande n’est pas clair. La question tient-elle compte des faits suivants ? Le gouvernement du Hamas démocratiquement élu n’a guère pu fonctionner depuis son entrée en fonctions en mars 2006, la moitié de son cabinet ayant été enlevé par Israël . Le siège par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël a privé ce gouvernement des recettes lui revenant de droit pour payer ne fussent que les salaires. Les bandes de Dahlan ont fait du sabotage, et depuis juin, le blocus total appliqué à Gaza a pratiquement paralysé son économie ? (Dernier stratagème, Israël, l’Union Européenne et les conseillers d’Abbas se sont apparemment entendus pour couper l’électricité à Gaza sous prétexte que le Hamas détournait des recettes, accusation qu’a réfutée un responsable de la compagnie d’électricité de Gaza).

Pendant ce temps, Abbas et Fayyad reçoivent des centaines de millions de dollars de leurs protecteurs étrangers. La comparaison n’est donc pas vraiment juste. Toutefois, vu les avantages dont ils bénéficient, Abbas et Fayyad obtiennent une cote remarquablement médiocres même dans ce sondage.

Alors que 44 pour cent des habitants de Gaza interrogés ont dit que leur sécurité s’était améliorée depuis la prise du pouvoir par le Hamas (31 pour cent ont dit qu’elle a empiré), cet avis n’est partagé en Cisjordanie que par 17 pour cent seulement des personnes interrogées vivant sous Abbas et Fayyad, tandis que pour 36,5 elle s’était détériorée.

Plus de la moitié des personnes sondées étaient « mécontentes » de la performance d’Abbas, tandis qu’un cinquième seulement se disait « très satisfait ».

Dans l’ensemble, 26 pour cent des Palestiniens vivant sous occupation estiment que le gouvernement Fayyad devrait être « dissout » et que le gouvernement d’union nationale (que dirigeait Haniyeh ) devrait être rétabli dans ses fonctions (21 pour cent en Cisjordanie et 34 pour cent à Gaza). Dix-sept pour cent seulement estimaient que le gouvernement Haniyeh devrait être « dissout » pour que Fayyad puisse gouverner en Cisjordanie et Gaza (18 pour cent en Cisjordanie et 16 pour cent à Gaza). Interprétés différemment, ces chiffres suggèrent que 17 pour cent seulement des Palestiniens vivant sous occupation considèrent le gouvernement Fayyad comme légitime. Une majorité de Palestiniens voulaient le retour au dialogue et à l’unité nationale, rejetant le refus intransigeant d’Abbas de parler au Hamas.

Quant à savoir à quel dirigeant allait leur confiance, ils ont désigné Abbas avec 18 pour cent (17 pour cent en Cisjordanie et 20 pour cent à Gaza). Haniyeh suivait de près avec 16 pour cent (11 pour cent dans en Cisjordanie et 25 pour cent à Gaza). Enfin Salam Fayyad se plaçait cinquième avec tout juste 3,5 pour cent dans les deux territoires. Près d’un tiers des Palestiniens n’avaient confiance en personne.

A la question : « pour qui ils voteraient lors d’une élection présidentielle », les réponses ont été statistiquement les mêmes pour Abbas et Haniyeh (21 et 19 pour cent), tandis que Fayyad obtenait 5 pour cent.

Si le sondage montre un faible appui pour Abbas et Fayyad (et une forte désaffection à l’égard de toutes les factions politiques), il signale un rejet catégorique de l’approche de capitulation adoptée par Abbas dans ses négociations de paix avec Israël. D’après « l’accord de principe » qu’Abbas négocie avec le Premier Ministre israélien Ehud Olmert, le droit au retour serait annulé, les colonies seraient autorisées à rester et la plus grande partie de Jérusalem irait à Israël. Tout cela en échange d’un petit Etat palestinien sur une fraction de la Cisjordanie.

Selon le sondage, près de 70 pour cent des Palestiniens vivant sous occupation tiennent au droit au « retour de tous les réfugiés dans leur terre d’origine ». Douze pour cent envisagent le retour de certains réfugiés seulement et sept pour cent à peine acceptent la position selon laquelle aucun réfugié ne devrait rentrer.

Quatre-vingt deux pour cent sont opposés au maintien du contrôle israélien sur les « grands blocs de colonies de la Rive Occidentale en échange de terres équivalentes en Israël » et 94 pour cent rejettent le « maintien de l’autorité israélienne sur la zone de la mosquée de Al Aqsa » à Jérusalem.

Les partisans de l’industrie du processus de paix affirment couramment que la solution des deux Etats bénéficie de l’appui écrasant des Palestiniens. Ceci n’a jamais été vrai (les millions de réfugiés et d’exilés palestiniens vivant hors du pays n’ont jamais participé aux élections ni n’ont été régulièrement interrogés). Ce sondage montre que parmi les Palestiniens vivant sous occupation, 51 pour cent à peine (49 pour cent en Cisjordanie et 54 pour cent à Gaza) appuient la solution des deux Etats. En même temps, un « Etat binational sur l’ensemble de la Palestine, dans lequel Palestiniens et Israéliens [sic] jouiraient de l’égalité de représentation et de droits » rencontre maintenant les suffrages de 30 pour cent des personnes sondées (résultats pratiquement les mêmes dans les deux territoires).

L’appui à la solution des deux Etats reste remarquablement anémique eu égard aux énormes efforts employés pour la promouvoir ; par contre, la solution d’un seul Etat bénéficie d’un soutien impressionnant et continue sa progression bien qu’aucune faction politique majeure ni aucun dirigeant ne l’aient ouvertement soutenue et que beaucoup d’efforts soient employés à la discréditer.

La méthode utilisée pour le sondage du JMCC suscite des inquiétudes légitimes vu la manière dont il a formulée les questions et le contexte ambiant. Au moins un blogueur a exprimé des doutes, parce que l’enquêteur, Ghassan Khatib, avait été à plusieurs reprises ministre au sein de l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah.

Néanmoins, quels que soient les doutes, ce sondage confirme simplement que les Palestiniens vivant sous occupation restent unis s’agissant des éléments fondamentaux de leur cause. Bien que l’on conspire à l’affamer et à le brutaliser pour qu’il renonce à ses droits, le peuple palestinien persiste à les défendre.

* Ali Abunimah est cofondateur d’Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse

Consultez son site Internet : www.abunimah.org

27 août 2007 - the Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : amg

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