FREE PALESTINE
2 juillet 2007

Les Samson sont sur toi, petit Philistin

Les Samson sont sur toi, petit Philistin

Sami Shalom Chetrit

29 avril 2007

www.notes.co.il/sami/31531.asp

Quelques observations portant sur l’atelier de confection de la Shabak et le citoyen Bishara

La Shabak [Services israéliens de la Sécurité Générale] n’est pas seulement un instrument de liquidation, de surveillance et d’enquête. La Shabak est essentiellement un appareil de manipulation sans limite ni retenue, dégagé de tout contrôle et de toute supervision, servant aux chefs de l’Etat et à leurs assistants dans la gestion et l’orientation de l’agenda politique d’un pouvoir hégémonique. Dans le cadre d’une telle fonction, la Shabak a aussi un petit département tout à fait charmant : l’atelier de confection de dossiers. Toutes sortes de dossiers de tailles et de coloris divers, selon les indications du chef du gouvernement et de ses assistants. Pour ce qui est de la dernière génération, on se souviendra du dossier Abou Hatzira, du dossier Draï, du dossier Vanounou, du dossier Fahima, du dossier Cheikh Raed Salakh, plus encore toute une liste jusqu’au dossier du jour, celui d’Azmi Bishara qui se confectionne en ce moment même sous nos yeux. Le principal point commun à tous ces dossiers est le haut degré de menace effective ou potentielle que celui qui est l’objet du dossier fait peser sur l’agenda sioniste-ashkénaze et sur son hégémonie (c’est pourquoi par exemple le Président empêché et stupide Katzav n’est pas repris dans la liste : il ne menace personne ; tout au plus retarde-t-il l’accès à la présidence d’un Péres vieillissant).

Un autre point commun à tous ces noms et à d’autres, c’est le côté ballon gonflable à la base du dossier. Cela commence toujours par des titres gigantesques et par les hurlements des portiers et de leurs maîtres, qui clament haut et fort l’énormité des crimes et des dangers que l’homme, ou la femme dans le cas de Fahima, est sur le point de faire peser sur le peuple d’Israël, et qui jugent et prononcent le verdict avant tout procès. La pompe et l’air nauséabond servant à gonfler le ballon sont fournis par la Shabak, toujours dans le secret des coulisses (c’est-à-dire en murmurant à l’oreille des éditeurs de journaux et des commentateurs officiels de l’Etat).

Beaucoup parmi nous s’en souviennent : le temps passant, dans tous ces dossiers, entre le moment de son envol et le verdict, le ballon a petit à petit perdu de l’air pour se ratatiner jusqu’à n’avoir plus que la taille d’un ballon de chewing-gum entre les lèvres d’un bambin. Mais à ce point-là, cela n’a déjà plus d’importance. L’effet est atteint. Car l’objectif n’est jamais de « rendre le droit et la justice » : l’objectif est politiquement plus complexe et dissimulé aux regards de la majorité du public. Dans le cas d’Abou Hatzira, le but était d’empêcher qu’un parti mizrahi indépendant, au parlement et au gouvernement, ne constitue un précédent, avec toutes ses implications sociales. Dans le cas de Draï, la peur et l’inquiétude ont grimpé bien des marches devant la possibilité d’un parti mizrahi au pouvoir, avec à sa tête un leader jeune, charismatique et rebelle, qui bat en brèche les limites du ghetto. Sur le cas Vanunu, j’ai déjà écrit abondamment – l’essentiel était de mettre en garde et de dissuader les nombreux jeunes Mizrahim devant le prix d’une haute conscience politique, celle qui réussit à dépasser toutes les chimères de pureté raciale et morale du « peuple », et de sainteté de sa terre. Le cas de Fahima est celui d’une hystérie démultipliée face au dégrisement de jeunes hommes et de jeunes femmes – le Miséricordieux les protège – dépris d’une allégeance automatique à leurs cochons de dirigeants et leur idéologie de la race dans cette ferme de l’élevage sioniste. Tali Fahima venait du centre sioniste israélien, elle a franchi les lignes, dans les deux sens du terme, et est allée à la rencontre de combattants palestiniens pour comprendre par eux l’occupation et leur combat. L’Américaine Jane Fonda avait posé le même acte politique en partant pour le Nord Vietnam, si ce n’est que tous les photographes de presse l’accompagnaient et qu’elle était devenue la star de la lutte contre la guerre au Vietnam.

Un dernier point commun est la tentative répétée et trop réussie de salir et d’avilir les personnes visées par ces dossiers aux yeux du public et aux yeux de leur communauté, comme voleurs avides de gains. Vanunu a révélé les secrets du nucléaire israélien par goût du lucre et Tali Fahima a vendu son pays pour pouvoir se faire sauter par un Arabe. Maintenant, Azmi Bishara n’a pas simplement fait de l’espionnage aux dépens de l’Etat d’Israël et conspiré à sa destruction avec ses amis syriens et chiites, mais il l’a fait, quelle abomination, en échange de quelques poignées de dollars. Autrement dit, ni par idéologie ni par politique, mais tout bêtement comme ceux qui vendraient leur mère pour du sexe ou de l’argent. Ce message-là est démultiplié. Le but est avant tout de salir, avec ou sans condamnation pénale. Des accusations, cela se réfute ou cela s’élague, mais des taches ne s’enlèvent jamais.

C’est pourquoi je recommande d’adopter la règle simple que je me suis fixée depuis de nombreuses années : chaque fois que le régime accuse d’actes criminels un de ses opposants, je lis les titres comme s’ils étaient écrits en lettres transparentes et les ignore totalement. Cela aide à conserver une pensée claire et sensée. Plus généralement, et sans lien avec Draï ou Bishara, il faudrait être aussi naïf qu’un mouton pour se fier aujourd’hui aux informations émanant du cabinet du Premier ministre. Au vu des montagnes de soupçons et de rapports qui s’amoncèlent à sa porte, cet homme est un voleur, un imposteur, un escroc, corrupteur et corrompu depuis sa jeunesse. Pourquoi alors irais-je croire un traître mot de ce qu’il dit ou de ce que disent ses ministres qui font l’objet d’investigations criminelles ? Et la Shabak ? Nous avons appris à la connaître de tout près grâce au « dossier Fahima » avec ses tissus de mensonges, de pures inventions, d’impostures, de menaces, et plus que tout, les articles de l’accusation gonflés à l’air chaud, tellement chaud que quand le ballon a finalement explosé, il a fallu mettre en route le conditionnement d’air.

Azmi Bishara n’a volé à personne le moindre centime. Il n’a pas espionné, ni rien tramé contre l’existence d’Israël et de ses citoyens. On ne peut accuser Bishara que d’une chose : il fait une obsession de la recherche de la justice. Il ne fiche pas un instant la paix au régime de l’occupation et de l’oppression. Il est le citoyen absolu. Celui qui demande à vivre dans ce pays, dans un cadre démocratique, citoyen, de justice et de paix, et non sous un régime nationaliste ou religieux, et c’est pour cela, seulement pour cela, qu’il est marqué comme extrémiste et dangereux pour la sécurité d’Israël. Du point de vue des dirigeants de l’Etat et de leurs assistants, Bishara représente, avec son mouvement, une menace permanente pour leur vérité éternelle parce qu’il place, jour après jour, le miroir devant eux et les confronte inlassablement à l’insupportable oxymore à la base de toute l’entreprise sioniste : un Etat juif et démocratique. Autrement dit une démocratie avec une majorité juive fixée à tout prix. Comme il est dur pour de vertueux menteurs comme eux de regarder dans ce miroir. Mais ô ironie, on devra justement à ces menteurs le fait que, peut-être, de nombreux Israéliens oseront regarder dans ce miroir et découvrir que le roi n’est pas seulement nu mais aussi que c’est un irresponsable qui les mène, depuis trois générations déjà, avec le mensonge, le déni nationaliste, vers nulle part.

Il me manque malgré tout encore quelque chose dans ce tableau. Que cherchent à obtenir les dirigeants de l’Etat et leurs assistants dans cette offensive contre l’homme qui symbolise plus que tout autre la nouvelle génération palestinienne en Israël, celle qui a redressé la tête ? Ce processus de prise de conscience, il n’est pas possible de le ramener en arrière. L’identité palestinienne de cette nouvelle génération, ils ne parviendront pas à l’anéantir même avec la bombe atomique qu’ils n’ont pas. Ils le savent parfaitement. Même s’ils réussissent à liquider entièrement le mouvement Balad [Alliance Nationale Démocratique] et à le déclarer hors-la-loi, cela ne suffira pas pour tuer le puissant courant de prise de conscience parmi la jeune génération. C’est exactement le contraire qui se produira : plus on l’opprimera etc. [et plus il se multipliera et se répandra - NdT]. Mais en dépit du fait qu’ils comprennent tout cela mieux que nous tous, ils agissent comme si c’était tout entier leur affaire et c’est là-dessus qu’ils dirigent toutes leurs flèches. Pourquoi ? La réponse est bien évidemment liée à des considérations plus complexes, à l’intérieur du grand tableau.

S’il n’y a pas moyen d’évacuer l’identité nationale des Palestiniens israéliens, se sont dits les Sages entre eux, alors évacuons-les eux et leur identité hors des frontières de l’Etat d’Israël, ou au moins une partie appréciable d’entre eux. Plus précisément, toute la région de Wadi Ara, le Triangle et Oum-al-Fahm avant tout. Et cela, conformément aux vieux plans esquissés par de nombreux dirigeants israéliens de droite comme de gauche, tel celui qu’a publié ces jours-ci un proche du Premier ministre, le député Schneller : un plan raciste visant au transfert de citoyens israéliens de Wadi Ara et du Triangle à l’intérieur des limites de l’Autorité Palestinienne, ou de l’Etat (palestinien) s’il est créé. Ce plan fait saliver le ministre Ivet Lieberman et ses amis depuis bien des années. Mais nous sommes davantage intéressés par le plan de ce proche du Premier ministre, publié précisément au moment où sont rendues publiques les étranges et absurdes accusations portées contre Bishara. Puisqu’aucun Premier ministre n’osera venir avec un tel plan de super-transfert face aux Américains et au monde sans « justifications existentielles » sionistes, brûlantes, il lui incombe de se ceindre les reins et de prendre l’initiative de forger de telles justifications aux yeux du monde. C’est ici qu’Azmi Bishara apparaît dans le tableau. Un dirigeant d’une dimension comme la sienne peut constituer un excellent levier pour créer une crise de confiance grave, profonde entre le régime juif et les Palestiniens israéliens, une crise ayant le ressort de conduire (avec l’aide des provocateurs de la Shabak) à un véritable soulèvement qui amènerait le rétablissement de l’administration militaire en Galilée puis la construction d’un mur autour du Triangle et ensuite la séparation unilatérale. Ça paraît fou ? Pareil programme, quand il est dévoilé avant l’heure, paraît toujours fou.

Il importe de se rappeler que la Shabak n’opère pas de grands mouvements aussi tranchés sans instructions précises du Premier ministre dans le bureau duquel siège l’organisation. C’est aussi de ce même bureau que Schneller lance son ballon d’essai. Il n’est bien sûr pas lui-même transfériste et tient à se différencier de Lieberman, parce que son plan à lui avance avec des manières aimables et des accords, et qu’il a vérifié et trouvé que les Palestiniens israéliens se réjouiraient d’habiter dans la future Palestine, et que comme il est noble et généreux, il leur a promis des permis de travail en Israël… Schneller réalise quelque chose de merveilleux en expliquant son plan : il le compare au transfert de Hong-Kong à la Chine par les Britanniques qui est, à l’en croire, une réussite et tout le monde est mabsout, heureux, extrêmement. Pourquoi « merveilleux » ? Parce que sans s’en apercevoir, il fait entrer les relations israélo-palestiniennes (et dans sa bonté, il reconnaît aussi les « Arabes d’Israël » comme des Palestiniens) dans le cadre du discours colonial et post-colonial : la Grande-Bretagne colonialiste libère ses autochtones et les rend au giron de leur patrie, par un acte de générosité. Et c’est ce qu’Israël cherche à faire aux autochtones palestiniens…

Combien de fois dans le passé n’ai-je pas exprimé ma sympathie pour Azmi Bishara et mon soutien pour l’idée de l’Etat citoyen qui tôt ou tard se dressera devant nous comme la seule possibilité de protéger la vie de tous ? Les réactions auxquelles j’ai eu droit de la part de Juifs anxieux étaient toujours furieuses et sans équivoque : « Si vous soutenez Azmi Bishara, alors vous appuyez comme lui la destruction du peuple d’Israël ». Ni plus ni moins. Ma réponse était alors, comme aujourd’hui, simple : les vrais ennemis du peuple en Israël (expression forgée par Bishara par opposition à peuple d’Israël) sont ceux qui le conduise lentement mais sûrement à sa perte, ceux qui, en grands patriotes, se dépeignent eux-mêmes aux couleurs de l’amour du peuple et du pays. En d’autres termes, ceux dont le cœur est porté en permanence à l’intérêt personnel, au vol, à la corruption, au plaisir sexuel, aux gains faciles en bourse, à la spéculation immobilière et autres menus plaisirs ; ceux qui vendront le pays et ses habitants pour un profit convenable. Qui est ici le vrai patriote? Celui qui met en danger tout ce qu’il possède au profit de la justice et de la paix ou celui qui, âpre au gain, en arrive à partager son temps entre le cabinet ministériel et le bureau des investigations ?

Mais ils n’ont aucun frein et à leur côté se tient vaillamment toute la machine de la démocratie juive, avec ses médias, son monde académique et sa rue incitée à l’aveuglement. Face à tout cela, les rares voix modérées à se faire entendre ces jours-ci sont essentiellement des voix de désespoir. C’est pourquoi, j’en appelle d’ici : Azmi, ne reviens pas. Fais le long calcul, pas le calcul court de l’obligation de fidélité, de loyauté à ton public. D’après le long calcul, si tu reviens maintenant, tu atterriras en droite ligne au milieu de leur plaine de jeu, mains liées et yeux fermés, et ils ne jouent pas aux échecs. Ne leur offre pas ce plaisir-là. J’ai entendu ceux qui disent : « Qu’il vienne et comparaisse face à eux, dans la salle du tribunal, comme un leader ». Et moi je te dis : ne crois pas ça un instant. Tout est mensonge. Il n’y a ni justice ni tribunal, mais simplement un atelier sioniste-ashkénaze de confection de dossiers. Sois fort.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

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