FREE PALESTINE
15 juin 2007

Abandonner le ghetto sioniste

Abandonner le ghetto sioniste (Partie 1/2)

dimanche 10 juin 2007 - Abraham Burg - Ha’aretz

Abraham Burg a été président du parlement israélien, il a également dirigé l’Agence Juive [1], et détenu le portefeuille du ministère de l’Intérieur.

A l’occasion de la publication de son livre intitulé « Defeating Hitler » (’Vaincre Hitler’), il s’est entretenu avec le journaliste du quotidien israélien Ha’aretz Ari Shavit, qui se déclare « choqué » par un ouvrage qu’il interprète comme un abandon de « l’israélité » par son ancien camarade qui décrit maintenant Israël comme un état brutal et impérialiste, cherchant la confrontation et pratiquant l’insulte, manquant d’âme.

Ari Shavit. J’ai lu votre nouveau livre ’Defeating Hitler’ comme la manifestation d’un abandon du sionisme. Ai-je tort ? Etes-vous toujours sioniste ?

Abraham Burg. « Je suis un être humain, je suis un juif et je suis un Israélien. Le sionisme a été un instrument pour me faire passer de l’état de juif à l’état d’Israëlien (to move me from the Jewish state of being to the Israeli state of being). C’est Ben Gourion qui déclarait que le mouvement sioniste était l’échafaudage pour construire une maison et qu’après l’établissement de l’Etat, il devait disparaître. »

Q. Donc, vous confirmez que vous n’êtes plus sioniste ?

R. « Lors du premier congrès sioniste, c’est le sionisme de Herzl qui a vaincu le sionisme d’Ahad Ha’am. Je pense que le XXIe siècle devrait être le siècle d’Ahad Ha’am. Nous devons abandonner Herzl et passer à Ahad Ha’am. »[2]

Q. Cela signifie-t-il que vous ne trouvez plus la notion d’Etat juif acceptable ?

R. « Cela ne peut plus fonctionner. Définir l’Etat d’Israël comme un Etat juif, c’est le conduire à sa fin. Un Etat juif, c’est explosif, c’est de la dynamite. »

Q. Et un Etat juif démocratique ?

R. « Les gens trouvent cette notion confortable. Elle est belle. Elle est à l’eau de rose. Elle est nostalgique. Elle est rétro. Elle donne un sens de plénitude. Mais "démocratique-juif", c’est de la nitroglycérine. »

Q. Nous devrions changer d’hymne national ?

R. L’hymne est un symbole. Je serai prêt à accepter une situation où tout irait bien, et où seul l’hymne serait mauvais.

Q. Est-ce que nous devons modifier la Loi du retour ?

R. « Nous devons ouvrir la discussion. La Loi du retour est une loi de réparation, elle est une image en miroir de Hitler. Je ne veux pas qu’Hitler définisse mon identité. »

Q. L’Agence Juive devrait-elle être dissoute ?

R. « Quand j’étais le directeur de l’Agence Juive, j’ai suggéré de transformer son nom d’Agence Juive pour la Terre d’Israël en Agence Juive pour la Société Israélienne. Il y a de la place pour des organisations philanthropiques. Mais au centre de leurs actions, elles doivent se préoccuper de tous les citoyens israéliens, y compris les Arabes. »

« Q : Vous écrivez dans votre livre que dans la mesure où le sionisme est une drame [3], alors vous n’êtes pas seulement post-sioniste, mais anti-sioniste. Pour moi, cette dimension dramatique est partie intégrante du sionime depuis les années 1940. Il s’ensuit donc que vous êtes anti-sioniste. »

R. « Ahad Ha’am a reproché à Herzl que tout son sionisme avait sa source dans l’antisémitisme. Il pensait à autre chose, à Israël comme centre spirituel - ce point de vue n’est pas mort et il est temps qu’il revienne. Notre sionisme de confrontation avec le monde est un désastre. »

Q. Mais ce n’est pas seulement la question sioniste. Votre livre est anti-israélien, au sens le plus profond du terme. C’est un livre dont émane une répugnance à l’égard de l’israélité.

R. « Quand j’étais un enfant, j’étais un juif. Dans le langage qui prévaut ici, un enfant juif. J’allais dans un heder [école religieuse]. D’anciens étudiants de la yeshiva y enseignaient. La langue, les signes, les odeurs, les goût, les places. Tout. Aujourd’hui, ce n’est pas assez pour moi. Je suis au-delà de l’israélité. Des trois identités qui me constituent - humaine, juive, israélienne - je sens que l’élément israélien me dépossède des deux autres ».

Q. Face à cela, vous avez une position conciliatrice et humaniste. Mais sur d’autres sujets, vous avez une attitude très dure envers l’israélité et les Israéliens. Vous dites des choses terribles sur nous.

R. « Je pense que j’ai écrit un livre d’amour. L’amour fait mal. Si j’écrivais au sujet du Nicaragua, cela n’aurait pas d’importance. Mais je suis issu d’un lieu où la douleur est terrible. Je vois mon amour décroitre. Je vois ma société et ma maison, là ou j’ai grandi, être détruites ».

Q. Amour ? Vous écrivez que les Israéliens comprennent seulement l’usage de la force. Si quelqu’un écrivait que les Arabes ou les Turcmènes comprennent seulement la force, il serait immédiatement accusé de racisme. Et à juste titre.

R. « Vous ne pouvez extraire une phrase et dire qu’elle représente le livre en son entier ».

Q. Il ne s’agit pas seulement d’une phrase. Elle se répète. Vous dites que nous avons la force, une force considérable, et seulement la force. Vous dites qu’Israël est un ghetto sioniste, impérialiste, une place brutale qui ne croit qu’en elle-même.

R. « Regardez la guerre du Liban. Les gens sont revenus du champ de bataille. Des choses ont été accomplies, d’autres ont échoué, il y a eu des révélations. Vous pourriez penser que les gens du centre (mainstream) et même de la droite comprendraient que l’armée voulait gagner et qu’elle n’a pas gagné. Que la force n’est pas la solution. Et puis on a Gaza, et quel est le discours sur Gaza ? Nous allons les écraser, nous allons les éradiquer. Rien n’a changé. Rien. Et ce n’est pas seulement nation contre nation. Regardez les relations entre les gens. Ecoutez les conversations personnelles. Le niveau de violences sur les routes, les déclarations des femmes battues. Regardez l’image d’Israël que renvoie le miroir. »

Q. Vous dites que le problème n’est pas seulement l’occupation. A vos yeux, Israël est une sorte d’horrible mutant.

R. « L’occupation n’est qu’une petite partie du problème. Israël est une société effrayante. Pour regarder la source de cette obsession de la force et pour l’éradiquer, vous devez affronter les peurs. Et la méta-peur, la peur primaire, ce sont les six millions de juifs qui sont morts dans l’holocauste. »

« Q. C’est la thèse du livre. Vous n’êtes pas le premier à la formuler, mais vous le faites très clairement. Nous sommes psychiquement diminués, dites-vous. Nous sommes victimes de la peur et de l’effroi, et utilisons la force parce que Hitler a provoqué chez nous une profonde atteinte psychique. »

R. « Oui ».

Q. Et bien je vous contredirai en disant que votre description est biaisée. Ce n’est pas comme si nous vivions en Islande en nous imaginant que nous sommes toujours entourés de nazis, alors qu’ils ont disparu voici 60 ans. Nous sommes entourés par des menaces réelles. Nous sommes l’un des pays les plus menacé au monde.

R. « La vraie fracture en Israël aujourd’hui sépare ceux qui croient de ceux qui ont peur. La grande victoire de la droite israélienne dans sa lutte pour capter l’âme de la sociéte israélienne, c’est la manière dont elle l’a imprégnée dans sa presque totalité avec une paranoia totale. Je reconnais qu’il y a des difficultés. Mais sont-elles insurmontables ? Est-ce que chaque ennemi est un Auschwitz ? Est-ce que le Hamas est un bourreau ? »

Q. Vous êtes condescendant et dédaigneux, Abraham. Vous n’avez pas d’empathie pour les Israéliens. Vous traitez les juifs israéliens de paranoiaques. Mais comme le dit le cliché, il y a des paranoiaques qui sont vraiment l’objet de persécutions. Le jour même où nous discutons, Ahmadinejad déclare que les jours d’Israël sont comptés. Il a promis de nous éradiquer. Non, ce n’est pas Hitler. Mais ce n’est pas non plus une illusion. Il est une vraie menace. Il représente le monde réel. Un monde réel que vous ignorez.

R. « Je dis qu’en ce moment, Israël est traumatisé dans pratiquement l’ensemble de ses composants. Et il ne s’agit ps d’une question abstraite. Est-ce que notre capacité à faire face à l’Iran ne serait pas meilleure si nous restaurions la capacité d’Israël à faire confiance au monde ? Ne serait-il pas plus judicieux de cesser de nous affronter à nos propres problèmes, mais plutôt de considérer que nous avons à faire à un réalignement global, qui concerne tout d’abord les églises chrétiennes, les gouvernements, et finalement les armées ? »

« Au lieu de cela, nous disons ne pas faire confiance au monde, qu’ils vont nous abandonner... et voilà que revient l’image de Chamberlain et de son parapluie noir rentrant de Munich, et donc nous allons bombarder [l’Iran] seuls... »

Q. Dans votre livre, nous ne sommes pas seulement des victimes du nazisme. Nous sommes presque des judéo-nazis. Vous êtes prudent. Vous ne dites pas qu’Israël est l’Allemagne nazie, mais vous n’en êtes pas loin. Vous dites qu’Israël est dans le stade de l’Allemagne pré-nazie.

R. « Oui. J’ai commencé mon livre par l’endroit le plus triste. Comme un deuil, mais un deuil d’Israël. Alors que j’écrivais, je pensais à un titre : "Hitler a gagné". Je pensais que tout était perdu. Mais, petit à petit, j’ai découvert que tout n’était pas perdu. Et j’ai découvert mon père comme représentant des juifs allemands, qui était en avance sur son temps. Ces deux thèmes nourrissent mon livre du début à la fin. A la fin, je deviens optimiste et la fin de mon livre est optimiste. »

Q. La fin est peut-être optimiste, mais tout au long du livre, vous dressez un signe d’égalité entre Israël et l’Allemagne. Est-ce vraiment justifié ? Y a-t-il une base suffisante pour établir une telle analogie ?

R. « Ce n’est pas une science exacte, mais je vais vous donner quelques éléments qui s’inscrivent dans cette analogie : une grande sensibilité à l’insulte nationale ; un sentiment que le monde nous rejette ; une incompréhension aux pertes dans les guerres (unexplained losses in wars). Et, comme résultat, la centralité du militarisme dans notre identité. La place des officiers de réserve dans notre société. Le nombre d’Israéliens armés dans la rue. Où est-ce que cette foule de gens armés va ? Les expressions hurlées dans la rue : "les Arabes dehors". »

Q. Ce que dites là, c’est qu’il y a des germes de nazisme en nous.

R. « Le mot nazisme est extrêmement connoté »

Q. Abraham Burg écrit dans son livre : « Il est parfois difficile pour moi de faire la distinction entre les débuts du national-socialisme et certaines doctrines culturelles nationales ici et maintenant »

R. « Il y a une différence entre écrire nazi et national-socialiste. Nazi, c’est l’image ultime qui pour nous, conduit à un point terminal. »

Q. Bien, nous allons laisser de côté le nazisme. Etes- vous inquiet d’une dérive fasciste en Israël ?

R. « Je crois qu’elle est déjà là. »

Q. Croyez vous que les slogans racistes consternants qui apparaissent sur les murs de Jérusalem sont semblables à ceux des années 1930 en Allemagne ?

R. « Je constate que nous ne nettoyons pas ces outrances en y mettant toute notre volonté. Et j’entends les voix en provenance de Sderot... [ disant ] “Nous détruirons, tuerons et expulserons”. Il y a également le discours du gouvernement en faveur du transfert... Nous avons franchi tant de lignes rouges durant ces dernières années. Alors, on se demande quelle sera la prochaine ».

Q. Dans le livre vous vous posez la question - et y répondez : « Je pressens fortement », écrivez vous, « qu’il y a de grandes chances qu’un futur parlement israélien prohibe les relations sexuelles avec les Arabes, mette en oeuvre des mesures administratives interdisant aux Arabes d’employer des ouvriers ou des femmes juives aux tâches de nettoyage... comme les lois de Nuremberg. Tout cela arrivera et est déjà en train d’arriver ». N’êtes vous pas en train de vous emporter, Abraham ?

R. « Quand j’étais le président de la Knesset, j’entendais ce que les gens disaient. J’avais des conversations approfondies avec des membres du parlement de tous bords. J’ai entendu des gens du camp de la paix dire : “Je veux la paix parce que je hais les Arabes, et je ne peux pas les voir, je ne les supporte pas”. Et j’ai entendu des gens de droite utiliser des expressions Kahanistes [néologisme créé sur le nom du rabbin ultranationaliste Meir Kahane]. Le Kahanisme est présent à la Knesset. Il a été disqualifié en tant que parti, mais il représente 10% ou peut-être 15% ou même 20% des discours juifs à la Knesset. Ces questions sont loin d’être simples. Ces sont des eaux troubles ».

Q. Je vais vous le dire franchement. Je crois que nous avons de sérieux problèmes moraux et psychologiques. Mais je crois que la comparaison avec l’Allemagne à l’époque de la montée du nazisme au pouvoir est sans fondement. Il y a un problème au sujet de la place qu’occupe l’armée dans nos vies et avec la place qu’occupent les généraux dans notre vie politique et dans les relations qu’ont l’armée et les politiques. Mais vous assimilez le militarisme israélien au militarisme allemand, et c’est une comparaiaon fausse. Vous décrivez Israël comme une Sparte prussienne, vivant par l’épée, mais ce n’est pas l’Israël que je vois autour de moi. Certainement pas en 2007.

R. « J’envie votre capacité à voir la situation comme vous le faites. Je vous envie énormément. Mais je pense que nous sommes dans une société qui vit par l’épée, dans ses émotions. Ce n’est pas par hasard que j’ai fait cette comparaison avec l’Allemagne, parce que notre sentiment de devoir vivre par l’épée s’enracine dans l’Allemagne. Ce qu’ils nous ont retiré durant ces 12 années de fascisme requiert une très grande épée. Regardez le mur. Le mur de séparation est un mur contre la paranoia. Et il a pris naissance dans mon milieu. Dans mon école de pensée. Avec mon cher Haim Ramon. Quel est le projet ? Que je vais ériger un grand mur et que le problème sera résolu parce que je ne les verrai plus. Vous savez, les Travaillistes ont toujours pris en compte le contexte historique et représentaient une culture du dialogue. Mais là nous avons une terrible petitesse d’âme. Le mur délimite physiquement la fin de l’Europe. Il indique que c’est là que l’Europe se termine. Il indique que nous sommes l’avant poste de l’Europe et que le mur nous sépare des barbares, comme le mur de l’empire Romain, comme la muraille de Chine.

Mais c’est tellement pathétique. Et cela représente un acte de divorce avec la vision de l’intégration. Il y a quelque chose de très xénophobe dans ce mur tellement insensé. Cela se produit juste au moment où l’Europe elle-même, et le monde avec elle, a fait des progrès impressionnants dans la prise en compte des leçons de l’Holocauste et a provoqué un grand progrés dans la définition du comportement des nations ».

Q. En vérité vous êtes un remarquable Européiste. Vous vivez à Nataf, mais vous êtes entièrement à Bruxelles. Le prophète de Bruxelles.

R. « Absolument, Absolument. Je vois l’Union Européenne comme une utopie biblique. Je ne sais combien de temps elle tiendra ensemble, mais c’est extraordinaire. C’est complètement juif ».

Q. Cette admiration que vous portez à Bruxelles n’est pas anecdotique. Car l’un des éléments saisissants de votre livre, c’est que le sabra [4] Abraham Burg tourne le dos à son passé de sabra et se relie très profondément à une sorte de romantisme yekke [référence aux juifs d’origine Allemande]. L’Israël sioniste apparait comme un vulgaire comparse dans votre livre, alors que la société juive d’Allemagne est représentée comme l’idéal, et le paradigme.

R. « Vous pensez par exclusion, Ari, et moi par inclusion. Vous découpez en tranche alors que j’essaie d’assembler. De plus, je ne dis pas que je me détourne de mon passé de sabra, mais que je me dirige dans une autre direction. Ca c’est vrai, tout à fait vrai ».

(A suivre)

Notes :

[1] Depuis 1948, c’est l’Agence Juive, organisme public du gouvernement Israélien, qui est chargée de la propagande en faveur de l’immigration au sein de la Diaspora, et de l’accueil des nouveaux immigrants (en particulier la gestion des centres d’absorption).

[2] Note de Alain Gresh sur Ahad Ha’am, de son vrai nom Asher Tzvi Ginsberg (1856-1927). Fondateur de l’organisation des Amants de Sion et l’un des pères de littérature hébraïque, il met en doute l’idée que l’Etat juif est la solution idéale aux problèmes du peuple juif et prône, plutôt, la création en Palestine d’un centre spirituel. Il est aussi l’un des premiers à prendre conscience du "problème arabe". A l’issue de son premier voyage en Palestine, il écrit un article intitulé « Vérité de la terre d’Israël ». Il écrit : « Nous avons pris l’habitude de croire, hors d’Israël, que la terre d’Israël est aujourd’hui presque entièrement désertique, aride et inculte, et que quiconque veut y acheter des terres peut le faire sans entrave. Mais la vérité est tout autre. Dans tout le pays, il est dur de trouver des champs cultivables qui ne soient pas cultivés. (...) Nous avons l’habitude de croire, hors d’Israël, que les Arabes sont tous des sauvages du désert, un peuple qui ressemble aux ânes, qu’ils ne voient ni ne comprennent ce qui se fait autour d’eux. Mais c’est là une grande erreur. L’Arabe, comme tous les fils de Sem, a une intelligence aiguë et rusée. (...) S’il advient un jour que la vie de notre peuple (les juifs) dans le pays d’Israël se développe au point de repousser, ne fût-ce qu’un tout petit peu, le peuple du pays, ce dernier n’abandonnera pas sa place facilement. »

[3] catastrophic

[4] Sabra : juif né en Israël

Abraham Burg - Ha’aretz, le 7 juin 2007 : Leaving the Zionist ghetto

Traduction : Alain Gresh, complétée par Contre Info

Abandonner le ghetto sioniste (Partie 2/2)

vendredi 15 juin 2007 - Abraham Burg - Ha’aretz

A l’occasion de la publication de son livre intitulé « Defeating Hitler » (vaincre Hitler), Abraham Burg s’est entrenu avec le journaliste d’Ha’aretz Ari Shavit.

Partie 1/2

Ari Shavit. J’ai un compte à régler avec ce romantisme. Vous décrivez mille merveilleuses années pour la société juive allemande. Dans une large mesure, vous voyez la communauté juive d Allemagne comme un modèle. Mais il se termine à Auschwitz, Avrum. Il mène à Auschwitz. Votre romantisme "yekke" est compréhensible, attrayant, mais il ment.

Abraham Burg . "Existe-t-il un romantisme bien fondé ? Votre romantisme israélien est-il fondé ?

Q. Mon israélité n’est pas romantique. Au contraire : elle est cruelle. Elle est issue du besoin de comprendre. Et vous gommez ce besoin. D’un point de vue émotionnel, vous préférez le trajet qui va de Dresde à Manhattan plutôt que de faire face au destin juif israélien.

R. "Nous ne voulons pas l’admettre, mais l’existence de la Diaspora remonte aux tous débuts de notre histoire. Abraham découvre Dieu en dehors des frontières de la Terre. Jacob a guidé sa tribu en dehors des frontières. Les tribus sont devenues un peuple en dehors des frontières. La Torah est donnée en dehors des frontières. En tant qu’Israéliens et sionistes, nous ignorons cela complètement. Nous rejetons la Diaspora. Mais je maintiens que tout comme il y avait quelque chose d’étonnant dans la société juive allemande, en Amérique aussi ils ont créé quelque chose d’étonnant. Ils ont créé une situation dans laquelle le goy [1] peut être mon père et ma mère et mon fils et mon partenaire. Là-bas, le goy n’est pas hostile mais amical. Et en conséquence, ce qui émerge est une expérience juive d’intégration, pas de séparation. Pas de ségrégation. Je trouve que ces choses là manquent ici. Ici, le goy est ce qu’il était dans le ghetto : agressif et hostile."

Q. Il y a réellement en vous une tendance anti-sioniste profonde. D’un point de vue émotionnel, vous êtes proche des sociétés juives allemande et américaine. Elles vous émeuvent, elles vous font vibrer et, par comparaison, vous trouvez l’option sioniste grossière et spirituellement pauvre. Elle n’épanouit ni le cœur ni l’âme.

R. "Oui, oui. La réalité israélienne n’est pas excitante. Les gens ne veulent pas l’admettre, mais Israël est dans le mur. Demandez à vos amis s’ils sont certains que leurs enfants vivront ici. Combien d’entre eux vont vous répondre oui ? Au plus 50%. En d’autres termes, l’élite israélienne a déjà quitté cet endroit. Et sans élite, il n’y a pas de nation."

Q. Vous êtes en train de me dire que nous étouffons, ici, par manque d’esprit.

R. "Totalement. Nous sommes déjà morts. Vous ne le savez pas encore, mais nous sommes morts. Ca ne marche plus. Ca ne marche pas."

Q. Et vous voyez dans la société juive américaine la dimension spirituelle et l’effervescence culturelle que vous ne trouvez pas ici.

R. "Certainement. Il n’y a pas d’écrits juifs importants en Israël. Il y a une littérature juive importante aux Etats-Unis. Il n’y a personne à qui parler ici. La communauté religieuse à laquelle j’appartenais - je ne trouve plus aucun sens à en faire partie. La communauté laïque - je n’en fais pas partie non plus. Je n’ai personne à qui parler. Je suis assis là, avec vous, et vous non plus ne me comprenez pas. Vous êtes coincé par votre extrémisme national chauvin.

Q. Ceci n’est pas tout à fait juste. Je suis conscient de la richesse juive dont vous parlez. Mais je sais aussi que l’analyse sioniste de base était correcte. Sans Israël, une civilisation juive non orthodoxe n’a aucun avenir.

R. "Prenez l’israélité la plus pure qui soit. Moshe Dayan, par exemple. Et nous remiserons tous les Avrums comparés à lui. Une israélité parfaitement immaculée. Pas d’enquiquineurs. Pas de molassons. Rien de tout ça. Etes-vous sûr que ce vivre pour vivre va perdurer ? D’un autre côté, les "aigles" prenez [les intellectuels]. Martin Buber, George Steiner. Vous dites que ces aigles n’arriveront à rien. Mais mon expérience historique me dit que ces aigles iront plus loin que les hommes de troupes."

Q. Vous êtes vraiment en train de préparer les outils de l’exil.

R. "Je vis avec eux depuis le jour de ma naissance. Est-ce autre chose, lorsque je dis, en priant, qu’à cause de nos péchés, nous sommes exilés de notre terre ? Dans l’histoire juive, l’existence spirituelle est éternelle et l’existence terrestre est temporaire."

Q. En ce sens, vous êtes par essence non sioniste. Parce que l’énergie nécessaire à l’établissement et au maintien de cet endroit est énorme, et vous êtes en train de dire que nous ne devons pas tout donner pour cet endroit.

R. "Il n’y a pas d’israélien total. Il y a un juif total. L’Israélien est une moitié de juif. Le judaïsme a toujours proposé des alternatives. L’erreur stratégique du sionisme a été d’annuler les alternatives. Il construit ici une entreprise dont les éléments les plus importantes sont une illusion. Pensez-vous réellement qu’une sorte d’entité laïque fluctuante comme Tel Aviv, de type post-kibboutz, va continuer à exister ici ? Spirituellement, nous sommes déjà mort, Ari. Vous n’avez plus qu’un corps israélien. Si vous continuez comme ça, vous ne serez plus."

Q. L’israélité est beaucoup plus riche, Avrum. Elle a de l’énergie, de la fougue, de la diversité et de la productivité. Mais vous avez fui l’israélité. Vous avez failli à l’israélité. Vous étiez un Israélien. Vous étiez bien plus israélien que moi. Mais vous ne l’êtes plus.

R. "Je ne le suis plus. Je pense que le "non-Israélien" n’est pas une alternative à l’existence juive globale vieille de deux mille ans dont je parle. C’est pour cela que j’ai écrit ce livre. Parce que je ne veux pas quitter ce monde en me mentant à moi-même. Je vous l’ai dit : il n’y a pas d’existence juive sans un récit. Ce n’est pas possible. Et ici, il n’y a aucun récit. Mais ce qui est encore plus grave, c’est qu’il n’y a aucune force qui fera émerger un récit de l’intérieur.

En conséquence, je vais vers le monde et vers le judaïsme. Parce que le Juif est le premier post-moderne, le Juif est le premier mondialiste."

Q. Vous êtes réellement devenu un mondialiste. Vous allez vraiment vers le monde. Vous avez maintenant un passeport français, et, comme citoyen français, vous avez voté lors des élections présidentielles françaises.

R. "J’ai déjà déclaré : je suis un citoyen du monde. Voici ma hiérarchie d’identités : citoyen du monde, puis Juif et seulement après, Israélien. Je ressens une lourde responsabilité pour la paix dans le monde. Et, à mon sens, Sarkozy est une menace pour la paix dans le monde. C’est la raison pour laquelle j’ai voté contre lui."

Q. Etes-vous français ?

R. "A bien des égards, je suis Européen. Et à mon avis, Israël fait partie de l’Europe."

Q. Mais Israël n’en fait pas partie. Pas encore. Et vous êtes un personnage public israélien qui prend part aux élections présidentielles françaises comme un français. C’est un acte qui va loin. Un acte juif pré-sioniste. Quelque chose que ni un Anglais ni un Hollandais ne ferait.

R. "C’est vrai. C’est complètement juif. J’avance vers la condition juive."

Q. Recommanderiez-vous à tous les Israéliens d’avoir un passeport étranger ?

R. "Tout ceux qui le peuvent."

Q. Mais là aussi, vous êtes en train de mettre en pièces la garantie israélienne commune. Vous jouez avec vos multiples passeports et vos multiples identités, ce que bien peu de gens peuvent faire. Vous démantelez quelque chose de très fondamental.

R. "Ca, ce sont vos craintes, Ari. Je vous suggère de ne pas avoir peur. C’est ce que je dis dans le livre. Je propose que nous arrêtions d’avoir peur.

Q. Mais vous n’êtes pas seulement le livre, Avrum. Vous êtes aussi la personne extérieure au livre. Et il y a une contradiction entre le purisme de l’homme qui a écrit le livre et la vie politique que vous avez vécue ici.

R. "C’est une question terrible. Terrible. C’est vrai. Pendant quelques-unes de ces années, j’ai vécu dans le mensonge. Pendant de nombreuses années, je n’ai pas été moi-même. Au début de ma carrière politique, j’avais l’énergie pour lutter pour la religion et l’Etat et pour la paix. J’étais porté par le souffle de Leibowitz (feu le Professeur Yeshayahou). Ce furent des années de sincérité. Mais ensuite, pendant de longues années, j’ai été un Mapainik (le Mapai, précuseur du Parti Travailliste). J’y étais pour être quelque part. Mais je n’étais plus moi-même. J’étais un hypocrite vis-à-vis à la doctrine."

Q. Et maintenant que vous êtes libéré des contraintes politiques, vous continuez avec Leibowitz en vous. Vous décrivez les assassinats ciblés comme des meurtres. Vous vous réjouissez que le petit-fils de votre mère ne soit pas un pilote de chasse qui tue des innocents. Vous décrivez l’occupation comme un Anschluss israélienne. Un Anschluss israélienne ?

R. "C’est que nous faisons ici. Que voulez-vous que je vous dise sur ce que nous faisons ici ? Que c’est de l’humanitaire ? La Croix Rouge ?

Q. Et les assassinats ciblés sont des meurtres ?

R. "Certains d’entre eux, certainement."

Q. Nous sommes en train de glisser vers les crimes de guerre ?

R. "Je n’ai pas d’autre façon de le voir. En particulier s’il n’y a pas de possibilité de dialogue. Les Israéliens sont très calmes. Un Arabe de plus, un Arabe de moins. Yalla, c’est parfait. Mais au bout du compte, la liste s’allonge. Le nombre de gens innocents est tellement important qu’on ne peut plus le maîtriser. Et après, notre explosion et leur explosion et celle du monde seront infinies. Je vois ceci arriver sous mes yeux. Je vois l’amas de corps palestiniens traverser le mur que nous avons érigé pour ne pas le voir."

Q. Et vous n’êtes pas seulement Leibowitz. Vous êtes aussi Gandhi. Vous dites que la bonne réaction à l’Holocauste n’était pas celle d’Anielewicz (Mordechai Anielewicz, commandant de la révolte du ghetto de Varsovie) mais celle de Gandhi.

R. "Je crois en la doctrine de la non violence. Je ne pense pas que croire en la non violence signifie qu’on est un jobard. A mes yeux, Gandhi est aussi juif que l’on peut l’être. Il incarne une très ancienne vision juive. Comme Yochanan ben Zakkai, qui en appelait à Yavneh et à ses sages. Pas à Jérusalem, pas au Temple, pas à la souveraineté ; Yavneh et ses sages."

Q. Et votre approche gandhiste a une expression politique : vous croyez qu’Israël devrait se débarrasser de ses armes nucléaires.

R. "Bien sûr, bien sûr. Le jour où la bombe sera détruite sera le jour le plus important dans l’histoire d’Israël. Ce sera le jour où nous aurons signé, avec l’autre côté, un accord tellement bon que nous n’aurons plus besoin de la bombe. Cela doit être notre ambition."

Q. Avrum, votre livre est celui d’un homme de paix. Presque celui d’un pacifiste. Comment cela se fait-il que lorsqu’un homme de paix comme vous a quitté la politique, il a essayé d’acheter au gouvernement une usine qui fabrique des pièces pour les chars ?

R. "Je suis un homme d’affaires, je m’occupe d’entreprises. En les remettant sur pied. Des privatisations. J’aime ce boulot et je le réussis. Un de mes projets principal fut les Industries Ashot, à Ashkelon, dont 40% fabriquent des armes. Mon intention était de fermer cette ligne de production et d’élargir la place d’Ashot dans l’aviation civile. Il n’y aura pas un seul jour où je serai responsable de la fabrication d’armes. J’ai vu ça comme le pari de prendre une entreprise qui fabrique des lances pour les transformer en socs de charrues."

Q. Cet arrangement pose de sérieuses questions. Il a entraîné une enquête du contrôleur de l’Etat et de la police. Mais je ne veux pas vous interroger sur l’aspect judiciaire parce que l’affaire est close et que vous avez été blanchi. Ce que je veux vous demander, c’est comment la première chose qu’un politicien qui s’est présenté comme un anti-Thatcher et un ennemi juré de la privatisation ait fait, après avoir quitté la politique, ce fut d’essayer de tirer d’énormes profits personnels de la privatisation.

R. "J’avais l’intention de faire la chose la plus anti-Thatcher qui soit. L’Etat a mal vendu, mais je voulais faire une bonne acquisition. L’Etat a trompé les travailleurs et je voulais garantir leurs droits. Je voulais montrer un modèle différent de partenariat entre employés et propriétaires. Je pense qu’il est injuste que l’Etat d’Israël m’ait écarté de cet arrangement. Lorsque j’ai quitté la politique, les tentations étaient grandes. J’aurais pu entrer dans tel ou tel conseil d’administration. Les gens voulaient que j’ouvre et que je ferme des portes. Mais j’ai dit non. Je suis allé vers la vieille industrie. A la périphérie. Maintenant, je produis du maïs à Hatzor Haglilit. Je ne suis pas installé à Kiryat Atidim (une zone industrielle de haute technologie). Je ne suis pas installé dans les endroits en pointe. Je mouille ma chemise tous les mois pour payer mes 600 employés. Leurs salaires."

Q. Il n’est pas tout à fait exact de dire que vous ayez décidé de ne pas ouvrir ou fermer des portes. Dans votre coentreprise avec l’homme d’affaires David Appel, vous étiez supposé ouvrir des portes de manière à ce qu’il puisse réincarner le projet touristique "Ile grecque" au sud de l’Italie.

R. "Ce projet n’a pas abouti. Même pas une opportunité de business. Mais si quelque chose en était sorti, alors quoi ? Parce que 20 personnes n’aiment pas David, il est inacceptable ? Parce que des choses terribles ont été dites à son sujet dans le système judiciaire, mais rien n’a été prouvé ? C’est une violence que je ne peux tolérer. C’est tout simplement une pratique de bourreau. L’israélité comme bourreau, et nous l’aimons vraiment - ça fait vendre les journaux."

Q. Les allégations contre vous au sujet des Industries Ashot et de David Appel font partie de l’approche de bourreau israélienne ?

R. "Ici, c’est la société de la potence. D’abord on vous pend et au moment de votre dernier souffle, on vous demande pourquoi c’est le dernier. Pourquoi il quitte votre corps. Nous vivons actuellement dans l’équivalent des années 1950 en Amérique. Dans une ère maccarthiste. L’offensive contre la corruption, c’est du MacCarthysme. Il est important que nous fixions des limites. Par le passé, chapardions dans le poulailler, et aujourd’hui c’est impossible. Nous demandions aux filles, Quand vous dites non, qu’est-ce que vous voulez dire ? et aujourd’hui, le harcèlement sexuel est interdit. Mais c’est fait d’une telle manière - le style, la vulgarité, la démagogie, la superficialité. L’incapacité de se défendre correctement pour ceux qui sont attaqués."

Q. Vous connaissez bien l’art de l’attaque défensive. Par exemple, Salai Meridor (ancien président de l’Agence juive) décide qu’il n’y a aucune justification pour que lui ou vous bénéficiez du privilège infondé d’une voiture avec chauffeur à vie, et vous le poursuivez en justice pour vous battre de toutes vos forces pour ce privilège.

R. "Comme ancien président de l’Agence juive, j’ai droit à une retraite, comme vous avez droit à une retraite. Un jour, elle disparaît. Terminé. Imaginez qu’une partie de votre retraite consiste à recevoir gratuitement Haaretz, et un jour, Amos Schocken (le propriétaire du journal) vous l’enlève. Vous ne vous battriez pas ? Vous n’iriez pas au syndicat des travailleurs ? N’importe qui a le droit de se battre quand on lui prend quelque chose - seul, Avrum n’a pas ce droit. Pourquoi ? Parce que. Toute cette histoire est tellement dérisoire en terme d’argent qu’elle n’existe même pas. Mais au niveau du principe, ça m’a mis hors de moi."

Q. Nous parlons d’environ 200.000 shekels (36.000 euros). Et de votre comportement, que le juge a trouvé honteux. Et sur le fait que même si vous parlez haut et fort de morale, vous ne voyez pas de faille morale dans le fait que 10 ans après avoir quitté l’Agence juive, vous effectuiez vos déplacements d’affaire à travers tout le pays dans une voiture avec chauffeur de l’Agence juive. Et par-dessus le marché, vous êtes aujourd’hui totalement étranger à tout ce que représente l’Agence juive.

R. "J’aurais des choses à dire sur ce que le juge a déclaré. Mais je ne contre-attaquerai pas. Je n’utiliserai pas la violence contre la violence. Nous parlons des droits fondamentaux des personnes. Des droits à une retraite."

Q. Est-ce que ça valait le coup ? Ce qui restera gravé dans la mémoire des gens, c’est que Salai Meridor était juste et modeste, et Avrum Burg un hédoniste qui a convoité des avantages.

R. "Ce qui reste de tout ça, c’est que je suis en paix avec moi-même. Tout ceux qui se sentent à l’aise avec la violence secrète ou les coups de poignard dans le dos ou avec le fait d’être un Sicaire (nom donné aux Juifs du Second Temple qui se servaient d’une épée, "sicarius", pour se débarrasser des collaborateurs avec Rome) dévoilé ou masqué - tant mieux pour eux. Parfait. Je n’ai pas l’intention de donner des leçons au monde. Pour moi, ce qui est important, c’est d’être en harmonie avec moi-même.

Q. Mais il y a un point d’interrogation qui vous accompagne depuis longtemps. Votre discours est impressionnant. Non seulement du point de vue de l’expression, mais du point de vue de la morale. Et maintenant, vous avez écrit un livre qui n’est que morale. Mais votre activité dans le monde est différente. Dans la vie politique, vous étiez intelligent, prudent, comme un serpent, et dans le monde des affaires aussi, vous êtes loin d’être un saint. La différence entre votre langage et vos actes est dérangeante.

R. "La différence est dans les yeux de celui qui regarde. Je ne me demande pas comment Ari Shavit me voit. Il y a longtemps que je me moque de ce qu’on pense de moi. Je vis dans un monde dans lequel ce qui m’importe, c’est ce que je pense moi de moi-même. Pendant de nombreuses années, j’ai vécu dans la crainte de ce que les gens pourraient dire. Ca m’a emmené dans les mauvais endroits. Dans des endroits où il y avait un énorme fossé entre ce que j’étais à l’intérieur et à l’extérieur. Aujourd’hui, je vis avec ma vérité."

Q. Les choses sont peut-être liées. Vous êtes réellement un homme de paix qui rejette la force brute israélienne, son militarisme, son nationalisme. Mais quand vous vous reconnectez au Juif, vous vous reliez non seulement au Juif spirituel, mais aussi au Juif de l’argent.

R. "C’est vrai. La vie, ce n’est pas seulement d’être un pionnier avec un sarcloir et un combattant audacieux à la Porte du Lion (une des portes de Jérusalem-Est). La vie, c’est aussi d’être un marchand à Varsovie. Cela fait, sans aucun doute, une vie plus riche."

Q. Pourtant, vous n’en avez pas terminé avec la politique. Vous êtes un ami proche du Premier ministre Olmert. Continuez-vous à le soutenir, même après la Seconde Guerre du Liban ?

R. "L’histoire d’Ehoud Olmert est une véritable tragédie. De toutes les hommes de sa génération (il est légèrement plus âgé que moi), il est celui qui a le plus de talent. Le plus d’expérience. Il y a beaucoup d’affection entre nous. Je l’aime beaucoup. Il est l’une des personnes les plus humaines, les plus morales en ce qui concerne les relations entre les gens, et dans ses relations avec sa famille. Mais sa capacité à traduire en pratique ce qu’il est a été impossible à cause de la déclaration de la guerre. La notion bushienne que la guerre est la première option, une faute qui déteint sur toutes les autres qualités essentielles d’Olmert. Je prie pour qu’il corrige ceci par une grande action politique. Le Hamas ou la Syrie ou l’Initiative saoudienne. Je lui demande de ne pas s’entêter dans l’erreur. Il est toujours possible qu’un grand bienfait sorte d’une aberration."

Q. Qui soutenez-vous aux primaires du Parti Travailliste ?

R. "Barak".

Q. Pourquoi ?

R. "Il a déjà prouvé une fois qu’il est prêt à aller au-delà du Rubicon israélien. Et il y aura d’autres Rubicons à traverser ici. Sa capacité à le faire est pour moi une chose très importante."

Q. Voulez-vous revenir à la politique ?

R. "C’est une question ouverte. C’est seulement en 2010 qu’une nouvelle ère politique débutera en Israël. Quand la génération Olmert-Barak-Bibi (Netanyahu) sera partie, ce sera le tour d’une nouvelle génération qui viendra de l’économie, de l’université, des arts. Il y aura peut-être alors une place pour moi."

Q. Une place au bureau de Premier ministre ?

R. "J’ai eu une fois très envie de devenir Premier ministre. Ca m’enflammait. Je ne savais pas ce que je voulais y faire, mais je voulais terriblement y être. Maintenant, je dis que j’ai beaucoup de marathons à courir avant que cela n’arrive."

Q. Mais vous êtes dans un marathon ?

R. "Toute ma vie."

Note :

[1] Goy : Mot hébreu désignant les non-juifs

Abraham Burg - Ha’aretz, le 7 juin 2007 : Leaving the Zionist ghetto
Traduction de la 2e partie : MR, pour ISM, via Contre Info

www.info-palestine.net

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