FREE PALESTINE
18 mai 2007

Pour que cesse la nouvelle Nakba contre les Palestiniens : « Non » à la reconnaissance du « droit d’Israël à exister »

Samah Jabr : Pour que cesse la nouvelle Nakba contre les Palestiniens : « Non » à la reconnaissance du « droit d’Israël à exister »

Finalement, un gouvernement palestinien d’union nationale a été formé mais l’aide et la bonne volonté internationale n’ont pas déferlé sur la Cisjordanie et Gaza. Les Palestiniens sont toujours affamés, maudits, isolés et abandonnés par le monde.

Même la récente adoption par la Ligue arabe de « l’initiative panarabe » pour le plan de paix, « Une terre contre la Paix », n’a pas soulager les souffrances du peuple palestinien, à cause du blocus économique international et de la détention de nos revenus fiscaux, en plus des agressions militaires israéliennes quotidiennes sur les civils palestiniens.

Peu importe le geste fait par les Palestiniens, la réponse israélienne est toujours prête : « La ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, appelle la communauté internationale à s’assurer que le droit d’Israël à exister sera respecté par tout gouvernement palestinien. 

En réponse au sommet, Shimon Peres exige une normalisation sans contrepartie : « Nous proposons de nous réunir pour négocier, sans poser de conditions préalables. »

Israël et ses amis américains exigent des Saoudiens qu’ils suppriment de leur plan de paix toute référence au problème des réfugiés, une question majeure dans le conflit qui a une signification morale et émotionnelle et qui touche tous les Palestiniens, dans la Diaspora comme dans la terre occupée : ils veulent également que les Palestiniens acceptent les exigences du Quartet et, en tête de liste, « la reconnaissance d’Israël ».

Le plan de paix arabe, tel qu’il est, est déjà problématique aux yeux des Palestiniens ; il prévoit « de se mettre d’accord » sur une solution pour les réfugiés. Se mettre d’accord avec qui ? Pourquoi ne pas plutôt imposer la résolution 194 des Nations unies sur laquelle il y a déjà accord, et qui stipule que « les réfugiés qui désirent rentrer dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins seront autorisés à le faire à la date possible la plus proche, des indemnités devront être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables. » ?

Le sens donné au texte de ce plan laisse penser que la situation des réfugiés palestiniens ne serait qu’un simple problème humanitaire et non une question politique majeure.

Nous devrions ne plus avoir d’illusion sur une paix à partir de seules négociations. Israël et les Etats-Unis, l’un et l’autre, ne sont pas intéressés par la paix ; le plan de paix c’est du marchandage pour eux ; ils ne cherchent qu’à mettre les Palestiniens en pièces pour avoir les deux, la terre et la paix, et seulement pour eux.

A la proposition d’un seul Etat, Israël répond en soupirant, horrifié : « Ce serait l’extermination des Juifs ». A la solution pour deux Etats, il anticipe en répondant par la construction d’un mur à l’intérieur des territoires palestiniens qui découpe la Cisjordanie et Gaza en cantons, tout en laissant la maîtrise sur Jérusalem à Israël. Ces faits établis sur le terrain ôtent toute possibilité à un Etat palestinien viable de voir le jour.

Ce que propose le plan de paix arabe ne rétablit aucune justice ni équité pour les Palestiniens aux yeux de la majorité du peuple ; et s’il était un jour appliqué, il ne s’agirait alors que d’une paix froide, contrairement à ce que les politiciens et les dirigeants en place préconisent. A ce point de la réflexion, les organisations, les milieux intellectuels et cultuels de la société civile, avec toutes leurs capacités disponibles, devraient décider de lancer une campagne contre une normalisation avec Israël, prise dans toute sa dimension politique, sociale et économique, et faire prendre conscience à l’opinion publique des effets négatifs qu’elle aurait sur les intérêts nationaux et culturels palestiniens.

Mais il semble que les dirigeants arabes soient prêts à accepter moins que ce plan de paix minable du sommet arabe. En avril, le roi Abdullah II, alors qu’il rencontrait les membres du Parlement israélien, parlait de droit à indemnités à la place du droit au retour. Il disait que le plan avançait des éléments qui se négociaient et qu’Israël avait le droit d’opposer son veto sur chacun (ce qui signifie qu’Israël peut être d’accord sur la normalisation avec les pays arabes et en même temps, s’opposer par son veto à son retrait des territoires de 1967 par exemple). Suite aux propos de Mr Amr Mousa disant que le plan était un tout et qu’Israël devait ou tout prendre ou tout laisser, le roi Abadallah a dit aux députés israéliens, « Laissez-moi m’occuper d’Amr Mousa ». Nous verrons bien ce que le roi rapportera en Israël quand il interviendra fin avril à la Knesset ; lui aussi pense que les Palestiniens devraient reconnaître Israël.

Dans un récent sondage réalisé par le PSR (centre palestinien pour la recherche politique et les sondages), quelque 66% des Palestiniens pensent que le gouvernement ne doit pas accepter la demande internationale de « reconnaître le droit d’Israël à exister. »

Cette concession, apparemment minime, que le monde demande aux Palestiniens exige que soient appliqués les droit nationaux palestiniens, dans leur totalité et pour toujours. Israël se définit lui-même comme un Etat juif et pourtant il ne se connaît aucune frontière. Vous rappelez-vous le mot bien connu : « Les frontières sont déterminées par là où vivent les juifs, pas là où il y a des traits sur une carte » ? De la sorte, la reconnaissance par les Palestiniens du droit d’un tel Etat signifierait qu’on est d’accord avec la nature expansionniste de cet Etat colonial, d’accord avec ses mesures racistes qui privilégient les juifs au détriment des natifs palestiniens (comme la loi de 2003 relative aux mariages et à la citoyenneté et plus récemment, les expulsions systématiques de leur terre des Palestiniens titulaires de passeports étrangers). Elle signifie également qu’une fois qu’on aura accepté les caractéristiques juives de l’Etat, on aura abandonné le droit au retour, abandonné le droit et le devoir de combattre pour la création d’un Etat palestinien. En bref, cette reconnaissance serait aussi stupide que de signer un chèque en blanc !

Non seulement, pour des raisons politiques et pragmatiques, les Palestiniens ne doivent jamais reconnaître « le droit d’Israël à exister » mais aussi pour des raisons morales et psychologiques. Reconnaître ce droit à Israël alors que tous nos droits nationaux et humains sont violés chaque jour serait, en deux mots, incompatibles avec le bien-être et l’équilibre mental des Palestiniens. Le monde nous demande de capituler sur les questions les plus profondes : le mental et le spirituel. Nous sommes priés d’accepter, de nous adapter et de bénir les violations israéliennes de notre vie. Le fait que notre patrie soit occupée ne signifie pas en soi que nous ne sommes pas un peuple libre, dans la mesure où nous refusons l’occupation dans notre pensée, dans la mesure où nous apprenons à vivre malgré l’occupation au lieu de l’accepter et de nous y ajuster. Mais, si nous reconnaissons Israël, nous serons occupés même mentalement. Or, la résistance à l’occupation est très importante pour notre état psychologique, tant au niveau individuel qu’au niveau de la communauté. Résister est un exercice qui nous protège de la dépression et du désespoir.

Avec les actes atroces commis par Israël sur le terrain, ce qui nous reste de la Palestine, c’est une pensée, une idée devenue une certitude de notre droit à vivre libre et à une patrie. Quand on prie les Palestiniens de « reconnaître » Israël, on les prie d’abandonner cette pensée et de renoncer à tout ce que nous avons et ce que nous sommes. Ceci ne ferait que nous entraîner dans les profondeurs d’une dépression collective éternelle.

Pour que cesse cette Nakba qui vient, les Palestiniens ne doivent jamais reconnaître Israël ; ceux qui se croient les avocats de la paix devraient soutenir le combat palestinien pour sa liberté et son autodétermination et agir avec force pour la levée immédiate de toutes les sanctions, des embargos et des restrictions financières contre la société palestinienne sous occupation. Et ceci inclut le retour des revenus fiscaux illégalement retenus par Israël, le soutien de l’appel de la société civile palestinienne au boycott, au désinvestissement et à des sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il se conforme aux droits de l’homme et au droit international. Pour ceux qui tiennent à poser des conditions aux Palestiniens sous occupation, les Palestiniens vous demandent au moins d’exiger les mêmes conditions de l’occupant : renoncer à la violence perpétrée par l’Etat contre les civils palestiniens, accepter les accords antérieurs qu’Israël a signés mais n’appliquent pas, et reconnaître la Palestine en tant que peuple et nation ; tant que cela ne sera pas réalisé, il n’y aura aucune paix, pour quiconque, sur cette terre.

Samah Jabr

(Palestine Times – mai 2007)

Samah Jabr est palestinienne et vit à Jérusalem. Elle travail sur Ramallah et Jéricho. Elle fut notre première invitée lors de la 1ère Journée Palestinienne. Elle a fait ses études en Psychiatrie à Paris. Elle écrit de nombreux articles notamment pour le Washington Post et d’autres journaux d’expression anglaise.

Elle rentre d’Oslo où  elle a participé à une conférence sur la santé mentale dans les situations humanitaires. Elle est en ce moment en Afrique du Sud où elle participe à une tournée pour parler de la situation actuelle de la Palestine.

Traduit par François Paumier pour le site du CCIPPP

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