FREE PALESTINE
29 mai 2023

Comment 'Israël' se sert de l’eau pour contrôler la Cisjordanie

Source: Externe

Dans les villages de Cisjordanie occupée, des fermes appartenant à des Israéliens sont florissantes alors que les Palestiniens n’ont souvent pas assez d’eau à boire


Mahmud Haj Mohammed est sur le toit de sa maison familiale dans le village de Jalud en Cisjordanie occupée et il montre du doigt un massif de cyprès de l’autre côté de la vallée. Il vient de rentrer de son travail dans une usine située dans la ville proche de Naplus; il a chaud et il est fatigué en cette dernière semaine de Ramadan, son jean est moucheté de traces de ciment.

L’homme de 32 ans a commencé à travailler là-bas il y a deux ans, après la prise d’une partie-clé de ses terres familiales par des colons israéliens, ce qui a rendu impossible la poursuite de l’exploitation agricole.

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"On voit facilement où se trouvent les colons. Regardez l’oliveraie sous les cyprès", dit Haj Mohammed, tandis que passe un troupeau de chèvres. "Ceci est notre terre mais nous ne la cultivons pas. Vous voyez comme les arbres sont rapprochés? C’est parce que les colons ont accès à l’eau et à leur propre irrigation. Comparez avec nos arbres, ceux qui sont plus espacés et non implantés en rangées parfaites".

L’eau est l’une des ressources les plus précieuses en 'Israël' et dans les territoires palestiniens. Ce magnifique paysage - le croissant fertile historique – peut être rude et hostile. Mais, avec assez d’eau, comme le dit le livre d’Isaïe, «le désert et la terre aride seront dans l’allégresse; la nature sauvage se réjouira et fleurira».

'Israël' est le leader mondial en gestion et technologie de l’eau; l’an dernier, un projet, le premier du genre, a commencé à pomper de l’eau de mer désalinisée du rivage nord de la Méditerranée, pour remplir le lac de Galilée en déclin.

Pourtant, des groupes de défense des droits affirment que ces succès sont obtenus au détriment des Palestiniens; 'Israël' contrôle environ 80% des réserves d’eau de Cisjordanie, mais tant la Cisjordanie que la bande de Gaza sont confrontées à un stress hydrique et à la sécheresse.

En théorie, personne vivant ou travaillant dans la zone C, soit 60% de la Cisjordanie totalement contrôlés par Israël, ne peut se connecter à des tuyaux appartenant à la compagnie nationale des eaux d’Israël sans apporter la preuve de sa propriété sur la terre ou bien en obtenant un permis de l’administration civile israélienne des territoires, connue sous le nom de COGAT.

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Mais, en pratique, l’accès aux ressources en eau est une arme puissante contrôlée par l’État au service du mouvement des colonies, apportant la prospérité aux vignes, oliveraies, élevages et plantations de dates israéliens. Les Israéliens, dont ceux qui vivent dans les colonies, ont une consommation quotidienne d’eau trois fois plus élevée que celle des Palestiniens de Cisjordanie, selon un nouveau rapport de l’ONG israélienne de défense des droits humains, B’Tselem.

Dans nombre d’endroits, il est difficile aux agriculteurs palestiniens de cultiver, même des cultures à faible rendement comme le blé, les lentilles et les pois chiches. La diminution de l’accès à la terre et à l’eau, à cause de l’expansion des colonies fait que l’agriculture contribue aujourd’hui à peine à 2,6% du PIB du territoire.

Depuis le début de l’occupation de 1967, environ 450.000 Israéliens se sont installés dans ce qui est maintenant la zone C, avec différentes motivations: certains voient la revendication de la terre biblique d’'Israël' comme une mission religieuse ou nationaliste, tandis que d’autres sont attirés par le faible coût de la vie ou par des opportunités économiques. Dans l’ensemble, leur présence est vue par la communauté internationale comme illégale et comme un obstacle majeur à la paix: le phénomène de violence des colons contre les Palestiniens va croissant.

Une poignée d’entre eux s’est enrichie par la culture de milliers d’hectares de terres 'disputées'; ils ont créé des petits domaines viticoles lucratifs, des plantations de dates medjoul de qualité supérieure et des marques d’huile d’olive destinées à l’exportation. Une des plus importantes agro-industries des colonies est Meshek Achiya, fondée en 2003 près de la colonie de Shilo, significative dans le contexte biblique, une zone particulièrement célèbre pour le vol de terres et la violence des colons.

Les familles qui sont là disent que Meshek Achiya s’est développée après avoir pris de vastes pans de leurs terres pendant la 2è Intifada (le soulèvement palestinien) des années 2000 lorsque l’accès des Palestiniens à cette zone, dont les Haj Mohammed, a été bloqué par des checkpoints de l’armée.

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Les sollicitations du Guardian auprès de propriétaires et de directeurs de cette société sont restées sans réponse. Meshek Achiya a prétendu lors de poursuites judiciaires, que la terre qu’elle cultive a été achetée à d’autres colons.

"Si nous avions plus d’eau, le village ferait pousser plus que des pois et du zaatar (thym). Mais parfois, l’été, nous n’avons même pas d’eau potable" dit Jamal Dib, un habitant de Qaryut, le village voisin de Jalud, où la terre dont la propriété est revendiquée par plusieurs familles a aussi été prise par Meshek Achiya.

"Ma famille est en bonne position parce que nous avons des actes et pouvons prouver que nous possédons la terre, mais cela fait des dizaines d’années que nous nous battons. Faire traîner les litiges dans les tribunaux fait partie de la stratégie", dit cet homme de 55 ans. "Je ne pense pas que nous reverrons jamais nos arbres de ce côté de la vallée".

Le succès de Meshek Achiya - et celui d’autres entreprises des colonies israéliennes - serait impossible sans un accès à une quantité d’eau considérable et en augmentation, dont les agriculteurs ont besoin dans cette zone exposée à la sécheresse. Pourtant, même avec cinq ordres d’expulsion en attente sur une partie de la terre contrôlée par cette entreprise, prononcés par la Cour Suprême d’Israël, l’ensemble de l’exploitation semble toujours branché à la fourniture d’eau par l’agence israélienne des eaux.

En 2017, l’année qui a précédé l’arrêt de la publication par l’autorité de l’eau, de données détaillées sur la distribution d’eau pour l’agriculture en Cisjordanie, Meshek Achiya a reçu à peu près 100.000 m³ d’eau, soit 274 m³/jour (1 m³=1000 litres). Les Palestiniens de la zone C utilisent environ 20 litres d’eau par jour, à peine un cinquième des 100 litres quotidiens qui sont le minimum déclaré par l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS).

L’histoire s’est répétée en Cisjordanie dit Dror Etkes, expert sur la construction et les infrastructures des colonies israéliennes et fondateur de l’ONG Kerem Navot. Ses recherches montrent que dans la même année, l’Autorité de l’eau a attribué 17.000m³ à la famille qui dirige le célèbre vignoble Psagot Winery, près de Ramallah, où un ordre de démolition a été prononcé contre la villa et la piscine du directeur exécutif. Psagot a nié avoir quelque activité illégale que ce soit dans une réponse par mail. 12.000m³ ont aussi été alloués à un employé de Meshek Achiya qui a démarré son propre vignoble.

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Un grand avant-poste d’élevage de moutons - tenu pour illégal dans le droit israélien et dans le Droit international - a reçu 9.000m³ d’eau. Le nom de l’épouse du propriétaire de la ferme d’oeufs bio de Giv’ot Olam, un autre avant-poste connu pour sa violence, a été enregistré pour 111.000m³.

De son côté, l’ONU dit que plus de 270 installations hydrauliques et d’évacuation des eaux usées utilisées par les Palestiniens de la zone C ont été démolies au cours des cinq dernières années au motif d’illégalité.

Cogat, l’organe de l’armée israélienne responsable des affaires civiles dans les territoires palestiniens, a dit dans des commentaires par mail que «la distribution d’eau à l’agriculture israélienne en (Cisjordanie) n’est effectuée qu’après un examen, approfondi des divers aspects concernant le droit des sols. Lorsque l’eau est illégalement détournée, les autorités agissent dans la zone, en vertu de la légitimité qu’ils ont pour le faire».

L’autorité israélienne de l’eau a adressé des demandes d’information au Cogat. Etkes a dit: "Il est facile de s’enrichir quand on n’a pas à payer la terre et qu’on est branché à un approvisionnement en eau que votre voisin n’a pas".

Au bout de 15 ans de contentieux, la famille Haj Mohammed a réussi à regagner 7 hectares - environ 1/5è de ce qu’elle réclame - par une décision de la Cour suprême de 2021. En février de cette année, des oliviers de Meshek Achiya ont été déracinés et déplacés et Mahmud et ses frères ont planté du blé pour la première fois depuis des années, en hommage à leur père. Celui-ci est mort en 2017; il n’a jamais eu à voir la moindre portion de la terre familiale rendue.

"Les colons descendent toujours de leurs maisons sur la colline. La semaine dernière ils ont menacé de me tuer", a dit Mahmud sur sa terre fraîchement labourée. Sur la hauteur qui domine le champ, trois colons assis regardent, un drapeau israélien blanc et bleu flottant au-dessus d’eux.

"Beaucoup de gens de notre village ont décidé de partir. Je fais ça pour mon père mais aussi pour mes enfants", a-t-il conclu.

Bethan McKernan -

22.05.23

Source: Aurdip

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