« JE NE VEUX PAS ME RETROUVER DEVANT LA COUR INTERNATIONALE
DE LA HAYE » (Colonel Dov Tzedaka)
[Haaretz du 09/02/2002 - Commentaires libres par Akiva Eldar Traduction "Mouvement Shalom Archav"]
Des propos semblable à ceux publiés ci-dessous ont ete tenus un
nombre incalculable de fois depuis le debut de l’occupation, et encore
davantage depuis que la presente intifada a eclate.
Ce qui rend ce qui suit unique – des passages extraits d’une interview du Colonel Dov Tzedaka,
chef de l’Administration Civile en Cisjordanie, tient a l’auteur des
propos, et au lieu dans lesquels il les tient. L’interview, realisee
par le journaliste Guy Zackheim, a ete publiee dans le magazine de l’armee, « Bamakhane » (« dans le camp », ndt).
Le journaliste accompagnait cet officier de haut rang, issu du « Sayeret hamatkal« ,
unite de commandos d’elite, dans une visite destinee a « corriger les
fausses impressions a propos de ce qui se passe dans les
territoires ». Et il est de fait que l’article decrit l’Administration
Civile comme un facteur de maintien d’une certaine harmonie dans
l’attitude d’Israel a l’egard de la population civile des territoires.
Selon les mots de Tsedaka, l’administration « contribue a de meilleurs processus que de tirer ici ou la« , ou « j’ai
maintenant envie d’eviter de me retrouver devant la Cour
Internationale de La Haye comme inculpe de crimes de guerre. Alors,
comment je m’y prends? Je maintiens, autant qu’il est possible, et
vous verrez que cela est bien triste, le mode de vie le meilleur
possible, et meme un peu moins que cela, pour la population
palestinenne« .
Voila le contexte dans lequel il
faut lire ce qui va suivre. On peut aussi se rappeler a cette occasion
la lecon du Chef d’Etat Major Shaul Mofaz a Yasser Arafat, selon
lequel la souffrance des Palestiniens ne le derangent pas le moins du
monde.
« Tzedaka regarde le long bouchon forme par les taxis
bloques au barrage que Tsahal a installe sur la route principale du
Bloc Etzion « , ecrit le journaliste. « ‘L’Etat d’Israel a decide que seuls les maitres de la terre pouvaient circuler sur cet axe, nos colons eclaires‘, dit Tzedaka. ‘Je vais prendre un risque et dire que parfois, ceux qui ne laissent pas ces gens circuler me degoutent‘ ».
« Et cela encore, ca n’est rien », continue Tzedaka. Il
y a 15 jours, j’ai vu un pere de famille marcher avec deux paniers et
un enfant de 5 ans sur ses epaules, et derriere lui une mere avancer
en trebuchant, avec un tout nouveau-ne, ils marchaient du carrefour
d’Ayosh jusqu’au village de Beitin. Franchement, quel bien en
retirons-nous? J’imagine ma femme marcher comme ca avec ma fille,
trebuchant dans la boue. Brrrr, j’en tremble… J’essaie d’aider, pour
rendre les choses agreables, mais qu’il y a-t-il d’agreable a tirer un
enfant sur un kilometre? Je pense que tout ca est nul … Dans ces
cas-la, je vais voir le general en chef et je lui dis que tout ca
n’est pas serieux, je previens le commandant de brigade. Mais que
puis-je faire? Est-ce que je peux changer le monde? Non« .
Le journaliste remarque : « on continuera a voir de telles scenes tant qu’Israel restera dans les territoires« . Tzedaka ne proteste pas : « tant qu’on ne parviendra pas a un accord global, ca ne finira pas« , dit-il.
Deux versions
Selon le Ministre de la Defense Ben-Eliezer, Israel a deracine
environ 5500 dounams (1 dounam = 10 ares, ndt) d’oliviers, et a
« expose » (un terme de Tsahal signifiant detruire) 4500 dounams de
champs cultives. « La decision de detruire des maisons ou de deraciner
des arbres, dans le contexte de la lutte qui s’est instituee dans les
territoires », explique Ben-Eliezer, nouveau leader du Parti
Travailliste a Ran Cohen, depute du Meretz, « est prise lorsqu’il existe
des imperatifs militaires exigeant l’installation d’infrastructures.
Quand il y a un lien entre ces besoins et un dommage eventuel a la
population civile, en l’absence d’alternative, la decision se prend en
essayant de causer le moins de dommages possible ».
La version du chef de l’Administration Civile en Cisjordanie montre que
le Ministre de la Defense a tout simplement pris le depute pour un
imbecile.
Le journaliste demande si Israel ne s’est pas
montre ecxessif quant aux destructions de maisons et aux
deracinemments d’arbres. Tzedaka : « a Gaza… absolument. A mon
avis, ils ont fait certaines choses qui depassaient les bornes. Apres
les evenements a Alei Sinai et Dugit (attentats terroristes contre des
colonies juives au Nord de la Bande de Gaza), ils ont effectue des
« expositions » massives. Des centaines de dounams de fraises,
d’oliviers et de serres ont ete detruits. A mon avis, ce n’est pas
convenable… Cela attirera encore la haine et les critiques. C’est tout
bonnement idiot. Meme en Judee et en Samarie, il y a eu des endroits
ou nous nous sommes rendus coupables de cela. Dans certains cas, je
donne mon accord pour un certain nombre d’ »expositions », mais quand
j’arrive sur place, je decouvre que nos troupes en ont trop fait« .
Tzedaka dit qu’il y a des cas ou il n’y a pas d’autre choix que
d’arracher des oliviers et d’exposer des champs, mais se depeche
d’ajouter : « avons-nous ete excessifs dans certains endroits? Pour
etre honnete … oui. Bien sur. Bien sur. On donne son accord pour
deraciner 30 arbres, et le lendemain, on arrive et on constate que 60
arbres ont ete deracines. Le soldat, ou l’officier du regiment se fait
deplacer. Il y a eu des cas comme ca, il ne faut pas les ignorer. Nous
sommes responsables de ce qui se passe. Des enquetes sont effectuees.
Des gens passent en jugement. »
Le journaliste demande : « Jusqu’a present, quelqu’un a t-il ete condamne? »
Tsedaka (en riant) : « Non. Mais ils se sont fait taper sur les doigts. De facon assez crue ».
Il serait interessant de connaitre l’avis du procureur militaire sur ce temoignage venant d’un officier de haut rang.
Les versions du ministre de la defense et de cet officier de terrain
ne different pas seulement sur la situation effective sur le terrain.
Elles different aussi en regard de la procedure employee pour les
destructions et les deracinements. Ben-Eliezer : « la personne en
charge de la decision concernant un deracinement ou une destruction est
le commandant de brigade, ou le commandant de division« . Tzedaka : « La
demande parvient jusqu’a moi. Je verifie si elle est justifiee, je la
transmets au conseiller juridique, et seulement apres, nous
recommandons au general d’approuver la decision. Au credit du
Commandement Central, je peux dire qu’il se montre tres pointilleux,
et qu’il verifie que chaque branche n’est detruite qu’avec son
approbation« .
Jeudi 12 Août 2010