FREE PALESTINE
21 avril 2008

Pas de paix sans le Hamas

Pas de paix sans le Hamas

samedi 19 avril 2008 - Mahmoud al-Zahar - The Electronic Intifada

Le projet plein de bon sens du président US Jimmy Carter pour une rencontre avec la direction du Hamas, cette semaine, apporte honnêteté et pragmatisme au Moyen-Orient, tout en faisant ressortir l’impasse où a conduit la politique américaine. La secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, agit comme si quelques petites touches ici ou là pourraient rendre plus convenable le carcan hideux de l’apartheid. Bien que Rice ait convaincu les forces d’occupation israéliennes de démolir quelques petites dizaines de barrages routiers sans grande importance, parmi les 500 points de contrôle et plus qui existent en Cisjordanie, ces mêmes forces, dans le même temps, coupent les ravitaillements en carburant pour Gaza, imposent un blocus à un million et demi de personnes, approuvent des projets pour de nouvelles constructions illégales sur le territoire de Cisjordanie, agressent la ville de Gaza avec des F-16, tuent des hommes, des femmes et des enfants. Malheureusement, c’est « comme à l’habitude » pour les Palestiniens.

Le coup de la semaine dernière contre le dépôt de carburant de Nahal Oz [par les résistants palestiniens - ndt] n’aurait pas dû surprendre les critiques en Occident. Les Palestiniens se battent actuellement dans une guerre totale qui nous a été déclarée par une nation qui mobilise contre notre peuple tous les moyens dont elle dispose - de la haute technologie militaire à l’étranglement économique, de la falsification de l’histoire à un système judiciaire qui « légalise » l’infrastructure de l’apartheid. La résistance reste notre seule option. Il y a 60 ans, des Juifs courageux au Ghetto de Varsovie se sont levés pour défendre leur peuple. Nous, Palestiniens de Gaza, vivant dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde, ne pouvons faire moins.

La collaboration américano-israélienne a tenté de faire invalider les résultats des élections de janvier 2006 par lesquels notre parti a reçu mandat du peuple palestinien pour diriger. Des centaines d’observateurs indépendants, et parmi eux Carter, ont affirmé que ces élections avaient été les plus régulières jamais organisées dans le Moyen-Orient arabe. Pourtant, bien des efforts ont été entrepris pour faire échouer notre expérience démocratique, notamment le coup d’Etat* américain qui a généré, avec le Fatah, un nouveau paradigme sectaire, une guerre continue contre les Gazaouis et leur isolement forcé.

Maintenant, enfin, nous avons le dynamisme bienvenu de Carter qui déclare que tout penseur indépendant, intègre, ne peut arriver qu’à cette conclusion que nul « plan de paix », nulle « feuille de route » ou nulle « contribution » ne peuvent réussir si nous ne sommes pas, sans conditions préalables, assis à la table de négociations.

L’escalade de la violence par Israël depuis la « conférence pour la paix » d’Annapolis, organisée en novembre, est cohérente avec sa politique de punition collective illégale, souvent meurtrière, en violation des conventions internationales. Les frappes militaires israéliennes sur Gaza ont assassiné des centaines de Palestiniens depuis lors, avec l’approbation imperturbable de la Maison-Blanche ; en 2007, le ratio de Palestiniens et d’Israéliens tués a été de 40 pour 1, alors qu’il était de 4 pour 1 pour la période de 2000 à 2005.

Il y a seulement trois mois, j’enterrais mon fils Hussam, il étudiait les finances à l’université et voulait devenir comptable ; il a été tué par une frappe aérienne israélienne. En 2003, j’enterrais Khaled, mon fils aîné, tué par un F-16 israélien qui m’avait pris pour cible et qui blessait en même temps ma fille et mon épouse, rasait l’immeuble où nous habitions, blessant et tuant beaucoup de nos voisins. L’an dernier, c’est mon gendre qui a été tué.

Hussan n’avait que 21 ans, mais comme beaucoup de jeunes hommes de Gaza, il avait grandi très vite par nécessité. Quand j’avais son âge, je voulais être chirurgien ; dans les années 60, nous étions encore des réfugiés mais il n’y avait alors aucun blocus humiliant. Mais aujourd’hui, après des décennies d’emprisonnements, de meurtres, de conditions d’apatride et d’appauvrissement, nous demandons : quelle paix peut-il y avoir s’il n’y a pas, d’abord, la dignité ? Et d’où vient la dignité si ce n’est de la justice ?

Notre mouvement se bat parce que nous ne pouvons laisser le crime - l’expulsion violente de nos terres et de nos villages qui a fait de nous des réfugiés - sur lequel s’est construit l’Etat juif et qui est en son coeur sortir de la conscience mondiale, oublié ou traité loin d’ici. Le judaïsme - qui a tant donné à la culture humaine par les contributions de ses législateurs antiques et de ses partisans modernes du tikkun olam [pour l’amélioration du monde - ndt] - s’est corrompu lui-même en dérivant dans le sionisme, le nationalisme et l’apartheid.

Un « processus de paix » avec les Palestiniens ne peut faire aucun premier pas, même le plus infime, tant qu’Israël, définitivement, ne se sera pas retiré au-delà des frontières de 1967, n’aura pas démantelé toutes ses colonies, enlevé tous ses soldats de Gaza et de Cisjordanie, renoncé à son annexion illégale de Jérusalem, libéré tous les prisonniers et cessé son blocus sur nos frontières internationales, nos côtes et notre espace aérien. Cela fournirait le point de départ pour de réelles négociations et préparerait le terrain pour le retour des millions de réfugiés. Etant donné ce que nous avons perdu, c’est à partir de cette seule base que nous pourrons commencer à être, à nouveau, ensemble.

Je serai éternellement fier de mes fils et ils me manquent, chaque jour. Je pense à eux comme peuvent penser tous les pères, partout, même en Israël, à leurs fils - comme à des garçons innocents, des étudiants curieux, des jeunes hommes avec un potentiel illimité - pas comme à des « tueurs » ou à des « militants ». Mais ils défendaient mieux leur peuple que les complices de leur ultime expropriation, ils étaient plus actifs dans le combat palestinien pour notre survie que ceux qui assistent, passifs, à notre assujettissement.

L’histoire nous enseigne que tout est en perpétuelle évolution. Notre combat pour la réparation matérielle des crimes de 1948 commence à peine, et l’adversité nous a appris la patience. Quant à l’Etat israélien et à sa culture spartiate de guerre sans fin, ils sont tout aussi vulnérables au temps, à l’épuisement et à la démographie : en fin de compte, il s’agit toujours de nos enfants et de ceux qui viendront après nous.

* en français dans le texte et voir l’article « Washington cherche à approfondir les divisions palestiniennes » de K. Al-Batch - Jihad Islamique.

Mahmoud al-Zahar, chirurgien, est fondateur du Hamas. Il fut ministre dans le gouvernement du Premier ministre Ismail Haniyeh, élu en janvier 2006.

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Dans le camp de réfugiés de Nuseirat, bande de Gaza, un enfant est adossé à un mur décoré par des graffs du Hamas pour les funérailles de Munzir Abu Howeshl, tué la veille dans une frappe aérienne israélienne, le 12 avril (W. Nassar/MaanImages)

17 avril 2008 - The Electronic Intifada - traduction : JPP - article paru dans The Washington Post.

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