Montée de l'Extrème-Droite en Israel
Montée de l'Extrème-Droite en Israel
L'un des nominés de cette année pour le prix de "l'homme politique de l'année" des télévisions israéliennes ne parle pas hébreu.
Il est extrèmement riche et a un passé douteux. Il a par le passé, travaillé dans l'industrie du cirque. Ce n'est même pas un politicien, au moins pour l'instant.
Mais depuis plusieurs années, Arcadi Gaydamak, un énigmatique milliardaire russe-israélien, est parvenu à devenir une personnalité largement influente en Israel.
Photo Reuters/Jerry Lampen/File : Benjamin Netanyahu (à gauche) après son discours à Tel-Aviv, le 28 mars 2006; Arcadi Gaydamak lors d'une session d'entrainement au Beitar de Jérusalem en août 2005.
Et il est maintenant au centre d'une alliance politique de Droite -- comprenant le super-faucon israélien Benjamin "Bibi" Netanyahu – ce qui pourrait nettement influencer la direction du pays.
Si
cette nouvelle alliance prend le pouvoir lors des prochaines élections,
elle pourrait pousser Israel vers des confrontations armées avec
l'Iran, la Syrie ou le Hezbollah, et anéantir les restes d'espoir du
camp de la Paix israélien concernant les Palestiniens.
Gaydamak
a récemment renforcé son influence en tant que décideur dans la
politique israélienne. Il a utilisé sa richesse pour gagner de la
popularité par des initiatives sociales et commerciales, tout en
exploitant habilement la perception de corruption et d'incompétence du
gouvernement du Premier Ministre Ehud Olmert, en particulier pendant la
guerre désastreuse de l'année dernière au Liban.
Avec sa
fortune et sa stratégie politique adroite, Gaydamak est un croisement
entre George Soros et Karl Rove, avec en son cœur une propension
d'oligarchie russe.
Dans un pays rempli de personnages politiques colorés, il pourrait être le plus coloré. Gaydamak est recherché en France pour trafic d'armes illégal. Lire le jugement
On
lui prête des relations, via son ancien partenaire dans le trafic
d'armes, avec Halliburton et les sociétés qui ont financé la campagne
du Président George W. Bush en 2000.
Il possède les
citoyennetés russe, israélienne, française et canadienne, ainsi qu'un
passeport diplomatique angolais avec lequel il voyagerait pour éviter
toute arrestation.
Il possède une équipe de football à
Jérusalem avec une base de supporters notoirement racistes et
anti-arabes. Et il aurait l'intention de briguer le poste de maire de
Jérusalem.
Mais c'est dans la politique nationale israélienne
que Gaydamak pourrait devenir maintenant une force puissante -- et,
selon certains, dangereuse.
Avec son nouveau parti politique, Justice Sociale, formé en juillet, Gaydamak s'est allié à Benjamin Netanyahu, le chef du Likud et ancien premier ministre.
À
cette alliance, Gaydamak apporte sa popularité rapidement croissante,
en particulier parmi la population russe influente d'Israel, une base
politique grandissante et des milliards de dollars.
Netanyahu
apporte sa crédibilité en tant qu'ancien premier ministre, sa bonne foi
belliciste, et une popularité renaissante aussi bien en Israel que de
l'autre côté de l'Atlantique, où il bénéficie d'un fort soutien parmi
les faucons de guerre de Washington et chez de nombreux membres de
l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le puissant groupe
de Lobby pro-israélien.
L'objectif de cette nouvelle alliance
est de faire élire une nouvelle fois Netanyahu comme Premier Ministre,
ce qui donnerait à Gaydamak un accès direct aux niveaux les plus élevés
du pouvoir en Israel.
Non seulement, la coalition a le
potentiel pour faire tomber la direction du gouvernement centriste
d'Israel et de la remplacer par un gouvernement beaucoup plus à droite
– précisément au moment où Israel pourrait se retrouver au bord de la
guerre avec l'Iran -- mais certains observateurs pensent qu'il
constitue une menace pour la "démocratie" israélienne.
En
février dernier, Gaydamak s'est ouvertement présenté comme faiseur de
rois israéliens. Il a annoncé qu'il soutiendrait la candidature de
Netanyahu au poste de Premier Ministre, en déclarant, "Le politicien que je soutiendrai deviendra le premier ministre."
Et il pourrait avoir raison, en surfant sur une popularité grandissante qu'il a, par certains côtés, littéralement achetée.
Par
exemple, en 2005, Gaydamak a acheté le Beitar de Jérusalem, une équipe
de football extrèmement populaire, qui s'avère justement avoir
également une base de supporters nationalistes juifs qui chantent
régulièrement "Mort aux Arabes !" lors des rencontres de l'équipe.
Pendant
la guerre d'Israel contre le Hezbollah l'année dernière, quand c'était
la confusion à la tête du pays et que les citoyens se sentaient
abandonnés et vulnérables, Gaydamak est intervenu et s'est positionné
comme sauveur. Il a ouvert ses coffres et a établi une ville de tentes
sur une plage de la Méditerranée pour les Israéliens qui fuyaient les
villes ravagées par les combats du nord du pays.
Dans le sud,
les habitants de la ville israélienne de Sderot, près de la bande de
Gaza, se sont retrouvés sous le bombardement constant des roquettes
palestiniennes, et le gouvernement israélien ne les a pas aidés de
façon substantive.
Gaydamak a emmené des centaines d'habitants
de Sderot dans une autre ville de tentes qu'il a construite dans un
parc de Tel Aviv, dotée d'une scène de spectacle et d'un mini parc
d'attractions pour les enfants.
Si le gouvernement ne protège et n'aide pas ses citoyens, Gaydamak semble dire que lui, il le fera.
De
cette manière, il a aidé à faire passer pour faible le gouvernement
d'Olmert aux yeux de nombreux Israéliens, ce qui lui a valu la colère
du premier ministre en poste, et à se présenter comme une force
politique sur laquelle il fallait compter.
En août, Gaydamak
s'est opposé ouvertement à une commission parlementaire qui contestait
ses actions pendant la guerre, en l'accusant d'avoir agi totalement
pour des raisons politiques.
Cette année, alors que sa propre
popularité continuait à monter, Gaydamak a modéré son soutien explicite
à Netanyahu, mais on croit encore largement qu'il apportera son soutien
à une candidature de Netanyahu au poste de Premier Ministre en échange
d'un plus grand pouvoir.
Pour ses partisans, Gaydamak
est simplement le résultat normal d'un establishment israélien qui est
tellement impliqué dans la corruption et le copinage qu'il ne
peut pas s'occuper de ses citoyens, et encore moins de faire progresser
un processus de paix avec ses voisins ou de se concentrer sur des
problèmes cruciaux de politique étrangère.
Gaydamak est, dans
cette ligne de pensée, un phénomène positif, une personne pratique dans
un endroit nécessitant désespérément des solutions pratiques.
Mais
certains analystes et responsables du gouvernement israélien ont une
opinion plus sombre. Un haut responsable israélien, qui a servi aux
niveaux les plus élevés de l'appareil politique, m'a dit qu'il voyait
la montée de Gaydamak comme un sous-produit terrible d'une situation
déjà mauvaise.
"Certains pensent", dit-il, "que
la démocratie ne fonctionne pas pour nous, et que nous devrions être
comme le reste du Moyen-Orient -- que nous avons essayé la démocratie
et nous avons échoué. Mais Gaydamak est autre chose. C'est un
oligarque. N'oublions pas que beaucoup de ses partisans sont Russes.
Ils ne sont pas vraiment au courant de la démocratie."
Gaydamak
a tranquillement construit un réseau d'activistes en Israel et il a
choisi des candidats pour représenter son parti aux prochaines
élections à tous les niveaux. Il déterminera personnellement la
plateforme de son parti, et chaque candidat aura l'approbation de ses
collaborateurs les plus proches.
Bien qu'il ait fait allusion
à sa candidature pour le poste de maire de Jérusalem, Gaydamak cherche
à tirer les ficelles dans la politique nationale, sans se mettre dans
une position vulnérable sur la liste de son parti.
Pour cette raison et aussi pour ses actions à l'étranger, certains observateurs ont qualifié Gaydamak d'antidémocratique.
Par
exemple, en 2005, pour des raisons qui restent troubles, Gaydamak a
acheté les Nouvelles de Moscou en Russie, a viré certains journalistes,
et a changé la position du journal en une position fermement
pro-gouvernmentale, en nommant un journaliste pro-Putin comme rédacteur
en chef.
Cela a été largement considéré comme un acte hostile
à la liberté de parole et a soulevé des questions au sujet des liens
possibles entre Gaydamak et le Kremlin.
En Israel, selon un haut
responsable israélien, Gaydamak exploite un sentiment répandu dans la
population israélienne que la façon dont la démocratie israélienne
fonctionne a privé de droits civiques des groupes importants de la
population et a laissé le pays vulnérable à des attaques extérieures.
Et
Netanyahu, en tant que responsable politique qui a longtemps exploité
la vulnérabilité et la peur pour obtenir et utiliser le pouvoir,
pourrait être le parfait complément de Gaydamak.
Il y a juste deux ans, quand l'ancien premier ministre Ariel Sharon a
quitté le Likud pour fonder le parti Kadima, il a emmené avec lui
beaucoup de parlementaires du Likud et une grande partie du cachet du
parti.
Netanyahu a dû se contenter des restes, et a affronté une traversée du désert sur le plan politique.
Mais
maintenant sa chance revient, avec le soutien de Gaydamak et dans son
dos, les vents de l'insécurité politique israélienne. À la suite de
l'échec de l'armée israélienne contre le Hezbollah l'été dernier, et de
la prise de pouvoir à Gaza par le Hamas, l'espoir du gouvernement de
Sharon a disparu.
Et beaucoup de personnes en Israel regardent maintenant avec anxiété à Droite, vers le Likud, et vers Netanyahu lui-même.
Il y a même des rapports récents disant que plusieurs membres du propre
parti d'Olmert auraient été réceptifs aux sirènes de Netanyahu qui
pourrait essayer d'inciter les partisans d'Olmert à revenir au Likud.
Parmi le public israélien, Netanyahu jouit de la plus forte cote de
popularité, et beaucoup l'annoncent comme prochain premier ministre
Ce serait un développement bienvenu pour les partisans les plus bellicistes d'Israel aux Etats-Unis.
Netanyahu
est un favori pour ceux à Washington qui favorisent une ligne dure de
la politique israélienne, y compris une politique belliqueuse envers
l'Iran.
En mars, alors qu'il se trouvait à Washington pour la
conférence annuelle de l'AIPAC, Netanyahu a rencontré en privé le
vice-président Dick Cheney à la Maison Blanche, où ils auraient discuté d'une intensification de la pression sur l'Iran, avec un oeil sur des options militaires.
Un
lobbyiste de l'industrie de la défense américaine ayant des liens
étroits avec Israel m'a dit qu'il pensait que Netanyahu était "absolument impressionnant", et que plusieurs de ses collègues étaient également des partisans dévoués.
Un
autre lobbyiste de Washington impliqué dans des affaires au
Moyen-Orient m'a dit récemment que bien que l'AIPAC refusait
officiellement d'approuver un politicien israélien plus qu'un autre,
certains de ses activistes "le feraient certainement".
En effet, quand j'ai couvert la conférence d'AIPAC pour Salon, beaucoup de délégués de l'AIPAC soutenaient ouvertement Netanyahu.
Des dizaines d'entre eux m'ont dit qu'il était leur dirigeant israélien
préféré, et bien que Netanyahu ne fasse pas officiellement partie du
programme de la Conférence, quand on a appris qu'il ferait un briefing
à huis clos devant des délégués choisis, une grosse bousculade s'est
déclenchée pour y avoir accès.
L'AIPAC prend soin de ne pas
interférer ouvertement dans la politique israélienne, mais il est très
clair, même pour un observateur occasionnel, que les sensibilités de
Netanyahu sont étroitement alignées sur celles de nombreuses personnes
dans l'organisation, et que beaucoup de ses membres voudraient voir
Netanyahu diriger Israel.
Mais tout le monde ne pense pas de
cette façon en Israel, où Netanyahu est connu non seulement comme un
faucon féroce mais également comme un opportuniste qui n'a pas honte.
Bien
que la politique israélienne puisse être un sport sanguinaire,
Netanyahu s'est attiré les critiques, tout comme Gaydamak, pour des
manoeuvres considérées par certains comme antidémocratiques.
En
2005, Netanyahu a utilisé le retrait prévu de la Bande de Gaza comme
prétexte pour tenter un putsch contre le Premier Ministre de l'époque,
Sharon, et s'installer en tant que Premier Ministre.
A
l'époque, un membre du bureau du Premier Ministre m'avait dit que si
Netanyahu réussissait, il envisageait de démissionner du bureau, ainsi
que certains de ses collègues. "Le problème", a déclaré le fonctionnaire, "c'est que non seulement Netanyahu est de Droite mais qu'il est également irréfléchi."
En
effet, certaines des déclarations et des actions de Netanyahu ont été
explosives, même selon les normes de la politique israélienne.
En 2003, il s'est attiré de vives critiques -- et, beaucoup d'éloges d'une partie de l'électorat israélien, -- quand il a déclaré que les citoyens Arabes d'Israel représentaient "une menace démographique".
Plus récemment, en faisant référence au débat sur le nucléaire iranien, il a déclaré, à plusieurs reprises : "Nous sommes en 1939",
en se référant à l'agression imminente de l'Allemagne d'Hitler, et il a
pratiquement dit qu'une attaque américaine ou israélienne contre l'Iran
sera bientôt justifiée.
Quand Netanyahu était Premier Ministre
de 1996 à 1999, sa coalition partageait le pouvoir avec des factions
israéliennes plus modérées, ce qui l'a forcé à abandonner les éléments
les plus extrêmes de son agenda. Cependant, son alliance avec Gaydamak
pourrait rendre inutile cette sorte de compromis, en raison de l'argent
de Gaydamak et d'un soutien politique croissant.
La date des
prochaines élections israéliennes est incertaine, mais avec un
gouvernement d'Olmert faible et un paysage politique volatil, elles pourraient avoir lieu dès l'année prochaine.
Une
nouvelle coalition au pouvoir est formée quand le chef du parti qui a
le plus de sièges à la Knesset est capable de rassembler un groupe de
partis totalisant plus de 60 sièges.
Un récent sondage a montré
que le parti Justice Sociale de Gaydamak gagnerait huit sièges aux
élections, soit seulement deux de moins que gagnerait maintenant le
parti au pouvoir, Kadima.
Le Likud de Netanyahu est
constamment à 20 sièges ou plus. Ensemble, les partis de Gaydamak et de
Netanyahu, avec 28 sièges ou plus, représenteraient un bloc presque
imbattable. (Quand Kadima est arrivé au pouvoir en 2006, il avait 29
sièges.)
Quelques autres partis seraient alors nécessaires pour
former une coalition au pouvoir, qui seraient probablement incorporés
dans l'alliance Gaydamak-Netanyahu : Beaucoup de gens des partis
religieux israéliens sont des partisans de Netanyahu, et ils lui
apporteraient leurs sièges.
Il obtiendrait également le soutien des dirigeants laïcs de Droite tels que l'ultra-belliciste Avigdor Lieberman, un ancien chef d'Etat-Major de Netanyahu, qui dirige le parti ouvertement raciste, Yisrael Beiteinu.
Lieberman a réclamé le "transfert" de certains des citoyens arabes d'Israel à l'extérieur du pays,
il a suggéré le bombardement des infrastructures civiles des
Palestiniens dans les territoires occupés, et il a même plaidé
ouvertement le bombardement de Téhéran.
Si de tels éléments
rejoignaient les forces de Gaydamak et de Netanyahu, cela pourrait
créer le gouvernement israélien le plus d'Extrème-Droite de ces
dernières décennies.
La volonté apparente de Netanyahu de
s'allier avec des personnalités marginales puissantes comme Gaydamak
était peut-être prévisible.
Un ancien haut responsable
israélien, qui a occupé divers postes dans le gouvernement pendant plus
de 20 ans et qui a eu des relations avec Netanyahu à de nombreuses
occasions, m'a dit, il y a un certain temps, qu'elle n'avait aucun
doute sur le fait que Netanyahu travaillerait volontiers avec celui qui
pourrait l'aider à gagner et à conserver le pouvoir.
"Il n'a pas de véritables principes", dit-elle. Un ancien collaborateur de Netanyahu évoque aussi ce sentiment : "La seule chose qui soit importante pour lui, c'est de devenir Premier Ministre, quels que soient les sacrifices."
Si Netanyahu réussit avec Gaydamak à ses côtés, ces sacrifices pourraient inclure une guerre régionale plus large et peut-être même l'érosion de la démocratie en Israel.
Source : http://www.salon.com/news/
Traduction : MG pour ISM