Pour ou Contre la collaboration ?
La Diaspora Palestinienne :
Pour ou Contre la collaboration ?
Ces derniers mois, les Palestiniens de la Diaspora ont observé avec
horreur les derniers développements qui se sont déroulés dans leur
patrie. Il y a eu une avalanche d'articles sur ce qu'il fallait faire,
mais globalement, il y a un sentiment qu'ils ne pouvaient rien faire
qui puisse avoir une incidence sur la situation sur le terrain.
Mais les Palestiniens dans la Diaspora n'ont pas compris
qu'ils devaient entreprendre une claire évaluation de leur propre
situation s'ils voulaient avoir le moindre impact.
Par Laith Marouf
Laith Marouf est le coordinateur d'une branche du SPHR, le plus grand réseau d'étudiants travaillant sur les droits de l'homme des Palestiniens en Amérique du Nord. Il peut être joint à l'adresse suivante laith@sphr.org ou visitez le site www.sphr.org pour plus d'informations
Photo Luay Sababa/MaanImages : Un jeune Palestinien participe aux
prières de midi organisées par le parti d'Abbas, le Fatah dans la ville
de Bethléem, en Cisjordanie. Le Fatah a organisé dans l'ensemble de la
Cisjordanie des prières pour montrer son soutien
Les récent événements ont permis d'en savoir plus sur des faits obscurs : la collaboration entre Mahmoud Abbas et ses complices comme Mohamed Dahlan d'une part, et Israel de l'autre ; le transfert d'armes et l'entrainement par les Etats-Unis et d'autres pays de certaines milices palestiniennes dont la mission était de renverser le résultat de l'élection de janvier 2006.
Les Palestiniens reconnaissent clairement qu'Abbas -- qui embrasse les
responsables israéliens tout en refusant de parler aux autres factions
palestiniennes -- était l'auteur des Accords d'Oslo qui n'ont même
jamais mentionné le mot "occupation" et parle maintenant d'un nouvel "Accord de principes" qui annulera le droit au retour, légitimera les colonies israéliennes et menacera d'autres droits fondamentaux.
En bref, ce que nous avons maintenant est une clique des collaborateurs
qui contrôle le Fatah et la "présidence" de l'Autorité Palestinienne et
une grande partie de ce qui reste de l'OLP.
En revanche, ces dix dernières années, dans la Diaspora occidentale --
au Canada, aux Etats-Unis et en Europe -- les Palestiniens ont subi une
certaine forme de renaissance. Ils ont développé leur nombre, leurs
institutions et leurs activités. Pour la plupart, cela a été grâce
jeunes.
Par exemple, les réseaux d'étudiants comme Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR) au Canada et Palestinian Solidarity Committee (PSC) aux Etats-Unis avec Al-Awda sont tous principalement composés de personnes de moins de 35 ans.
Ces réseaux sont nés après l'effondrement des institutions
palestiniennes dans la Diaspora suite à la signature des Accords d'Oslo
en 1993.
À cette époque-là, les institutions de l'OLP ont été mises de côté par
la direction d'Oslo en échange de la création de l'Autorité
Palestinienne (ressuscitée seulement récemment pour entériner la
collaboration d'Abbas avec Israel le mois dernier), privant en fait la
Diaspora du droit de vote.
De nombreux groupes palestiniens locaux établis depuis longtemps, en
particulier ceux qui se sont associés aux factions dominantes, n'ont
pas pu s'adapter aux nouvelles réalités. Ils n'ont pas fourni les
services de base, l'aide et la représentation que tout centre
communautaire d'immigrés doit fournir à son collège électoral.
Mais ils ont également laissé tomber la communauté au niveau politique,
en ne prenant pas des positions publiques fortes remettant en cause les
défauts d'Oslo, ou en mettant en place une organisation qui fonctionne
bien.
Cela a mené à une baisse du nombre de ses adhérents dans de nombreux
centres de communautés, faisant chuter le nombre de milliers à quelques
dizaines.
En l'absence des structures alternatives pour une représentation, et
avec l'apparition d'internet, des groupes comme SPHR et Al-Awda entre
autres, et des médias indépendants comme Electronic Intifada ont
commencé à apparaître en Amérique du Nord au milieu des années 90 et
début 2000.
Quand le deuxième Intifada a éclaté, ils sont devenus les forces les
qui ont été les plus visibles et qui se sont fait le plus entendre face
à la propagande israélienne et sioniste, en fournissant un outil pour
de jeunes Palestiniens de la Diaspora leur permettant de parler entre
eux et de s'organiser.
Ainsi, ils ont également fourni un service d'une valeur inestimable à la communauté : une auto-éducation et une commémoration.
Les institutions sionistes ont accepté à contrecoeur ces projets qui
défiaient le monopole qu'elles avaient sur le récit des médias
occidentaux, rendant la propagande pro-israélienne plus difficile à
faire passer sans réponse auprès d'un nombre croissant d'individus
distincts.
Naturellement ces succès n'ont pas été sans difficultés. Il y a eu des
périodes noires après 2001 quand des groupes pro-israéliens se sont
attaqués aux partisans les plus manifestes des droits des Palestiniens.
Au Canada, des étudiants activistes ont fait l'objet d'expulsions et
d'accusations criminelles et aux Etats-Unis, des professeurs qui
étaient considérés comme trop critiques ont fait l'objet d'intenses
campagnes de dénigrement et d'intimidation.
En même temps, les autorités américaines ont tenté d'envoyer un message
par des poursuites motivées politiquement contre des individus comme le
professeur Sami Al-Arian. En dépit de tous ces efforts, la communauté dans son ensemble n'a pas été effrayée.
La bataille qui a attiré le moins d'attention a été celle au sein de la
communauté. Les responsables de la communauté et les associations
auto-proclamées de la vieille garde ont évité, en grande partie, de
soutenir publiquement beaucoup de ceux qui se trouvaient en première
ligne ou même ils ont travaillé secrètement pour les fragiliser.
Dans certains cas, c'était des avertissements innocents de parents effrayés à leurs enfants, "Ne va pas au SPHR !"
Dans d'autres, c'était des tentatives pour avoir des groupes de
"dialogue", présentant l'Arabe "civilisé" comme une alternative.
Par exemple, juste après la "révolte du Concordia" en 2002 quand Benjamin Netanyahu n'a
pas eu le droit de prêcher son discours haineux, l'administration du
Concordia a organisé une discussion avec certains individus sionistes
et arabes triés sur le volet.
L'un d'eux a déclaré : "Nous pouvons être civilisés ; Vous voyez, nous pouvons accepter d'être en désaccord !"
Pourtant ces obstacles n'ont jamais été plus que des distractions
mineures pour le mouvement palestinien en Occident, jusqu'à ce que le
mouvement commence vraiment à décoller. Les paratonnerres visés par les
organisations Sionistes ont survécu. Cela n'a fait qu'encourager
d'autres personnes à s'impliquer, et à leur donner du courage.
Toutes les remarquables réussites du mouvement des syndicats de
travailleurs et d'étudiants et du mouvement anti-guerre, ont créé une
quantité sans précédent de marge de manoeuvres pour les Palestiniens.
Et voilà quand les problèmes ont commencé. Soudain, tous ces individus
"libéraux" et "civilisés" ont compris que le train partait sans eux.
Ayant échoué à arrêter le mouvement, certains essayent désespérément de
regagner une légitimité afin de prendre le contrôle de ce nouvel espace.
Aux Etats-Unis et au Canada, des appels ont été lancés pour des
réunions nationales afin d'élaborer des organisations qui en
regrouperaient plusieurs et qui parleraient au nom de tous les
Palestiniens vivant dans ces pays.
Mais pourquoi maintenant, et qui est impliqué ?
Deux choses doivent être précisées avant que nous répondions à ces questions.
D'abord, la plupart des organisations en première ligne comme SPHR et
Al-Awda sont définis comme des "groupes de solidarité" bien qu'ils
soient financés et dirigés par des Palestiniens et même la majorité de
leurs adhérents sont des Palestiniens.
En second lieu, ces groupes ne sont pas affiliés à l'une des groupes ou
des factions de "la mère patrie" parce que leurs adhérents sont
majoritairement jeunes et n'ont jamais appartenu à ces factions
Cela est utile parce que certains acteurs ont insisté sur le fait que
ces organisations nationales naissantes soient centrées sur ces
vieilles identités factieuses et en grande partie non pertinentes.
D'autres insistent sur le fait que seuls des Palestiniens soient
autorisés à y participer, ce qui a ouvert la discussion sur qui est un
Palestinien.
Ces questions sont exagérées délibérémment afin d'exclure les groupes de solidarité et/ou donner plus de pouvoir de vote aux "groupes de la communauté à la traine".
Le débat constant sur le quantum du sang ("seule votre mère est
palestinienne !") est également conçu en tant que pression
psychologique à l'égard des jeunes étudiants pour qu'ils soient mal à
l'aise lors de ces réunions.
Pourquoi cela se produit-il maintenant ?
Alors que s'approche le jour où Abbas va s'engager -- à abandonner les
droits des Palestiniens -- il a besoin de dirigeants dans la Diaspora
qui soient alignés sur ses décisions.
Au Canada, presque tous les partisans des Palestiniens et les groupes
de la communauté ont été impliqués dans ces efforts, mais notre "élite"
éprouvée, testée et à la traine essayent très fortement de prendre à
nouveau la barre : s'ils n'y arrivent pas par la démocratie, alors ils
essayent par tous les autres moyens possibles.
Depuis que ces discussions ont commencé l'année dernière, certains des individus loyaux ont reçu des menaces physiques et même des menaces de mort. Et les choses ne sont pas encore devenues sérieuses.
Ces deux dernières années en Europe, les Palestiniens ont pu constituer
un groupe mère qui a réellement remis en cause la ligne d'Abbas, et a
tenté de contester l'interdiction faite au gouvernement élu du Hamas.
Ce ne peut être une coïncidence si maintenant la vieille "élite" au
Canada reçoit le soutien d'Abbas et de son entourage.
Depuis l'année dernière, il y a eu une vague de visites du Fatah au
Canada et aux Etats-Unis dont le principal objectif était de rencontrer
des alliés éventuels ici pour les préparer à des sièges dans l'OLP
ressuscité (mais contrôlé par Abbas).
Ces derniers mois, le Fatah a envoyé des hauts responsables pour
chercher le soutien des Palestiniens au Canada en fin d'année dernière
et cet été suite aux événements à Gaza et promettre des récompenses aux
alliés potentiels.
Les Palestiniens dans la Diaspora doivent apprendre les leçons de Gaza
et du Liban. Bien que tous les Palestiniens désirent l'unité, cela est
impossible avec ceux qui collaborent activement avec l'agenda israélien
et cherchent à fragiliser le mouvement de libération palestinien.
Nous ne pouvons pas permettre à ceux qui ont détourné les
institutions palestiniennes en Palestine pour servir Israel de faire la
même chose dans la Diaspora.
Beaucoup ont argué du fait que nous devons rétablir et démocratiser
l'OLP, mais la question est comment. Il est clair que ceux qui
contrôlent toujours les structures de l'OLP ne le permettront jamais de
façon volontaire. Il doit y avoir une pression de la base pour y
arriver.
Si l'OLP n'est pas ouvert à la démocratisation, nous devrions demander
des conférences nationales et internationales pour que toutes les
communautés palestiniennes forment une nouvelle organisation
démocratique qui représente toutes les franges de notre société.
Ce sera un énorme défi, mais nous devons le faire pour établir
clairement qu'Abbas ou tout autre potentiel collaborateur n'a aucun
mandat et aucune possibilité de signer un abandon des droits des
Palestiniens.
D'après l'ordre du jour émergeant de la "conférence de paix" prévue par les Américains en novembre, c'est maintenant ou jamais que nous devons agir.
Source : http://electronicintifada.net/
Traduction : MG pour [ISM]url:
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=7447&type=analyse&lesujet=R%E9sistances
Dimanche 16 Septembre 2007
Laith Marouf
Source :