Gaza s'enfonce inexorablement
Gaza s'enfonce inexorablement Un habitant de Gaza témoigne de la réalité telle que la ressent la population par Silvia Cattori |
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Mondialisation.ca, Le 6 aout 2007 |
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Au
travers de cet entretien, on comprend qu’Israël- aidé par des
collaborateurs comme Mohammed Dahlan- a réussi, à couper totalement le
parti du Fatah, en tant que mouvement de libération, du Hamas et de
toute la résistance palestinienne. Après avoir divisé les Palestiniens,
n’a-t-il pas réussi ce pourquoi ses stratèges et alliés au-dehors, ont
assidûment oeuvré depuis sa création, à savoir : obtenir la scission
géographique et politique entre Gaza et la Cisjordanie ? Les causes qui ont amené à cette situation catastrophique pour les Palestiniens ont été parfaitement analysées et expliquées par de nombreux témoignages. Les choses ne s’étant pas passées comme la CIA et le Mossad le voulaient avec l’aide de Dahlan, ce dernier a perdu la partie. Dès lors M. Abbas, ainsi que son parti Fatah, se sont dépêchés de le mettre à l’écart, pour ne pas être trop éclaboussés eux aussi, suite à la diffusion par le Hamas de documents qui apportent la preuve que M. Dahlan travaillait pour l’occupant israélien contre les intérêts de son peuple. Les propos de Tariq [1] ont été recueillis le 29 juin 2007, avant que Mohammed Dahlan ait été contraint à la démission. Mohammed Dahlan Silvia Cattori :
Comment la population de Gaza a-t-elle vécu ces journées de mi juin où
les forces de sécurité du gouvernement Haniyeh ont investi les
quartiers des forces de sécurité du Fatah ? Tariq :
Les gens ont vécu ces évènements dans la joie de voir les troupes de
Dahlan [2] abandonner leurs postes et les chefs du Fatah s’enfuir. Ils
étaient contents de pouvoir sortir dans la rue sans peur de se faire
tuer. Puis l’angoisse est revenue. Silvia Cattori : Angoisse par crainte que des membres du Hamas ne vous maltraitent ? Tariq :
Non, non, les gens n’ont pas du tout peur d’être maltraités par les
membres du mouvement Hamas. C’est Abou Mazen qui nous traite mal comme
si nous n’étions pas des Palestiniens. C’est l’angoisse de savoir que,
maintenant que l’on nous a heureusement débarrassés des tueurs du
Fatah, de nouvelles menaces pèsent sur nous. Les Etats-Unis continuent
de fournir argent et armes à Abou Mazen. Israël continue de s’appuyer
sur Mohammed Dahlan et Rashid Abou Shabak [3] pour retourner les choses
en sa faveur. Abou Mazen a demandé à l’Egypte et à Israël de maintenir
fermées les entrées à Gaza pour couper le Hamas de tout contact avec le
monde. Si le Hamas n’a plus personne avec qui communiquer, le siège,
qui est déjà très étouffant, va nous asphyxier. Les gens sont sans
travail, sans salaire. Comment vont-ils retrouver un travail, nourrir
leurs enfants, si Gaza n’a plus aucun lien avec l’extérieur ? Silvia Cattori :
N’étiez-vous pas surpris de voir le gouvernement Hamas, qui jusque là
avait privilégié le dialogue avec Mahmoud Abbas, changer soudain de
stratégie ? Tariq :
Non, cela ne fut pas une surprise. Je pense que le mouvement Hamas a
fait ce que la population en général attendait : qu’il neutralise ces
milices, sponsorisées par le Pentagone et l’armée israélienne, que
Dalhan utilisait pour provoquer des incidents fratricides et empêcher
le Hamas de gouverner. Nous avons tous trop souffert de ces milices.
C’est la raison pour laquelle personne à Gaza n’a levé le petit doigt
en leur faveur. Le premier ministre Ismaël Haniyeh [4] a tout fait, je
crois, depuis une année et demie, pour ne pas donner prise aux
provocations du Fatah. Mais il était devenu de plus en plus clair
qu’Abou Mazen était déterminé à saboter le gouvernement d’union en
confiant à Dahlan et Rashid Abou Shabak la direction de la sécurité et
du renseignement, alors qu’ils étaient à l’origine des troubles, des
meurtres et du chaos que nous connaissions. Silvia Cattori : Il a été rapporté qu’Ismaël Haniyeh savait, depuis mai, qu’un plan de liquidation des autorités du Hamas était en préparation ? Tariq :
Des échanges avaient était interceptés où Dhalan donnait l’assurance
aux services secrets israéliens que ses troupes en auraient « fini avec
les gens du Hamas avant fin juillet, début août au plus tard ». Leur
attaque devait être déclenchée fin juin. Haniyeh a décidé de prendre
les devants. Toutefois, ce qui a précipité son action a été
l’enlèvement et l’exécution de l’imam Mohammed al-Rasati. C’était la
dernière victime d’une longue série d’exécutions. L’exécution de l’Imam
a été perçue comme le signe que le Fatah se servait de la religion,
pour couper le peuple en deux et mener une guerre inter- palestinienne
où les militants du Hamas seraient la première cible. Silvia Cattori :
A aucun moment la population de Gaza n’a regretté que le Premier
Ministre Haniyeh ait pris le risque de se confronter avec le Fatah ?
N’a-t-elle pas eu peur des vengeances que cela pourrait entraîner ? Tariq :
Le chaos était devenu tel qu’Haniyeh n’avait pas le choix : les gens
étaient terrorisés, il se devait de ramener la sécurité dans la rue.
Même si c’était une décision très difficile, Haniyeh ne pouvait plus
laisser ces bandes armées multiplier les incidents et les assassinats. Silvia Cattori :
Israël, tout comme les médias en général, ont largement fait état de la
violence des forces armées du Hamas. Deux assassinats en particulier
ont frappé : la défenestration d’un homme et l’exécution de Samih
Al-Madhoune [5] . Tariq :
Les forces du Hamas ne se sont pas battues contre des innocents mais
contre des bandes de tueurs qui ont exécuté et torturé des
Palestiniens, des militants du Hamas surtout. Il y a eu des excès de
part et d’autre le 14 et le 15 juin. Toutefois, il n’y a pas eu de bain
de sang. Il n’y a pas eu de tribunaux militaires, il n’y a pas eu
d’emprisonnements des assassins de la part de l’administration Haniyeh.
Je pense que les forces du Hamas ont fait preuve d’une grande patience
et aussi de retenue. A mon avis, la violence est venue des escadrons de
la mort de Dahlan. Le
chef Samih Al-Madhoune, dont vous parlez, était connu pour sa cruauté.
Le 15 juin, il est sorti de sa voiture et a déchargé son arme sur un
policier du Hamas. C’est la famille du policier qu’il venait de tuer
qui l’a ensuite exécuté. Quand la nouvelle de la mort de Samih
Al-Madhoune a été connue, les gens ont crié leur joie. Il avait
kidnappé, torturé, assassiné un nombre incalculable de gens, y compris
au sein du Fatah. De son vivant, au nord de Gaza où il habitait, les
gens avaient peur de sortir de chez eux. Silvia Cattori :
Selon des journalistes étrangers, les soldats du Hamas seraient allés «
au delà des ordres reçus » ; ces journalistes ont parlé de divisions à
l’intérieur du Hamas, entre l’aile politique et militaire, entre
Haniyeh et Mahmoud Zahaar [6]. Est-ce le cas ? Tariq :
Il y a en ce moment de nombreux reporters qui sont arrivés à Gaza. Ce
qui semble généralement les intéresser est de trouver des éléments
permettant de faire accroire que les dirigeants du Hamas ont pris le
pouvoir pour nous maltraiter et nous créer encore plus de problèmes. A
mon avis, les forces du Hamas ne sont pas allées au delà du mandat qui
leur avait été assigné. Elles devaient désarmer les mutins à la solde
d’Abbas et de Dahlan, libérer tous les prisonniers politiques,
réinstaurer la légalité. C’était une action délicate qui comportait des
risques et qui aurait pu mal tourner. Je pense qu’ils l’ont bien
maîtrisée. Je crois qu’il n’y a eu à aucun moment de dissensions au
sein du Hamas. Les cadres du Hamas sont unis et très disciplinés. Je
crois que c’est dans le parti du Fatah que les gens se déchirent dans
des luttes de pouvoir et qu’il y a des dissensions. Silvia Cattori :
M. Abbas affirme, lui, que la « Force exécutive » (la police) et les
Brigades « Ezzedin al Qassan » (la branche armée du Hamas) sont
illégales, que les dirigeants du Hamas sont "des putschistes " ! Tariq :
Les putschistes sont dans le camp Abbas-Dahlan. Même s’ils ont échoué
ils ne vont pas s’arrêter là. Les choses ne peuvent aller que de mal en
pis pour la population de Gaza. En
Cisjordanie, les choses ne vont guère mieux. Là-bas, les gens affiliés
au Hamas sont dans une situation bien plus difficile. Qu’ils soient
affiliés au Fatah ou au mouvement Hamas, ils sont en ce moment la cible
de ces gangs maffieux du clan Abou Mazen. Ils ont donc deux ennemis
déclarés qui les pourchassent : les soldats israéliens avec des
bataillons de chars et des Apaches ; et les milices du Fatah associées
à ces bataillons. Silvia Cattori :
Il y a pourtant des dirigeants du Fatah, comme Farouk Al-Qaddoumi [7] ,
et Hani Al-Hassan [8] , par exemple, qui désapprouvent M. Abbas et lui
reprochent de s’en prendre à des résistants alors que l’occupation
militaire israélienne continue ! Tariq :
Hani Al-Hassan est un membre important du Fatah qui s’est dit très
inquiet de voir le Fatah otage de Dahlan qu’il qualifie justement de
chef des « putschistes » Ce qu’il a dit n’a pas plu au Fatah. Après
qu’il ait déclaré que les dirigeants du Hamas avaient fait ce qu’ils
devaient faire pour écarter Dalhan, des milices armées ont attaqué son
domicile et la presse contrôlée par le Fatah a lancé une campagne de
diffamation contre lui. Tout ceci démontre qu’Abou Mazen est prêt à
liquider, non seulement les gens du Hamas, mais aussi des gens du Fatah
honnêtes, s’ils s’opposent à sa politique. Silvia Cattori :
Avez-vous visité ces lieux où des résistants et des militants du Hamas
étaient interrogés, soumis à des tortures et où des documents
embarrassants pour le Fatah et Israël ont été saisis ? Tariq :
J’ai visité le siège de la sécurité préventive et du renseignement.
J’ai vu ces cellules où l’on a enfermé des militants, de 1996 jusqu’au
15 juin 2007. J’ai vu des vidéos montrant des séances de tortures. Nous
savions déjà tout cela depuis longtemps par ceux qui en étaient sortis,
mais de voir cela de ses propres yeux, c’est très bouleversant. Silvia Cattori :
Pourquoi le Hamas ne diffuse-t-il pas ces fiches qui prouvent l’étendue
de la collaboration entre les autorités du Fatah et Israël ? Des
documents où l’on comprend que le Mossad et les services de Dalhan
seraient impliqués dans les attentats de Charm-el-Cheikh n’ont-ils pas
été trouvés ? Tariq :
J’ai pu voir de mes propres yeux des fiches où étaient répertoriés les
noms des Palestiniens et les dates où leur collaboration avec tel ou
tel service de renseignement israélien a commencé. Des fiches attestant
d’échanges entre les services de renseignement du Fatah, les services
secrets Shabak (la Sûreté générale israélienne) et les services de la
CIA auraient été trouvés mais elles n’ont pas été rendues publiques.
Cela doit être un dossier très délicat à gérer pour les dirigeants du
Hamas. Je pense que tout ce qui se rapporte à des renseignements
secrets ne peut être mis sur la place publique. Je crois que les fiches
dont vous parlez ont dû être confiées à des diplomates égyptiens. Le
Hamas a intérêt à regagner la confiance des Egyptiens. Ce sont des
choses extrêmement sensibles qui montrent que les services égyptiens
aussi sont impliqués dans des affaires pas très propres. Israël a exigé
des services de sécurité égyptiens qu’ils fassent le nécessaire pour
récupérer tous ces documents secrets et qu’ils lui soient remis. Silvia Cattori :
Abbas et Dahlan vont-il maintenant intensifier leur collaboration avec
Israël pour que ce dernier « finisse » le travail de liquidation du
Hamas ? Tariq :
Israël a déjà commencé à nous attaquer le 27 juin. Ce jour là, il a
exécuté treize membres du Djihad et du Hamas à l’Est de Gaza. Ces
attaques sont bien évidemment le signe du soutien apporté par Israël à
Abou Mazen et Dahlan. La
collaboration avec Israël est devenue maintenant plus visible que
jamais en Cisjordanie aussi. Leur plan de liquidation du Hamas a échoué
à Gaza. C’est pourquoi Dahlan et Abou Mazen, vont s’efforcer de le
réussir en Cisjordanie. Dès
le 15 juin, nous avons vu, à Ramallah, à Naplouse, à Hébron, des
miliciens du Fatah arborer fièrement les M 16 fournis par Israël et les
Etats-Unis, et s’en servir pour pourchasser des Palestiniens dans des
zones qui étaient jusqu’ici strictement sous le contrôle de l’armée
israélienne. Depuis lors, chaque nuit, chaque jour, en Cisjordanie, des
Palestiniens sont arrêtés, assassinés, avec d’autant plus de facilité
que ceux qui les pourchassent sont aidés par des espions palestiniens
qui collaborent avec les services secrets d’Israël. Dans chaque
quartier ou village –c’était déjà le cas sous Yasser Arafat- des agents
appartenant à l’appareil de sécurité d’Abou Mazen, travaillent
étroitement avec les soldats israéliens. Cela
se savait depuis longtemps que, dès qu’un Palestinien, fiché par Israël
comme Wanted, sort de la clandestinité, l’armée israélienne est
immédiatement informée par ces mouchards ; quelques minutes après, les
jeeps israéliennes arrivent chargées de soldats qui encerclent le
quartier, arrêtent ou exécutent les hommes signalés. Depuis 2005, cette
collaboration s’est encore accrue et les militants du Hamas sont
devenus la première cible. Leur situation est devenue encore plus
terrible depuis qu’Abou Mazen a donné l’ordre, à mi-juin, d’arrêter les
militants du Hamas [9] Silvia Cattori :
Cette haine contre des Palestiniens affiliés au mouvement Hamas, qui
transparaît clairement dans les dernières déclarations de MM. Abbas et
Abed Rabbo [10], par exemple, est-elle un phénomène récent ? Tariq :
Cette haine est là depuis longtemps. Ce sont ces autorités, issues des
Accords signés avec Israël en 1993, qui l’ont constamment alimentée.
Les persécutions actuelles contre les résistants ne sont que la
continuation de ce que l’Autorité palestinienne a commencé dès 1996. Le
Hamas a maintenant le monde entier contre lui. Mais je puis vous
assurer que, même en admettant que les dirigeants du Hamas aient pu
faire des erreurs, à aucun moment ils ne se sont montrés malhonnêtes
avec notre peuple. Ils ont une moralité et des principes. Ils se sont
battus pour trouver de l’argent durant toute cette période de
boycottage ; ils ont désespérément cherché à briser le blocus pour
aider la population. Ils n’y sont pas parvenus mais ils n’ont pas cédé
aux pressions et agressions d’Israël. En
tant que Palestinien ayant souffert de ne pouvoir assurer une vie
décente à sa famille, en tant que personne neutre cherchant à
comprendre où sont les honnêtes militants qui veulent avant tout
défendre les intérêts du peuple, j’ai pu observer que les gens du Hamas
ont cherché à travailler pour le bien de tous. Et malgré le fait qu’ils
n’ont aucun soutien et qu’ils sont plus que jamais isolés par la
communauté internationale, ils ont su maintenir leur stratégie : ne pas
reconnaître l’occupation de notre terre par Israël, non seulement
depuis 1967, mais depuis 1948. Silvia Cattori : Cette guerre contre les résistants, le Fatah et ses soutiens israéliens et américains peuvent-ils la gagner ? Tariq :
Les Etats-Unis et Israël ont fourni à Abou Mazen et à Dahlan des
centaines de millions de dollars et un armement très sophistiqué pour
en finir avec le Hamas. Tout ce qu’Abou Mazen a tenté pour liquider le
Hamas a échoué jusqu’ici. S’il y avait des élections régulières demain,
le Fatah les perdrait encore une fois. Mazen ne peut pas gagner la
confiance des Palestiniens en envoyant ses troupes mettre le feu à des
immeubles habités par des gens soupçonnés d’appartenir au Hamas. Silvia Cattori :
Quand les Palestiniens ont voté pour le Hamas, en janvier 2006,
savaient-ils déjà ce qui apparaît clairement maintenant : que voter
pour M. Abbas reviendrait à voter en faveur de la continuation de la
collaboration avec l’occupant ? M. Abbas n’est-il pas lui-même otage
d’Israël et de M. Dahlan ? Tariq : Nous
reprochons à Abou Mazen d’avoir placé ce chien de garde d’Israël qu’est
Dahlan à la tête de la sécurité. Pour nous il est clair depuis
longtemps qu’Abou Mazen a moins de pouvoir que Dahlan. Abou Mazen est
un homme faible, il n’est qu’une marionnette. Il a peur de Dahlan, car
il sait que cet homme est protégé par Israël et les Etats-Unis. Abou
Mazen ne fait que de se plier aux ordres de Dahlan, Saed Erakat [11] et
Abed Rabbo. Ceux-là sont infiniment plus asservis à Israël et aux
Etats-Unis et sont plus dangereux que lui. Il ne peut rien leur refuser
; il les craints tous ; ils sont très forts. Ils sont soutenus au sein
du Fatah par Ahmed Abdul-Rahman, Nabil Amr, Al-Tayeb Abdul-Rahim,
Tawfiq Tirawi. Tous ces personnages sont détestés y compris par des
membres du Fatah honnêtes. C’est du reste un militant du Fatah qui a
tenté d’assassiner l’un d’eux, Nabil Amr [12] , dans un attentat où il
a perdu une jambe. Silvia Cattori :
C’est une situation on ne peut plus calamiteuse pour tout le peuple
palestinien ! Le camp que les Occidentaux qualifient de « modéré » ne
serait à vos yeux que le camp des « traîtres » ? Tariq : Absolument, dans la mesure où, en Cisjordanie et à Gaza, nous vivons toujours sous la plus cruelle des occupations coloniales. Quand
nous entendons Abou Mazen dire que ce sont des « éléments étrangers »
-c’est-à-dire les Iraniens- qui ont « fomenté la crise » qui a abouti à
la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, quand nous
entendons Abed Rabbo, qualifier les gens du Hamas « de tueurs », de «
gangs de Mechaal » [13] , nous comprenons qu’ils encouragent Israël à
poursuivre ses liquidations de Palestiniens. Ceux qui parlent ainsi
appartiennent au camp des collaborateurs ! Et, comme ils ont les mains
sales, ils doivent mentir et calomnier toujours davantage. Silvia Cattori :
Vous n’êtes donc pas d’accord avec Mme Leila Shaid qui disait, le jour
ou les milices du Fatah ont été mises en déroute : « L’aile dure du
Hamas a conquis le pouvoir dans la bande de Gaza » [14] ? Tariq :
Cette « aile dure du Hamas » qu’est-ce que c’est ? Ce sont des
Palestiniens qui se sont sacrifiés mille fois plus que n’importe quel
autre groupe pour défendre notre peuple face aux agressions de
l’occupant. Ce sont des Palestiniens que les gens de Gaza respectent
parce qu’ils n’ont jamais collaboré avec l’occupant, qu’ils n’ont
jamais détourné l’argent qui était destiné au peuple, qu’ils n’ont
jamais demandé d’armes à la CIA pour les retourner contre leurs frères.
Ce sont des Palestiniens qui ont sacrifié leur fils, leur père, leur
maison et qui se sacrifient et meurent pour sauvegarder les intérêts
nationaux palestiniens. Pour
nous qui vivons sous occupation, la question n’est pas de savoir si une
personne est affiliée au Fatah ou au Hamas. Nous ne faisons pas de
distinction entre les divers groupes palestiniens. La seule chose qui
compte pour nous est de savoir si tel responsable politique travaille
ou non dans l’intérêt de son peuple. Chaque militant du Fatah, du
Djihad, du Hamas, du FPLP, qui n’abandonne pas la lutte contre
l’occupation est un frère. Si, demain, les gens devaient apprendre, par
exemple, qu’Ismaël Hanyieh collabore avec l’occupant, il serait tout de
suite rejeté, comme Dahlan. Il
faut que les gens, au-dehors, comprennent que tous ces Palestiniens
qui, d’une façon ou d’une autre, participent au pouvoir d’Abou Mazen,
sont associés aux mesures répressives qui, depuis les Accords d’Oslo,
ont permis à Israël de renforcer le régime d’apartheid, de poursuivre
l’épuration ethnique, et de nous rendre encore plus vulnérables. Avoir
la reconnaissance d’Olmert et de Bush n’est pas un gage de justice. Aucun Palestinien digne de ce nom ne peut accepter ces qualificatifs de « durs », « extrémistes », « fondamentalistes
», utilisés pour diviser et discréditer ceux qui défendent notre
peuple. Le peuple a soif d’union. Chaque fois que nous apprenions qu’un
gouvernement de coalition se mettait en place, tout le monde était
ravi, espérait en sa réussite. Mais, à chaque fois, Abou Mazen ne
donnait pas au Hamas les moyens de gouverner et laissait les bandes
armées du Fatah sévir. Et nous comprenions que son principal objectif
était la liquidation du Hamas. Le
mouvement Hamas rassemble autour de lui la majorité du peuple. Il n’est
pas arrivé au pouvoir par un coup d’Etat mais par le vote. Si l’on veut
stabiliser la bande de Gaza et la Cisjordanie, il faudra bien que la
présence du Hamas soit admise comme partenaire à part entière dans
toute négociation de paix. Les journalistes et les responsables
politiques ne reconnaissent pas le droit des Palestiniens à résister
contre l’occupant. En quoi ils servent les intérêts d’Israël et portent
une lourde responsabilité dans notre drame. Si les citoyens du monde
savaient qui sont réellement ces Palestiniens croyants, et qu’elles
valeurs humaines ils incarnent, ils leur apporteraient leur plein
soutien. Silvia Cattori : L’Union
européenne et les Etats-Unis ont rappelé qu’ils ne traiteront qu’avec
M. Abbas. Cela indique qu’ils vont continuer de soutenir des mesures
illégales, des sanctions qui vont continuer de creuser le fossé entre
Palestiniens et aider Israël à briser leur résistance [15] ! Tariq :
Cela ne vous a-t-il pas frappé de ne jamais avoir entendu le mot «
peuple » dans les déclarations de tous ces chefs d’Etat qui expriment
leur soutien à Abou Mazen ? Pas une seule fois ils n’ont parlé du «
peuple », de soutenir notre peuple. Tout le monde a parlé de soutenir
le gouvernement d’Abou Mazen, de verser l’argent permettant de payer le
salaire de 150’000 fonctionnaires relevant d’Abou Mazen. Les autorités
de l’Egypte et de la Jordanie ont la même attitude ; elles apportent
leur soutien à Abou Mazen. Tous ces gens qui disent vouloir instaurer
la démocratie, mais qui excluent les autorités légitimes du Hamas, se
moquent des « peuples » et de leurs besoins vitaux. Ils ne se
préoccupent pas de savoir qu’Abou Mazen n’est pas forcément celui qui
nous représente le mieux. Cela est profondément déprimant. Je ne
comprends pas comment le monde peut accepter qu’on nous enferme encore
davantage qu’Israël ne l’a déjà fait depuis 60 ans. Si cela continue,
nous allons mourir de faim. Silvia Cattori : Ne voyez-vous aucun élément capable de vous redonner un peu d’espoir ? Tariq :
Oui, l’autre jour quand nous avons appris qu’Alvaro de Soto [16], un
haut fonctionnaire de l’ONU, se disait triste de nous savoir jetés dans
une pareille misère à cause de toutes les sanctions illégales imposées
par la communauté internationale. Il a dénoncé avec des mots clairs
l’attitude injuste de l’ONU envers nous, et demandé que l’ONU cesse de
traiter Israël avec faiblesse. Cet homme est très courageux. Nous
savons qu’il sera ostracisé pour avoir critiqué Israël. Peu de
diplomates de l’ONU osent parler ainsi. Silvia Cattori : Comment voyez-vous les jours à venir ? Tariq :
Je vois demain encore plus noir. Surtout quand j’entends Abou Mazen
demander à l’Egypte de ne pas ouvrir le passage de Rafah. Si la sortie
de Rafah est fermée, alors que l’entrée des marchandises par le passage
de Karni est toujours fermée par Israël, il sera facile de nous
affamer, de couper l’électricité et le peu d’eau saumâtre qui reste [17] Le
jour où je suis allé acheter un sac de farine je suis revenu
bredouille. Plus un grain de farine nulle part. J’ai compris que les
marchands l’ont retirée de la vente pour pouvoir la vendre plus tard au
triple de son prix. La farine a disparu de Gaza, tout comme le sucre,
l’huile, le lait. Il ne me restait plus qu’à aller voir si je pouvais
obtenir ma dernière ration à l’UNRWA. Nous avons droit à trois sacs de
farine, un peu de sucre et six bouteilles d’huile par famille tous les
deux mois. Silvia Cattori : Quand vous regardez vos enfants, que ressentez-vous ? Tariq :
Une immense peine. Déjà nos enfants ne vont pas bien car ils ont vu des
choses que des enfants ne devraient jamais voir. Je me dis que ce sont
des pauvres créatures. Que tout leur est fermé. Comme vous le savez,
quand ils souffrent, les enfants vont d’abord vers leur mère. Quand je
les entends demander des chaussures, un vêtement, du pain et qu’elle ne
peut pas répondre à leurs souhaits, je sais combien c’est douloureux
pour leur mère. Et quand je la vois souffrir, je souffre encore plus
pour elle. Silvia Cattori :
Il viendra bien un jour où, sous la pression de l’opinion, l’Union
Européenne, devra se distancer d’Israël. Alors le blocus sera peut-être
levé et des aides alimentaires viendront ? Tariq : Mais cela veut dire que l’on va devoir continuer de vivre de la charité ? J’espère que cette situation ne va pas durer ! Silvia Cattori :
Pensez-vous qu’en Cisjordanie, ceux qui désapprouvent la politique du
Fatah vont faire pression sur M. Mahmoud Abbas pour qu’il reprenne le
dialogue avec Gaza ? Tariq :
Par malheur il y a un peu de racisme à notre égard en Cisjordanie. Nous
sommes considérés comme inférieurs. Je crois que les gens, là bas, ont
parfois un peu honte de nous. Ce qui n’est pas pour nous aider en ce
moment. Et ceux qui nous considèrent frères et voudraient nous aider ne
peuvent rien faire parce qu’ils sont eux-mêmes, isolés, en danger, et
pourchassés si ils sont soupçonnés de sympathie avec les gens de Gaza. Silvia Cattori :
Un grand nombre de Palestiniens vont-ils devoir se terrer comme cela
s’est déjà produit après la mise en application du Protocole d’Oslo ? Tariq :
En Cisjordanie les gens ont énormément souffert. Ils ont été arrêtés,
brutalisés aux check points, assassinés par les troupes d’occupation
d’Israël. Ils vivent dans la terreur permanente, isolés dans leurs
villages et villes, détachés les uns des autres. Pour tous ces
Palestiniens, pourchassés maintenant par les milices armées d’Abou
Mazen, les temps vont être très durs. Silvia Cattori, 29 juillet 2007 Traduit de l’anglais par JPH Notes
[1]
Tariq, né en 1970, vit au centre de Gaza. Dans un précédent entretien
il faisait une analyse qui prévoyait ce qui allait se passer. [2]
Dahlan, conseiller à la sécurité nationale palestinienne jusqu’au 27
juillet 2007, chef de la sécurité du Fatah, est un homme fruste,
totalement asservi à Israël. Sa collaboration avec les Services
militaires israélien est ancienne. Il est à la tête du courant du
Fatah, que les pays occidentaux qualifient de « modéré » et qui
comprend notamment Mahmoud Abbas, Ahmed Abdul-Rahman, Al-Tayeb
Abdul-Rahim, Nabil Amr, Tawfiq Tirawi. http://www.aljazeeratalk.net/forum/showthread.php?t=50443 http://electronicintifada.net/v2/article7116.shtml [3] Rashid Abu Shabak, un proche de Dahlan considéré comme un collaborateur [4]
Ismaël Hanyieh, 45 ans, vit dans un camp de réfugiés à Gaza où il a
étudié la littérature. Il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat
par Israël et les milices de Dahlan. Nommé Premier Ministre en février
2006 [5]
Samih Al-Madhoune, un proche de Mohamed Dahlan, responsable de la
sécurité auprès de Mahmoud Abbas, était un des chefs des milices du
Fatah à Gaza, un chef militaire du parti Fatah [6] Mahoud al Zahar, commandant de la milice du Hamas [7] Farouk Al-Qaddumi, chef du département politique de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), basé à Tunis [8]
Hani Al-Hassan, ancien Ministre de l’Intérieur est membre du comité
central du mouvement du Fatah. Il appartient au « camp d’Arafat » qui
comprend nombre d’anciens chefs du Fatah : Farouk Al-Qaddoumi, Jebril
Rajoub, Marwan Al-Barghouti, Ahmed Hellis [9]
Du 15 juin au 25 juillet, les miliciens appartenant au parti Fatah de
Mahmoud Abbas ont commis 755 attaques contre des cadres du Hamas et
leur bureau en Cisjordanie [10]
Abed Rabbo, ancien ministre de la Culture et de l’Information de
l’Autorité palestinienne, a été le principal négociateur des Accords de
Genève. Il a sillonné le monde en compagnie de Yossi Beilin au frais de
la Confédération helvétique. Habitué des rencontres avec des stratèges
militaires israéliens, il s’est toujours opposé à reconnaître la
légitimité du Hamas et à toute réforme de l’OLP [11]
Saeb Erekat, 57 ans, était chef des négociateurs palestiniens sous la
présidence d’Arafat. Il a fait partie de toutes les équipes de
négociateurs avec Israël. Actuellement il est, avec Dalhan et Rabbo, le
plus proche conseiller de Mahmoud Abbas [12]
Dans un entretien avec le magazine londonien Al Hayat, Nabil Amr a
qualifié les groupes de résistance de « criminels » et a accusé le
Hamas « d’abriter al-Qaida », reprenant ainsi la propagande d’Israël.
En 2004, il a échappé à une tentative d’assassinat par des fidèles de
Yasser Arafat. Blessé, il a été amputé de sa jambe droite [13]
Khaled Machaal, 51 ans, réfugié à Damas, est le principal dirigeant du
mouvement Hamas. Il a échappé à une tentative d’assassinat du Mossad le
25 septembre 1997, alors que deux agents israéliens avec passeports
canadiens lui avaient injecté une substance toxique [14]
La déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne,
Leïla Shahid, a affirmé sur les ondes d’Europe 1, le 15 juin, que la
dissolution par Mahmoud Abbas du gouvernement Hamas se justifiait par
le fait que « l’aile dure » du Hamas a « pratiquement conquis le
pouvoir » dans la bande de Gaza [15]
L’Union européenne, le 15 juin, par la voix du porte-parole du
ministère allemand des Affaires étrangères a affirmé son « soutien » au
gouvernement d’état d’urgence de Mahmoud Abbas et a condamné « avec la
plus grande sévérité la prise de pouvoir violente par les milices
illégales du Hamas à Gaza et la mort de civils innocents ». Les
Etats-Unis, ont apporté de leur « plein soutien au président modéré
Mahmoud Abbas » [16]
Alvaro de Soto, 64 ans, de nationalité péruvienne, a été coordonnateur
spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient du 6 mai 2005 à juin
2007. Dans un rapport confidentiel daté du 5 mai, il met en cause l’ONU
qui a « traité Israël avec une extrême considération, presque de la
tendresse », et demande qu’il soit mis fin à cette situation «
d’autocensure » [17]
De nombreux décrets destinés à isoler et rendre la vie difficile des
gens de Gaza ont été émis par M. Mahmoud Abbas. Le 23 juillet, il a
demandé au gouvernement israélien de ne plus fournir le mazout qui
alimente la centrale électrique qui couvre 30 % de l’approvisionnement
à Gaza. Le 26 il a fait savoir, par la délégation palestinienne aux
Nations Unies qu’ils ne voulaient pas que cette instance se préoccupe
de la crise humanitaire à Gaza
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