FREE PALESTINE
20 juillet 2007

Le précaire gouvernement Fayyad

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Le précaire gouvernement Fayyad

mercredi 18 juillet 2007 - Khaled Amayreh - Al Ahram Weekly

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Des Palestiniens brandissent leur drapeau national lors d’un rassemblement dans les rues : ils demandent aux deux mouvements en conflit, Fatah et Hamas, de reprendre le dialogue afin de rétablir leurs relations rompues après que le mouvement islamique Hamas a pris le contrôle de la Bande de Gaza.

Effectivement, depuis le « coup » de Gaza du 14 juin, qui a entraîné un autre « coup » à Ramallah quelques jours plus tard, Fayyad, premier ministre nommé du gouvernement basé à Ramallah, a cherché à plaire à tout le monde, sauf au Hamas bien entendu. Il a dit aux Israéliens qu’il « changera la réalité » en Cisjordanie, éradiquera la « terreur » et « combattra le Hamas » comme jamais auparavant.

Dans le même temps, il a dit aux Américains qu’il est leur homme en Palestine et qu’il s’efforcera de mettre en œuvre la peu sincère idée de deux Etats vivant côte à côte et en paix, Israël et Palestine (peu sincère car Bush a assuré à Israël qu’il pouvait garder la plus grande partie des colonies juives sur la Rive Occidentale, rendant l’idée de deux Etats irréalisable.

De plus Fayyad a cherché à se faire apprécier par les Européens en disant à leurs émissaires qu’il est le dernier prototype du dirigeant palestinien.

Et enfin, il a expliqué aux Arabes - qui n’ont bénéficié que d’une attention secondaire vu leur soutien moins qu’enthousiaste pour son gouvernement - que le Hamas est leur « ennemi commun ».

En fait, il a fait passer aux Egyptiens et aux Jordaniens - dont la sécurité nationale dépend dans une très large mesure de la résolution du conflit israélo-palestinien - le message qu’il n’y aura aucune chance de paix aussi longtemps que le Hamas occupera un statut dominant sur la scène politique palestinienne.

Bien sûr, si en apparence, l’évaluation par Fayyad du Hamas peut être superficiellement rationnelle, son idée est essentiellement fausse. Après tout, Israël et l’OLP négocient depuis près de quinze ans en l’absence du Hamas, et tout ce que les Palestiniens ont obtenu est une augmentation du nombre des colonies juives sur leur terre occupée, la multiplication des barrages routiers et des postes de contrôle, un odieux mur d’apartheid construit dans le cœur de la Rive Occidentale et l’estompement des chances de paix.

Sur le plan intérieur, en dépit des centaines de millions de dollars versés ou promis par Israël et l’Occident, le gouvernement Fayyad semble pâtir des même défauts que le gouvernement d’union nationale et de son prédécesseur, le gouvernement dirigé par le Hamas.

Cette semaine, le gouvernement a promis de verser à tous les fonctionnaires leur salaire « intégral ». Toutefois, quand les employés de la fonction publique se sont précipités vers les banques, on leur a dit que leurs salaires ne seraient pas intégralement payés à cause de l’embargo économique.

En outre, 19.000 autres employés n’ont pas été payés du tout parce qu’ils avaient été recrutés par le gouvernement précédent que Fayyad et Abbas considèrent comme « illégal ». Cette mesure draconienne a exaspéré le Hamas qui a exigé que la fonction publique ne soit pas mêlée aux manœuvres entre les factions.

Sur le plan de la sécurité, en dépit de fermes déclarations, le gouvernement Fayyad n’est arrivé à rien, ou presque. Il n’est pas arrivé à maîtriser les milices, dont la plupart sont affiliées au Fatah et qui continuent à se comporter comme des cow-boys de l’Ouest américain sauvage des premiers temps.

Au début de la semaine, certains dirigeants des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa ont fustigé Fayyad pour avoir exigé leur démantèlement et ont pressé Abbas de renvoyer. Fayyad, qui est un indépendant et n’a pas de base de soutien parmi les Palestiniens, essaie de jouer au dur, principalement pour plaire à l’Occident et à Israël et apaiser ces derniers. Toutefois, sa capacité à changer quoi que ce soit sur le terrain est très limitée.

En réalité, personne ne sape plus sa capacité à amener le changement que les Israéliens eux-mêmes. L’armée d’occupation israélienne continue à mener quotidiennement ses incursions, ses raids et ses assassinats en visant principalement des militants du Fatah et du Djihad islamique sur la Rive Occidentale. Le public palestinien conscient des réalités politiques a l’impression que le gouvernement Fayyad est plus ou moins un gouvernement de collaborateurs.

En outre, les colons israéliens, qui agissent comme un Etat dans l’Etat, ont incendié des champs palestiniens de la Rive Occidentale, détruisant ainsi les moyens de subsistance des gens ainsi que leur source de revenus, et cela sous les yeux de soldats israéliens.

Pendant sa réunion avec le ministre israélien de la défense, Ehud Barak, et plus tard avec la ministre des affaires étrangères, Tzipi Livni, Fayyad leur a demandé de cesser de viser quotidiennement des militants palestiniens ne fût-ce que pour renforcer son gouvernement aux yeux des Palestiniens. Ils lui ont répondu de façon favorable et ont fait son éloge, mais sans suite. L’aide accordée par Israël jusqu’ici s’est limitée à promettre la libération de 250 prisonniers du Fatah, mesure pas très utile dans le sens qu’elle ne concerne que la faction Fatah.

Un dirigeant du Fatah, cité par le journal israélien Ha’aretz, a dit que « la libération des prisonniers donne l’impression qu’Israël récompense le Fatah de sa collaboration avec Israël et l’Amérique...ce qui n’aidera pas Abbas ».

Un autre problème qui est en train de cerner Fayyad et son gouvernement est celui de sa légalité et de sa légitimité. Cette semaine, les avocats et les juristes qui ont rédigé la constitution palestinienne intérimaire ont dit qu’Abbas a outrepassé ses pouvoirs quand il a nommé un nouveau cabinet d’urgence.

Anis Al-Qassem et Eugene Cotran, qui ont commencé à rédiger la Loi fondamentale il y a plus de dix ans, ont dit que « celle-ci donnait le pouvoir à Abbas de renvoyer Haniya, mais non pas de nommer un nouveau gouvernement sans l’approbation du parlement ».

Al-Qasem et Cotran ont expliqué que la Loi fondamentale dit clairement que le cabinet d’unité de Haniya devrait rester l’administration provisoire jusqu’à ce qu’Abbas obtienne l’approbation du parlement pour constituer un nouveau gouvernement.

Ahmed El-Khaldi, professeur de droit qui a aussi travaillé sur les projets de texte de la Loi fondamentale s’est dit préoccupé de ce que la démocratie palestinienne « batte en retraite ». Il y a quinze jours, El-Khaldi a été brièvement enlevé par des miliciens armés loyaux au Fatah. Néanmoins, il est peu probable qu’Abbas, Fayyad et consorts soient disposés à respecter la règle du droit à cet égard puisqu’ils se fondent avant tout sur la force du fait accompli.

Le 9 juillet, Abbas a demandé au Conseil législatif, à présent marginalisé, de se réunir la semaine suivante pour approuver rétroactivement le gouvernement Fayyad. Toutefois, Ahmed Bahr, le vice-président du parlement, a rejeté cet appel en disant que la séance serait illégale.

La semaine dernière, le conseil législatif a tenu une séance pour examiner la crise actuelle. Toutefois, les membres du Fatah ont décidé de la boycotter, compromettant ainsi cet effort. Comme le Hamas la boycotte à présent aussi, on peut prévoir la répétition de cette farce. Cette situation difficile, dont la cause est l’arrestation en masse par Israël de 40 pour cent des législateurs palestiniens, pourrait inciter un Abbas de plus en plus lunatique à dissoudre le conseil législatif (ce qui est illégal) et à convoquer de nouvelles élections générales.

Toutefois, de nouvelles élections générales, si elles étaient vraiment justes et démocratiques, poseraient des problèmes tant pour Abbas que pour Fayyad.

D’après un sondage en ligne réalisé par l’organisation de presse quasi-indépendante Ma’an de Bethlehem, sur 72.000 votants, 42 pour cent voteraient pour Ismail Haniyeh si de nouvelles élections devaient se ternir aujourd’hui. Environ 33 pour cent voteraient pour Abbas. Lors d’un sondage similaire effectué par le journal semi indépendant Al-Quds, sur 30.000 électeurs potentiels, 15,2 pour cent ont répondu qu’ils voteraient pour Haniyeh et 13,7 pour cent seulement pour Abbas.

Bien que les deux sondages ne soient pas scientifiques, leurs résultats semblent indiquer, qu’à moins d’être truquées, les élections générales seraient un autre coup mortel pour Abbas et le Fatah.

13 juillet 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à : http://weekly.ahram.org.eg/2007/853...
Traduction : amg/mcc

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