FREE PALESTINE
5 juillet 2007

« Pourquoi les haïssons-nous ? »

« Pourquoi les haïssons-nous ? »

jeudi 5 juillet 2007

Gilad Atzmon/AMIM

Pour amener la paix à Londres, Glasgow, la Grande-Bretagne et l’Occident devraient se prendre un miroir et examiner nos méfaits, violents et dévastateurs, réparer les dommages perpétrés par Blair, Bush et compagnie, pour revenir au rêve d’une société occidentale œcuménique.

Quand je suis arrivé en Grande-Bretagne il y a environ treize ans, j’ai trouvé un pays très tolérant. J’étais stupéfait de voir tant de gens de tant de couleurs différentes, ne vivant pas seulement ensemble dans la paix, mais vivant en pleine harmonie. A l’université de l’Essex, l’institut où je préparais mon troisième cycle, tout le monde était enthousiaste au sujet du post-colonialisme. Les Britanniques, à ce qu’il me semblait alors, se repentaient de leur embarrassant passé colonial. J’étais assez impressionné mais pas complètement aveuglé. En fin de compte, ce n’est pas difficile de dénoncer les crimes de vos grands-pères.

J’étais surpris de voir des Turcs et des Cypriotes courant les épiceries côte à côte dans Green Lane. Mon premier camarade de chambre était un étudiant palestinien qui faisait sa maîtrise de lettres, il était de Beit Sahour, et ce fut tout naturel. Il ne m’a pas fallu longtemps pour que je devienne amoureux de la ville et que je décide d’en faire mon chez-moi permanent.

A l’époque, la Grande-Bretagne était très différente de l’endroit d’où je venais. Dans mon pays, le paysage humain était officiellement réduit à deux catégories. Dans une sorte d’opposition binaire grossière, il y avait toujours une séparation nette entre le « bon » et le « mauvais », le « nous » et le « eux », l’ « Occident » et l’ « Orient » ou simplement entre les « Juifs » et les « Arabes ». Là d’où je venais, on ne pouvait même pas voir la paix à l’horizon. Mais dans le Londres des années 90, il n’y avait pas une telle dichotomie. De façon assez pénible, cela a changé.

Aujourd’hui, à un rythme quotidien, nos médias ressassent la question idiote : « Pourquoi nous haïssent-ils autant ? » Maintenant, c’est clair, l’opposition binaire entre « nous » et « eux » est devenue aussi partie intégrante du discours britannique.

Quand je suis arrivé au début des années 90, la politique britannique était très ennuyeuse. John Major était au pouvoir. Et puis, très rapidement, un jeune, dynamique et visionnaire politicien l’a dépossédé de ses fonctions. Ce politicien est un homme qui est parvenu en seulement dix ans à démolir l’une des sociétés les plus harmonieuses de l’Occident. Tony Blair, le nouveau grand espoir du Labour a dirigé le pays pendant une décennie ; il a réussi à traîner ce pays dans tous les conflits possibles et à monter un conflit mineur à un niveau de crise. Il a réussi à mentir à plusieurs reprises à son peuple, à son parlement et à son cabinet, il s’est lancé dans une guerre illégale qui a coûté la vie à 700 000 civils innocents. Evidemment, il n’a pas réussi à prévoir l’impact que ces guerres auraient sur la société multiethnique de son pays.

Blair vient de quitter la fonction de Premier ministre, merci à Dieu pour cela, cependant, ce pays est maintenant au bord de l’effondrement moral. Son système de droits civils est gravement menacé. Des politiciens de tous les partis réclament des lois plus strictes pour les détentions. La possibilité d’expulsions en masse des nouveaux immigrés ne semble pas être un cauchemar si éloigné de nous. Pourtant, le plus inquiétant est le rôle des médias « libres » dans ce pays. Les principaux journaux et la télévision se plient tout à fait volontiers à l’orientation officielle du gouvernement. C’est quelque chose qui me rappelle trop les médias bien en cour de ma patrie perdue, le pays que j’ai quitté il y a treize ans.

Je me surprends à me demander comment les médias peuvent oser demander « pourquoi nous haïssent-ils ? » Ne connaissent-ils pas la réponse ? Ne connaissons-nous pas la réponse ? Ne sommes-nous pas ceux qui ont démoli l’Iraq ? N’est-ce pas notre Premier ministre, Tony Blair, qui a donné le feu vert aux Israéliens pour raser le Liban ? N’est-ce pas le gouvernement de Tony Blair qui s’est opposé au Hamas démocratiquement élu en Palestine ? N’est-ce pas Blair qui a autorisé les Israéliens à affamer Gaza ?

Pour ceux qui ne parviennent pas encore à réaliser, tuer est assez simple, transformer des villes en tas de ruines n’est pas compliqué non plus. Pourtant, élever un enfant peut prendre quelques années, construire une cité prend des centaines d’années et pour établir une harmonie entre des êtres humains il faut des milliers d’années. Nous devrions arrêter de mentir aux autres, et à nous-mêmes. Nous savons pertinemment pourquoi ils nous haïssent, ils ont quelques bonnes raisons pour cela étant donné l’état actuel des choses, nous sommes ceux qui les ont tués en masse. C’est nous qui avons rasé leurs villes et tué leurs enfants.

Ainsi, plutôt que de soulever la question lamentable, « pourquoi nous haïssent-ils ? », nous ferions mieux d’abandonner notre ton autosatisfait et de nous demander « pourquoi les haïssons-nous tant ? » ou même, « pourquoi haïssons-nous tant ? », en général.

Pour amener la paix à Londres, Glasgow, la Grande-Bretagne et l’Occident devraient se prendre un miroir et examiner nos méfaits, violents et dévastateurs, réparer les dommages perpétrés par Blair, Bush et compagnie, pour revenir au rêve d’une société occidentale œcuménique. C’est possible. Nous en avons la capacité. Nous y étions encore il n’y a pas si longtemps. Je m’en souviens très bien, c’était seulement il y a treize ans, je l’avais sentie quand j’ai débarqué en Grande-Bretagne.

Juif né en Israël en 1963, l’auteur a servi dans l’armée israélienne. Il est parti vivre en Angleterre où il est encore actuellement. Musicien de jazz reconnu et auteur politique, il publie aussi des nouvelles traduites en 22 langues.

Il a écrit « Guide to the Perplexed » publié en 2001 et « My One and Only Love » en 2005. Il a composé la musique du film “Le Mur” de Simone Bitton, qui a remporté le Grand prix du Festival international du documentaire de Marseille 2004 et le prix du meilleur documentaire au Festival de Jérusalem. Son site : http://www.gilad.co.uk/

3 juillet 2007 - AMIN - traduction : JPP

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