FREE PALESTINE
28 juin 2007

Notre Palestine...« Votre Palestine » ?

Notre Palestine

La Palestine ne fait quasiment plus l’info. Après des années de massacre elle est considérée inévitablement comme « morte » : maintenant qu’elle se massacre aussi toute seule et qu’elle se laisse aller à une pratique suicidaire qui a pénétré dans les esprits des résistants –divisés par une haine réciproque qui a provoqué les massacres de Gaza – tout espoir de trouver l’issue d’une tragédie sans fin semble s’effacer. Introjecter les « valeurs » de l’ennemi  signe l’autodestruction et anéantit davantage que les cannons.

     La Palestine n’a jamais pu devenir un état, mais dans nos esprits comme dans ses aspirations politiques  originaires elle a toujours été quelque chose de plus qu’un territoire à rendre aux Palestiniens. Non seulement des frontières géographiques à conquérir,  mais un lieu de culture et de vie.  Elle n’a existé que comme ça dans la pensée et dans l’action de tous ceux qui se sont battus pour elle ; elle ne pourra exister vraiment que comme ça. L’opposé du terrorisme, de la guerre fratricide, d’une société où l’ordre règne avec la loi de la répression et de l’intégrisme islamique.  Quelle victoire pourrait fêter une Palestine remise au plus fort, à ceux qui ont adopté (avec l’aide « généreuse » d’Israël et des Etats-Unis), l’inhumanité de l’adversaire ? L’ennemi de notre ennemi n’est pas notre ami.

     La Palestine est un drame, une blessure qui nous parle à nous aussi. Et pour cela justement, le projet de société préfiguré par ceux qui veulent la sauver du feu israélien n’est pas secondaire. Si aujourd’hui la lutte armée est incarnée de façon la plus accomplie par le Hamas, non seulement il est illusoire de lui confier la tache de battre militairement Israël, mais l’idée que son modèle  social apportera des bénéfices aux Palestiniens est suicidaire.  C’est une vision arriérée, militariste, autodestructrice, celle qui se  fie aux milices  d’un pouvoir qui  lèguera  Gaza à quelque élite moyen-orientale et qui donnera  un nouveau prétexte à Israël pour la raser au sol avec ses chars d’assaut. C’est un processus d’autodissolution, l’esprit inacceptable de la martyrologie, ce que nous voyons, qui rend vaine toute résistance.  Les femmes, fantômes voilés, qui réapparaissent dans la Bande de Gaza, sont le symbole atroce d’une nouvelle république islamique possible, qui brisera en deux  -à la plus grande joie des criminels en uniforme de Tel Aviv- le peuple palestinien.

    De l’autre côté, Al Fatah et ses sommets corrompus répondent par la même logique armée,  tandis que les véritables perdants sont les femmes et les hommes de chair et d’os, pris entre deux options mortifères.  C’est vers eux que nous devons tourner nos regards, même si nous  ne trouvons que les débris d’une gauche dissoute, d’une société laïque anéantie par la guerre.

    En Palestine -pour la Palestine- il faut regarder « sous les décombres », discerner  la seule voie  possible pour nous ranger aux côtés des nombreuses  forces invisibles mais vives, les arracher à la solitude et nous battre pour que la communauté internationale leur redonne la possibilité de conquérir pour eux, en paix, un monde meilleur.

Editorial non signé de samedi 23 juin 2007 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/23-Giugno-2007/art19.html 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

« Votre Palestine » ?

A l’auteur de Nostra Palestina, (samedi 23 juin 2007), à la direction de il manifesto qui assume cet éditorial et aux journalistes

Cet article est tendancieux et mensonger par omission ; il fait étalage d’éléments subjectifs et qui ne sont pas factuels, il est empreint de jugements idéologiques faciles, qui permettent de se passer d’une argumentation qui obligerait à reconnaître ce que même la presse de droite admet maintenant (et que Stefano Chiarini avait déjà annoncé cet hiver) : les affrontements qui ont mis en déroute les forces du Fatah à Gaza, en moins de 48 heures, ne sont pas la conséquence du désespoir de gens affamés, de luttes fratricides, etc.

La Palestine ne se tue pas « toute seule », non.

Stefano avait été l’un des premiers à annoncer que ce n’étaient pas tous des « frères » ceux qui n’avaient pas « introjecté » des « valeurs », mais sûrement encaissé des dizaines de millions de dollars offert par « l’ennemi » : l’administration étasunienne, à l’époque, officiellement. Maintenant Israël également et ouvertement.

Ces millions n’étaient pas destinés à soulager la faim des habitants de Gaza, mais à remplir les poches des milices du Fatah sous le commandement d’Abbas et Dalhan, entraînées et armées par la CIA et Israël. Milices qui devaient servir à déstabiliser le gouvernement Hamas issu des élections démocratiques.

A vous lire, les Palestiniens ont voté très majoritairement en faveur d’un parti qui allait ensuite les prendre au piège d’une « société répressive, obscure, où règnerait la loi de l’intégrisme et du fanatisme islamique » ?

On notera au passage qu’il y a là une manière méprisante de voir les choses.

Mépris à l’égard des Palestiniens que vous considérez comme étant dépourvus de lucidité politique.

Mépris pour l’héritage intellectuel d’un de vos propres confrères qui vous avait suffisamment mis en garde, alerté en mettant en évidence les conséquences gravissimes de cette politique que vous souteniez : votre silence quant aux trahisons des gens liés à l’Autorité Palestinienne, votre absence de dénonciation sur la dangerosité de l’homme fort du Fatah, Dahlan, un homme qui est lié à la CIA et collabore avec Israël de longue date, pour ne parler que de lui.

Mépris à l’égard des lecteurs qui vous font confiance, concernés par une guerre qui génère tant de souffrances et de morts.

Que ce genre de désinformation et de mensonges vienne de ceux que vous appelez « les ennemis » (sans les nommer), c’est compréhensible, mais de la part d’un quotidiano comunista, c’est inacceptable et, là oui, suicidaire. 

Suicidaire, et confuse, votre ligne politique : vous n’avez su donner aucun élément sensé pour expliquer comment il se fait que « la Palestine n’a jamais obtenu de devenir un état ». Au lieu de pleurer sur la « tragédie sans fin » vous feriez mieux d’exposer clairement les raisons de cette situation, à commencer par celles qui nous impliquent nous, ici : les amis des amis, ou les amis des ennemis ?

Inadmissible et criminelle votre position sur la résistance. La résistance est un droit légitime des peuples sous occupation.

Suicidaire pour votre journal, avec cette psychologisation à la petite semaine (l’introjection des « valeurs » de l’ennemi) sur la haine réciproque des frères : tu parles de frères ! Mahmoud Darwish l’a écrit ces jours ci, que les Palestiniens ne sont pas les anges que vous imaginez dans vos fantasmes de « quelque chose de plus à restituer qu’un territoire (…) un lieu de culture et de vie ». Dans vos rêves comme disent les jeunes ici.

Et dans la réalité, cette étape atroce, pas les voiles des femmes, non : mais la torture, la trahison et l’assassinat, l’emprisonnement des élus, les attaques des parties adverses par des milices de l’Autorité palestinienne, l’embargo de l’Occident mais la libre circulation des armes pour les milices de Dahlan : dévoilés par contre les crapules et les assassins, qui courent toujours d’ailleurs puisqu’il semble qu’il n’y a pas eu le massacre que vous suggérez, sans donner de chiffres. Et que le péril est plus grand que jamais et bien au-delà de Gaza, où votre envoyé rapporte que le calme n’a jamais autant régné.

Mais par contre, voilà que revoilà le vrai visage de l’intégrisme : « les fantômes voilés réapparaissent à Gaza »,  de celles qui ont si imprudemment voté pour les barbus qui vont le leur faire payer très cher. Si ils et elles survivent.

Mais vous bien sur, vous le saviez : pour vous, c’est suicidaire de penser  que ce Hamas en qui « la lutte armée (vous ne dites pas contre qui ?) est incarnée aujourd’hui de la façon la plus accomplie » puisse avoir un « modèle social (qui) portera des bénéfices aux Palestiniens ».

Vous savez ce qui est bon pour les Palestiniens, pas eux. Est-ce parce que vous n’êtes pas affamés que vous avez cette lucidité ? Peut-être, oui, que quand on a faim on essaie d’abord d’avoir à manger, après on verra ce qu’on fait du voile.

Vous êtes contre la « vision arriérée, militariste, autodestructrice », (comme au Liban cet été, où ce sont d’autres intégristes qui ont mis en déroute la 4eme armée du monde ?), contre le « processus d’autodissolution, l’esprit inacceptable de la martyrologie » : vous avez raison sauf qu’il n’y a pas autodissolution mais confiscation du pouvoir par un autre gouvernement, non élu, et qui ne pourra pas être ratifié par le parlement puisque la majorité des députés ne peut être présente : 44 députés du Hamas sont maintenant dans les prisons israéliennes, et ils ne font pas partie des 250 prisonniers (tous membres du Fatah) qui vont être libérés par Olmert. Ce goût du martyre…

Mais « les femmes, les fantômes voilés (…) le symbole atroce d’une possible nouvelle république islamiste » savaient peut-être que dans cette même république que vous ne nommez pas, plus de la moitié des étudiants de l’enseignement supérieur sont des femmes (voilées), quand elles ont prouvé leur goût pour le martyre en votant pour les terroristes intégristes qui les  remettront « à quelque élite moyen-orientale » : pourquoi ne pas dire à qui vous pensez ? Vous montrez là, vous, un goût pour le sous-entendu qui risque de virer aussi à la martyrologie : au point où on en est, il vaudrait mieux ne pas faire d’effet de style et nommer carrément les amis de vos ennemis, non ?

Vous avez des projets, vagues, pour votre Palestine, celle « des hommes et des femmes en chair et en os (mais sans barbe et sans voile) pris entre deux options mortifères » : la première option c’est celle qu’ils sont allés se chercher, la deuxième ne tient qu’en une moitié de phrase, à la fin : « Al Fatah et ses sommets corrompus qui répondent par la même logique armée » : nous avons bien lu : le Fatah répond. C’est eux (les terroristes barbus) qui ont commencé. Argumentation non seulement fausse mais de petit niveau à laquelle on ne peut répondre que : même pas vrai.

Voilà tout ce que trouve à dire en première page il manifesto dans l’horreur de cette situation que nous, européens, progressistes, laïcs, (et féministes bien sûr), avons laissée s’installer ? En toute connaissance de cause, et vous, journalistes, et qui vous dites communistes, vous le savez, depuis longtemps. Horreur qui n’est pas une fatalité mais le résultat d’une complicité. Horreur qui ne fait que commencer à Gaza, mais ailleurs ils ne perdent rien pour attendre comme on dit. Et c’est tout ce que vous trouvez à nous dire ? Ces pleurnicheries démobilisatrices, moralisatrices et arrogantes ? « Une gauche dissoute, une société laïque anéantie  par la guerre », oui mais pas que par la guerre. Et ici ?

Puisque vous savez quels bénéfices les Palestiniens auront ou n’auront pas selon pour qui ils votent, dites-nous aussi, déjà, quels bénéfices vous tirez, vous, de ce genre d’articles ? Je pose la question très sérieusement : pas seulement à vous, mais aux amis et camarades à qui je vais adresser cette lettre. Parce que nous ici, nous devons réfléchir au moins à ça : à nos projets à nous, et au business de la tragédie palestinienne, dans le « milieu » de « Notre Palestine ».

Bon courage à ceux qui continuent à lutter, Via Tomacelli.

Marie-Ange Patrizio

Commentaires
N
Merci pour cette réponse Marie-Ange Patrizio, car j'ai vraiment eu très peur quand j'ai lu l'article "Notre Palestine" tiré pourtant d'un journal que j'apprécie.
Répondre
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 866 079
Archives