La crise israélienne s'amplifie autour d'une réforme judiciaire massivement rejetée
Pour Ehud Olmert, Israël est au bord de la guerre civile
La crise s'amplifie en Israël, au lendemain de l'adoption par le Parlement d'une mesure clé du projet de réforme judiciaire controversé porté par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui a suscité des appels à la grève générale dans un contexte de contestation grandissante.
Plusieurs appels ont été déposés, notamment par le barreau israélien, auprès de la Cour suprême pour l'invalidation de cette loi, votée par les 64 élus de la coalition du Premier ministre, qui comprend des partis juifs ultra-orthodoxes et d'extrême-droite.
Le gouvernement Netanyahu estime que cette mesure, qui vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats, est nécessaire pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Ses détracteurs y voient pour leur part une menace pour la démocratie et craignent qu'elle ouvre la voie à une dérive autoritaire.
Pour protester contre cette loi qui limite la possibilité pour la Cour suprême israélienne d'invalider une décision du gouvernement, le syndicat des médecins a lancé mardi une grève générale du service public, sauf pour les urgences. Il dénonce l'absence de dialogue entre les parties concernées et "des célébrations fêtant une victoire dans une guerre où il n'y a que des perdants".
Lundi, le puissant chef de la centrale syndicale Histadrut, Arnon Bar David, avait prévenu que "toute avancée unilatérale dans la réforme aurait des conséquences graves", brandissant la menace d'une "grève générale si besoin est".
Dans ce contexte d'instabilité, la Bourse de Tel-Aviv, Tel Aviv Stock Exchange (TASE), a poursuivi mardi son mouvement de repli après une baisse de 2,21% la veille. Plusieurs quotidiens israéliens affichaient mardi matin une première page entièrement noire avec les mots "Jour noir pour la démocratie israélienne".
Depuis son annonce en janvier, le projet de réforme de la justice a déclenché l'un des plus grands mouvements de contestation de l'histoire d'Israël, qui s'est intensifié à l'approche du vote.
«Mener un dialogue»
Lors des manifestations qui se sont poursuivies tard lundi soir, 58 personnes ont été interpellées par la police pour troubles à l'ordre public, selon un porte-parole de la police.
La police avait utilisé des canons à eau pour disperser des manifestants qui tentaient de bloquer des axes principaux à Jérusalem et Tel-Aviv. Elle a dit avoir placé en garde à vue un homme soupçonné d'avoir blessé des manifestants lundi en conduisant sa voiture au milieu de protestataires qui bloquaient une autoroute.
"Vous voyez ce qui se passe dans la rue (...), tout le monde est très en colère, je suis vraiment triste", a dit à l'AFP Josh Hakim, un étudiant qui manifestait lundi soir près du Parlement à Jérusalem.
La mesure votée lundi, la première de la réforme à devenir une loi, empêche la Cour suprême d'invalider une décision gouvernementale en jugeant de son "caractère raisonnable". Cette clause avait contraint en janvier M. Netanyahu à démettre de ses fonctions le numéro deux du gouvernement, Arié Dery, condamné pour fraude fiscale, à la suite de l'intervention de la Cour suprême.
Les détracteurs du 1er ministre, en procès pour corruption, l'accusent de vouloir utiliser cette réforme pour atténuer un éventuel jugement à son encontre. B.Netanyahu a affirmé lundi vouloir négocier avec l'opposition sur la suite du projet de réforme et "mener un dialogue entre nous".
Le chef de l'opposition Yaïr Lapid a rétorqué que "l'objectif de Netanyahu était de faire taire les protestataires" et prévenu que la lutte ne faisait que commencer.
Les manifestations ont attiré des Israéliens de tous les horizons politiques et sociaux, laïques ou religieux, militants pacifistes, cols bleus ou travailleurs du secteur de la technologie mais aussi des réservistes de l'armée, dans un contexte de montée des violences israélo- palestiniennes.
L'ancien 1er ministre israélien Ehud Olmert a déclaré mardi qu'Israël était en fait entré dans les prémices de la guerre civile, décrivant l'annulation de la loi sur le "test de raisonnabilité" comme "un jour noir dans l'histoire du 'peuple' juif".
E.Olmert a déclaré, dans une interview à la chaîne britannique Channel 4, selon la traduction de l'agence 'Safa', que "le 'peuple' israélien entrera désormais dans la fournaise de la guerre civile". Ajoutant: "C'est une menace sérieuse que nous n'avons pas rencontrée dans le passé. Nous entrons lentement dans une guerre civile".
Il a poursuivi: "Nous parlons de désobéissance civile, avec toutes ses répercussions sur la stabilité de l'État et la capacité du gouvernement à gérer ses affaires. Nous parlons de l'échec d'une grande partie de la population à obéir à un gouvernement que la majorité du public considère comme illégitime."
E.Olmert a souligné que "le gouvernement a décidé de menacer les fondements de la démocratie israélienne », soulignant que « cela ne peut être ni toléré ni accepté".
Hier soir, la Knesset a finalement approuvé le projet de loi visant à abolir le "test de raisonnabilité" avec le soutien de 64 députés, sans objection, après que les députés de l'opposition aient évacué la salle de la Knesset lors du vote en signe de protestation contre la proposition.
Le «test du caractère raisonnable» est une loi qui permet au tribunal israélien de surveiller et de réviser les décisions du gouvernement, et d'annuler certaines d'entre elles si elles ne sont pas conformes à l'intérêt public.
Tel-Aviv a été témoin d'accrochages sérieux entre manifestants et policiers, après que plus de 170.000 personnes aient manifesté, en signe de protestation. Les manifestants ont bloqué les rues principales et les carrefours. Des milliers d’entre eux se sont rassemblés devant les bâtiments de la Knesset et de la Cour suprême à Jérusalem, Kaplan à Tel-Aviv, les principales routes «Ayalon», qui ont été fermées, en plus de manifestations dans toute l'entité.
La police a utilisé des véhicules pulvérisant de l'eau sur les manifestants, utilisant également des cavaliers pour tenter de les disperser. La police a déclaré avoir arrêté 18 manifestants soupçonnés d'avoir attaqué des policiers, d'avoir allumé des incendies et d'avoir eu une conduite désordonnée lors d'événements de protestation dans la ville. Selon le communiqué de la police, 10 policiers ont été blessés lors des affrontements avec les manifestants et ont dû recevoir des soins médicaux.
Communiqués de rédactions -
24.07.23
Sources: divers