Bonne nouvelle: la réforme judicaire de Netanyahu continue de diviser... jusqu'à l’armée israélienne
Presque tous les responsables militaires et sécuritaires sonnent l’alarme
C’est au sein de l’armée, beaucoup plus que toute autre institution israélienne, que la réforme judiciaire entreprise par Benjamin Netanyahu divise le plus.
Le ministre israélien de la Défense Yoav Galant a présenté à Netanyahu un tableau «très inquiétant» de l’état de l’armée et de la situation sécuritaire d’Israël, affirmant que la menace d’un refus de servir croissant ne se limitait plus aux réservistes, mais qu’elle pouvait s’étendre aux conscrits et aux officiers de carrière.
Selon i24, Le nombre d’opposants à la réforme de la justice promue par le gouvernement au sein de l’armée israélienne ne cesse de croître.
Vendredi, 200 nouveaux pilotes réservistes et 100 médecins qui servent au sein de la réserver de Tsahal ont déclaré qu’ils cesseraient leur service en raison de la réforme judiciaire.
Y.Galant a clairement fait savoir à B.Netanyahu que s’il n’y avait pas de changement ou de compromis sur la réforme judiciaire dans les prochains jours, il ne soutiendra pas la législation et pourrait même voter contre son adoption, a rapporté vendredi Channel 12.
Autre voix aussi alarmiste celle du chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi. Il a averti le gouvernement que l’armée était sur le point de réduire la portée de certaines opérations en raison du grand nombre de réservistes qui refusent de se présenter à leur poste, a rapporté vendredi le New York Times.
Selon Alon ben David, le chroniqueur de télévision, la situation est gravissime pour l’armée. "L’armée israélienne est mobilisée sur tous les fronts alors qu’elle est déchirée de l’intérieur. Et le chef d’état-major est conscient que l’armée qu’il est censé commander pourrait perdre de sa performance. Et si la semaine prochaine, des pilotes annoncent suspendre leur travail, l’armée de l’air ne pourra mener ses missions", a-t-il averti lors d’une interview avec la télévision israélienne Channel 13.
«Le pays ne peut exister sans Tsahal»
Mais Netanyahu ne semble pas vouloir fléchir pour autant. Quoique préoccupé par ce qui se passe au sein de l’armée. Jeudi 23 mars, il s’est engagé dans un discours télévisé à poursuivre la réforme.
Or, la procureure générale d’Israël Gali Baharav-Miara l’a averti le lendemain qu’il avait violé la loi sur les conflits d’intérêts, qui lui interdisait de s’impliquer directement dans les projets de réforme judiciaire de son gouvernement, alors qu’il est jugé pour corruption. Elle a toutefois indiqué qu’elle ne comptait pas ouvrir d’enquête à ce stade.
Selon i24, Netanyahu a déclaré vendredi que les appels à refuser de servir au sein de Tsahal constituaient un grave danger pour l’avenir d’Israël et qu’ils pourraient s’étendre au-delà de ceux qui s’opposent à la réforme.
Il a notamment assuré avoir entendu des personnes qui soutiennent les projets du gouvernement, dire qu’elles pourraient également refuser de servir si la loi n’était pas adoptée.
"Le pays ne peut exister sans Tsahal. Il n’y aura pas de nation, c’est très simple", a déclaré Benjamin Netanyahu vendredi. "Toutes les lignes rouges ont été franchies. Des gens qui étaient responsables de la sécurité du pays ont soudainement adopté ce cynisme".
La réforme affilie les juges à la mafia
Selon Amnoune Abramovitch, analyste politique israélien, Netanyahu n’en fera qu’a sa tête. Il a dit: "Netanyahu sous-estime les intelligences, ce qui est encore plus humiliant que les réformes judicaires. Ce qu’il a suggéré sur une commission de désignation des juges affiliés aux hommes politiques et au ministre de la Justice qui se balade avec quelqu’un de la mafia, compromet l’indépendance des juges qui feront partie de cette clique".
Chez les Netanyahu, la théorie du complot est de mise. Le fils du 1er ministre israélien Yaïr Netanyahu a accusé les Etats-Unis d’être derrière les événements que traverse l’entité sioniste depuis plus de 3 mois. «Le département d’Etat américain est derrière les protestations dans le but de renverser mon père», a-t-il tweeté le 24 mars.
Le ministre israélien de la guerre Yoav Galant a poursuivi, et appelé le samedi soir 25 mars, lors d’une allocution, à interrompre le processus législatif de la réforme judiciaire et «à tendre la main» pour des négociations.
"La sécurité d’Israël est le but de ma vie. Aujourd’hui encore, je suis prêt à prendre des risques et à en payer le prix. Les menaces qui nous entourent sont immenses, qu’elles soient proches ou lointaines", rapporte la télévision israélienne i24.
Galant a affirmé qu’au cours des dernières semaines, il s’est entretenu avec des responsables militaires au sujet des projets de réforme. "Je suis inquiet de ce que j’entends", a-t-il affirmé. "Je n’ai jamais été confronté à une telle intensité de colère et de douleur. La fracture sociale s’infiltre dans l’armée, ce qui constitue un danger immédiat et tangible pour la sécurité de l’État. Je ne donnerai pas ma main à cela", a poursuivi le ministre israélien.
"Nous avons besoin d’un changement dans le système judiciaire, mais les changements majeurs doivent se faire dans le cadre d’un dialogue. Le processus législatif doit être arrêté", a-t-il ajouté. Yoav Galant appelle à "mener un processus national unificateur et participatif qui renforcera Israël et préservera la force de Tsahal".
Au lendemain de ses déclarations, le ministre Galant a été limogé par le 1er ministre Netanyahu. Sans tarder, l’annonce de son renvoi a entraîné la démission du consul général d’Israël à New-York, Asaf Zamir. Le diplomate a qualifié sur Twitter le limogeage du ministre de «dangereuse décision» qui l’a «convaincu qu'il ne pouvait plus continuer de représenter ce gouvernement».
Deux députés du Likud ont par ailleurs exprimé sur Twitter leur soutien à M. Galant samedi, soulevant ainsi la question de savoir si le gouvernement pourrait compter sur la majorité s’il procédait à un vote. Sous le couvert de l’anonymat, un responsable du Likud a affirmé que Netanyahu avait perdu le contrôle de la situation.
Le jour suivant, dimanche 26 mars, des milliers de manifestants ont convergé, selon la police, vers la rue Kaplan dans le centre de Tel-Aviv, épicentre des protestations depuis la présentation en janvier du projet de réforme.
Contestant aussi bien le limogeage de Y.Galant que la réforme judiciaire, d’autres rassemblements spontanés ont eu lieu devant la résidence du 1er ministre à Jérusalem ainsi que dans d’autres villes du pays comme à Haïfa (nord) et à Beer-Sheva (sud), selon les médias locaux.
Munis de drapeaux bleu et blanc, des manifestants ont scandé des slogans comme «Bibi dégage!», reprenant le surnom de Benjamin Netanyahu en se rendant vers sa demeure. La nuit a été particulièrement violente. Des observateurs ont fait état qu’elle a été la plus dramatique jamais vue.
Grève générale
Le mouvement de contestations s’est poursuivi ce lundi, assorti par des appels à la grève générale qui a paralysé l’entité.
Des dizaines de milliers de protestataires se sont retrouvés devant le bâtiment de la Knesset. Ils étaient 115.000 dans l'après-midi selon la police israélienne qui a rendu compte de leur présence dans la ville sainte d’al-Qods /Jérusalem. Dans la matinée, le Parlement avait rejeté une motion de censure proposée par l’opposition par 59 voix contre 53.
De même la centrale syndicale israélienne Histadrut, plus gros syndicat de travailleurs israéliens, a annoncé «une grève générale» immédiate.
Ont également rejoint la grève, entre autres, le syndicat de l’ordre des avocats, des juges du service public, la Société d’électricité israélienne, le Conseil des travailleurs de la compagnie aérienne Alal, les Comités des ouvriers du port d’Ashdod, des propriétaires des restaurants en séries, des chefs d’autorités locales etc…
L’organisation des aéroports israéliens a annoncé l’arrêt des voyages entre Tel-Aviv et l’étranger. Les universités ont fermé leurs portes sine die. Les médias ont rapporté que mêmes les ambassades ont reçu des prescriptions les sommant de rejoindre la grève.
Pour une constitution israélienne
«Netanyahu peut renvoyer Galant, mais il ne peut pas renvoyer la réalité et ne peut pas renvoyer le peuple d’Israël qui s’oppose à la folie de la coalition», a tweeté le chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid. «Le 1er ministre d’Israël est une menace pour la sécurité d’Israël», a-t-il ajouté.
Dans son dernier discours ce lundi, il a présenté de nouvelles revendications. "Nous n’arrêterons pas jusqu’à ce qu’il y ait une Constitution pour Israël. Nous poursuivrons le combat dans les rues et la Knesset et partout. Nous ne capitulerons pas", a-t-il clamé lors d’une manifestation ce lundi. (L'Etat israélien ne dispose pas de Constitution écrite).
Il est question de divergences profondes au sein de la Commission constitutionnelle israélienne.
Les partisans de la réforme dans les rues
Netanyahu se trouve aussi tiraillé par le camp de la droite et des ultra-orthodoxes favorables à la réforme. Celui-ci commence à se manifester et assure vouloir recourir à la rue.
Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir a appelé à des manifestations dans toutes les régions pour soutenir la réforme judiciaire. "Aujourd’hui, nous arrêtons notre silence", a-t-il lancé. Il avait évoqué auparavant l’éventualité de présenter sa démission.
Des rabbins ont demandé au gouvernement de ne pas geler les réformes judiciaires.
Des affrontements entre les deux publics pourraient éclater, compromettant davantage la sécurité, fragilisée d’autant que les policiers sont d’ores et déjà débordés. Faisant craindre la concrétisation du spectre d’une guerre civile. Ce lundi, un Israélien a tenté d’écraser des manifestants dans la rue Ayalon à Tel-Aviv, ont rapporté les médias.
Des représentations diplomatiques étrangères ont mis en garde leurs ressortissants contre l’escalade des protestations et les retombées de la grève.
Crispation dans le gouvernement
Au sein du cabinet, les positions des ministres sont aussi crispées et leurs déclarations n’admettent qu’une suspension temporaire de la réforme pour dégonfler la colère.
Le ministre de la Justice a modéré sa position: après avoir fait part qu’il pourrait démissionner si la réforme est suspendue, Yariv Levin a déclaré qu’il allait respecter toute décision prise par Netanyahu pour empêcher l’effondrement du Likud.
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich s’est dit favorable à une suspension temporaire de la réforme puis il a déclaré dans l’après-midi que les réformes devraient entrer en vigueur. Lui et Ben-Gvir participeront à certaines manifestations. Alors que le président israélien Isaac Herzog a appelé le gouvernement à «stopper immédiatement» le travail législatif sur le projet de réforme judiciaire.
Mais, signe que le processus législatif n’a pas encore été enrayé, la Commission parlementaire des lois a voté lundi en faveur d’un des éléments centraux de la réforme, au coeur des inquiétudes de ses détracteurs: le projet de loi modifiant le processus de nomination des juges.
Dernière évolution: des affrontements ont éclaté entre les partisans de la réforme et ses contestataires dans la ville sainte d’al-Qods, selon Channel 12.
Confirmation de confusion: Netanyahu a reporté son discours prévu lundi après-midi dans lequel il devait donner son avis final. Pour l'instant, il a annoncé 'une pause' dans le dossier. Cela sera-t-il suffisant pour faire retomber la pression et apaiser les opposants?
Rédaction al-Manar -
27.03.23
Source: almanar.com