Abbas se lamente, la jeune garde s’impatiente...
Déçue par les échecs et radotages du raïs, une nouvelle génération militante appelle à dissoudre l’Autorité palestinienne
Réduite à un élément de langage diplomatique vidé de sens, la sacro-sainte «solution à deux Etats» n’apparaît plus comme une évidence.
A l’heure d’une déroute palestinienne dont on n’ose dire le nom, nombreux sont ceux à pousser pour des modèles alternatifs. Dont l’Etat binational de la Méditerranée au Jourdain, où juifs et Palestiniens partageraient le même pays.
Utopie presque inévitable pour les uns, menace existentielle pour les autres. Un vieux débat, redevenu brûlant, dans lequel s’est plongé 'Libération' pour ce dossier.
Pour Mahmoud Abbas, le plan de Donald Trump était la «gifle du siècle». Quid du récent accord de normalisation des relations entre Israël et les Emirats arabes unis ? «Un coup de poignard dans le dos.»
Depuis que le milliardaire new-yorkais a pris possession du Bureau ovale, le président de l’Autorité palestinienne s’est vu infliger humiliation après humiliation, du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem à la fermeture des bureaux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington.
Face au tandem Trump-Netanyahu, la stratégie du raïs octogénaire qui refuse la «reddition» - à savoir serrer les dents, radoter les mantras de la «solution à deux Etats» et attendre la défaite du président américain aux élections de novembre - s’est avérée peu probante, menant le projet national palestinien au bord de la faillite.
Depuis l’amorce du processus de paix il y a un quart de siècle, jamais les Palestiniens n’ont été aussi esseulés. Et jamais leur espoir d’Etat souverain et viable n’a semblé aussi chimérique, le reste du monde lassé de ce conflit vu comme désuet (voire désamorcé) et occupé ailleurs, entre pandémie, populismes et affaiblissement des gendarmes du monde, l’ONU en tête.
Pire, avec le rapprochement au grand jour entre Emiratis et Israéliens, les Palestiniens ont perdu leur dernier atout: le veto du monde arabe.
Lors d’un récent meeting «anti-normalisation» organisé par les huiles de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, le seul message de soutien diffusé devant un public clairsemé venait de Malaisie.
A Ramallah, la jeune garde intellectuelle appelle à une dissolution de l’Autorité palestinienne, ce gouvernement intérimaire dont le délitement a accouché d’une gérontocratie corrompue.
Ces activistes, qui refusent toute affiliation aux factions existantes, réclament la résurrection et la refonte de l’OLP, comme l’a proposé récemment le think-tank Al Shabaka.
Plutôt que des institutions fantômes ou répressives qui ne servent que les caciques du Fatah, ces derniers rêvent d’une OLP rajeunie, révolutionnaire et «inclusive».
C’est-à-dire ouverte au Hamas, au pouvoir à Gaza, aujourd’hui banni, et aux islamistes, seul moyen selon eux de fédérer les Palestiniens.
Face aux happenings séniles de Mahmoud Abbas, s’affichant au côté de l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert pour ressasser leur rendez-vous manqué de 2008, l’ambition non-avouée de la nouvelle génération est de redonner chair à l’utopique «solution à un Etat», en vogue dans les cercles universitaires.
Avec l’idée de replacer le combat palestinien dans le cadre d’un soulèvement antiraciste mondial, abandonnant le paradigme territorial au nom des droits civiques et d’une convergence des luttes, avec le mouvement Black Lives Matter notamment.
Une véritable hérésie pour les négociateurs de l’ère Arafat, qui n’y voient qu’une autre impasse. ‘Electrochoc impératif’, répond la nouvelle génération.
Guillaume Gendron (Tel-Aviv) -
30.08.20
Source: Libération.fr