Baqura & Al Ghumr reviennent à la Jordanie sous les acclamations de tout le Royaume
Du point de vue jordanien:
Les militants politiques, les jeunes et les citoyens ont exprimé leur joie et leur fierté devant la décision du Royaume de mettre fin aux annexes de Baqura et d'Al Ghumr dans le traité de paix israélo-jordanien
Dans son discours du Trône, lors de l’ouverture des sessions ordinaires du Parlement, le Roi a déclaré: "Aujourd’hui, je proclame la fin de la validité des annexes de l'accord de paix concernant Baqura et Ghumr, et le rétablissement de notre souveraineté totale sur ces territoires."
Pendant le discours, l'armée jordanienne a hissé le drapeau du Royaume au-dessus de Baqura. Peu après le discours, des vidéos d'Israéliens quittant la région ont commencé à circuler sur les médias sociaux, et le hashtag #Baqura_Al-Ghumr s’est répandu sur Twitter et Facebook.
"Merci, Votre Majesté, et félicitations à tous les Jordaniens, hommes et femmes... Baqura et Al-Ghumr sont de retour chez eux", a déclaré le chanteur jordanien Hussein Alsalman.
Le Secrétaire général du Parti démocratique populaire jordanien, Abla Abu Olbeh, a déclaré que c'était un jour pour célébrer une importante décision nationaliste et souveraine.
"C'est une grande réalisation et ce qui s'est passé aujourd'hui devrait marquer le début du travail de la Jordanie pour protéger ses intérêts en annulant le Traité de paix de Wadi Araba, qui va à l'encontre des intérêts du Royaume à tous les niveaux", a déclaré Abu Olbeh au Jordan Times.
Mohammad Absi, chef de la campagne anti-normalisation "Etharrak" et membre du parti populaire Al Wihda, a déclaré que c'est "un grand jour pour la Jordanie, qu’il faut célébrer et retenir comme une réalisation importante, mais il y a de nombreuses questions de souveraineté à résoudre, notamment l'accord gazier avec Israël, et nos droits sur les eaux".
"Il y a encore beaucoup de domaines qui permettront aux Israéliens d'exploiter la Jordanie à l'avenir dans d'autres questions souveraines qui sont mentionnées dans le Traité de paix, et qui finiront par constituer une grande menace pour notre sécurité, notre stabilité et nos intérêts", a déclaré Absi au Jordan Times.
Eva Abu Halaweh, directrice exécutive de Mizan Law Group, a dit: "Aujourd'hui, nous avons retrouvé notre dignité. Je pense qu'Israël va peut-être chercher à se venger, mais indépendamment de cela, récupérer notre terre est notre dignité et voir notre drapeau flotter sur ces zones est une source de fierté. C'est aussi une source de fierté et de confiance dans notre diplomatie", a-t-elle déclaré au Jordan Times.
Umm Mohammad, mère de cinq enfants, a dit: "C'est une victoire pour la Jordanie et nous sommes reconnaissants au roi Abdallah pour son initiative". "Nous sommes très heureux qu'Al-Ghumr et Baqura soient de retour en Jordanie sous notre contrôle total, mais nous espérons que nous ferons bon usage de la terre et que nous en profiterons pleinement", a déclaré Umm Mohammad au Jordan Times.
Une enseignante de 23 ans, qui a préféré garder l’anonymat, a déclaré qu'elle ne s’est jamais attendue à ce que "le gouvernement israélien rende quelque chose à la Jordanie".
"Nous espérons que nous aurons la pleine souveraineté sur ces deux belles régions et que nous n'aurons pas à renoncer à d'autres choses en retour", a déclaré l'enseignante au Jordan Times.
Des milliers d'autres Jordaniens ont tweeté des photos des terres nouvellement rendues, dont beaucoup ont été sous-titrées: "Bienvenue en Jordanie, Baqura et Al Ghumr!"
Obeida Yehya, citoyen jordanien, a tweeté: "Quelle belle matinée. Un matin hachémite, devrions-nous dire".
"Cette génération, guidée par Sa Majesté le Roi Abdallah, ne laissera aucun pouce de la Jordanie être occupé, loué ou vendu", a tweeté Abed Olimat, un autre citoyen.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux Jordaniens ont dit qu’ils attendaient ce bonheur "depuis 25 ans", période pendant laquelle les terres ont été louées depuis le Traité de paix israélo-jordanien de 1994. La décision de mettre fin à l’accord de location des terres a été prise en octobre 2018.
Le soutien à la décision du roi Abdallah exprimé sur les médias sociaux s'est étendu au-delà de la population jordanienne. Salah Ali Salah, du Yémen, a déclaré dans un tweet qu'il "espère que d'autres dirigeants arabes suivront les pas de Sa Majesté le Roi Abdallah en faisant passer les intérêts de leurs nations en premier".
Raed Mamoni, de Palestine, a tweeté qu'il "demande à son gouvernement de suivre l'exemple de la Jordanie et de mettre le holà quand il s’agit des droits et intérêts de son peuple".
Les médias locaux palestiniens et israéliens ont rapporté que la Jordanie a informé les autorités israéliennes d'évacuer la zone et des photos et vidéos des forces israéliennes fermant leurs points d'entrée dans la zone ont circulé sur les médias sociaux.
Rana Husseini , Maram Kayed -
Du point de vue israélien:
La récolte a été amère pour certains agriculteurs israéliens à la frontière avec la Jordanie. Dimanche, un accord vieux de 25 ans entre les deux pays qui leur a permis d'y cultiver des terres expire officiellement, rapporte Reuters.
Aux termes de l'accord, qui fait partie du Traité de paix israélo-jordanien de 1994, deux territoires situés à cheval sur la frontière ont été reconnus comme relevant de la souveraineté jordanienne, mais avec des dispositions spéciales permettant aux agriculteurs israéliens de travailler la terre et aux visiteurs de visiter le parc de l'île de la Paix dans cette région.
Mais en 2018, la Jordanie a déclaré qu'elle ne voulait pas poursuivre l'arrangement, ce qui fut largement perçu comme un signe de tensions croissantes dans les relations diplomatiques.
Le roi Abdallah a officiellement déclaré dimanche la fin de 25 ans de régime spécial, que la plupart des Jordaniens considèrent comme une humiliation qui perpétue l'"occupation" israélienne du territoire jordanien.
"Je proclame la fin de la validité des annexes de l'accord de paix concernant Baqura et Ghumr, et le rétablissement de notre souveraineté totale sur ces territoires", a déclaré Abdallah II devant le Parlement, marquant le début d'une nouvelle session parlementaire, sous les applaudissements des parlementaires et fonctionnaires.
Pour les Israéliens qui cultivent la terre, l'expiration de l'accord est un coup dur.
"Ce fut comme un coup de poing dans la figure", a déclaré Eli Arazi, 74 ans, un agriculteur dont le kibboutz, ou communauté agricole, travaillait une des parcelles de terre qui, en hébreu, s'appelle Naharayim et en arabe, Baqura.
Naharayim, qui signifie "deux rivières" en hébreu, est situé à cheval sur les rivières Yarmouk et Jourdain. Les Israéliens y font remonter les droits de propriété privée aux années 1920, lorsque le territoire faisait partie de la Palestine sous mandat britannique.
Arazi a déclaré que son kibboutz, Ashdot Yaacov Meuhad, y cultivait des olives, des bananes et des avocats depuis 70 ans.
La souveraineté jordanienne sur la région a été confirmée par le traité de 1994, tandis que les Israéliens conservaient la propriété foncière privée et des dispositions spéciales leur permettant de circuler librement.
La Jordanie continuera de respecter les droits de propriété des Israéliens qui possèdent des biens à Naharayim, selon des responsables israéliens et jordaniens.
Mais en l'absence de dispositions spéciales, ils devront maintenant faire face aux tracas des passages frontaliers normaux, ce qui rendra leur travail beaucoup plus difficile.
Sur la deuxième parcelle de terre, Tzofar [al-Ghumar], plus au sud, l'arrangement est maintenant terminé en totalité, bien que le ministère des Affaires étrangères d'Israël ait dit: "Le gouvernement jordanien autorisera les agriculteurs israéliens à récolter ce qui a été planté avant l'expiration de l’accord".
Disputes en cours
La Jordanie est l'un des deux seuls États arabes [avec l'Egypte-ndlr] à avoir conclu un accord de paix avec Israël, et les voisins ont une longue histoire de liens étroits en matière de sécurité. Mais le traité est impopulaire en Jordanie où le sentiment pro-palestinien est largement répandu [au moins 2/3 de la population jordanienne est d'origine palestinienne-ndlr].
La fin de l'accord sur les terres survient à un point bas dans les relations israélo-jordaniennes, a déclaré le ministre israélien de l'Agriculture Uri Ariel à Reuters: "Nous ne sommes pas en lune de miel, mais plutôt dans une période de disputes".
Amman a récemment été ébranlé par la promesse du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’annexer la Vallée du Jourdain, lors de la campagne électorale de septembre.
Au cours des dernières années, l'impasse dans laquelle se trouve le processus de paix israélo-palestinien et les différends concernant l’Esplanade des Mosquées, lieu sacré tant pour les musulmans que pour les juifs, ont encore pesé sur les relations.
Ariel a déclaré que le gouvernement israélien aurait dû essayer plus tôt de convaincre la Jordanie de prolonger l'accord.
Rédaction de MEE -
11.11.19
Source: ISM