FREE PALESTINE
19 septembre 2011

"L'Autorité palestinienne est une coquille vide"

"L'Autorité palestinienne est une coquille vide"

Par Vincent Hugeux, publié le 15/09/2011 à 07:30

Chercheur au CNRS, fin connaisseur du mouvement national palestinien, Jean-François Legrain voit dans la demande d'adhésion de la Palestine à l'ONU, prévue mardi prochain, un jeu de dupes. 

Au-delà de l'effervescence diplomatique qu'il suscite, quel est l'enjeu véritable du rendez-vous de New York?

D'un point de vue palestinien, il n'y a aucun résultat positif à en attendre. Mahmoud Abbas et son équipe sont pris dans une logique stérile dont ils ne peuvent sortir. Pis, cette échéance est porteuse d'effets pervers. A commencer par la tentation pour Israël d'invoquer "l'unilatéralisme" palestinien pour durcir le sien. En décidant par exemple d'annexer, moyennant quelques aménagements mineurs, les territoires situés en zone C [soit environ 60% de la Cisjordanie occupée, toujours sous contrôle de l'Etat hébreu]. 

Pourquoi un tel pessimisme?

Gardons-nous d'oublier la genèse de cette pseudo-initiative. Elle trouve son origine, non en Palestine, mais aux Etats-Unis. Dans les débuts du mandat de Barack Obama et son discours du Caire. Un élan qu'aura matérialisé le plan économico-institutionnel biennal lancé en 2009 par le Premier ministre palestinien Salam Fayyad, et adoubé par le Quartette [ONU, Etats-Unis. Union européenne, Russie]. Mais un élan brisé par le retournement d'Obama, lorsque, le 18 février, Washington oppose son veto à un projet de résolution condamnant la poursuite de la colonisation juive en Cisjordanie.  

L'échéance du 20 septembre peut-elle hâter le déclenchement d'une nouvelle intifada?

Je n'y crois pas. Cette troisième intifada surviendra un jour, mais pas dans ce contexte. On risque plutôt d'assister, comme en mars puis en mai, à des bouffées de fièvre locales. Rien de durable ni de généralisé.  

L'Autorité palestinienne pourrait-elle survivre à l'échec de sa demande d'adhésion?

Ce leadership est déjà en lambeaux. Personne sur le terrain ne croit plus en cette Autorité, ni à sa mission à la tête d'un Etat dépourvu de souveraineté, dont l'émergence, déconnectée de tout droit à l'autodétermination, ne signifie en rien la fin de l'occupation israélienne. Je vois dans l'aventure newyorkaise la tentative dérisoire d'une caste soucieuse de préserver les intérêts matériels que lui procure la gestion d'une coquille vide.  

Quel sera l'impact de "l'aventure" onusienne sur le processus de réconciliation, aujourd'hui en panne, entre le Fatah et les islamistes du Hamas, maîtres de la bande de Gaza?

Il ne peut que conforter le Hamas. D'autant que le processus en question doit moins aux Palestiniens eux-mêmes qu'à la volonté d'une diplomatie égyptienne renaissante de se refaire une virginité. Pour le Hamas, l'Etat n'est certainement pas la préoccupation du moment; et il en va de même pour la base nationaliste palestinienne. Aux yeux du mouvement islamiste, seuls importent la libération de la terre de Palestine occupée et la conquête d'une authentique souveraineté.  

Le dialogue inter-palestinien achoppe notamment sur la personnalité de Salam Fayyad, dont le Hamas exige le départ. Que traduit cette insistance?

A travers Fayyad, c'est toute la politique dictée par la communauté internationale que récuse le Hamas. Accepter son maintien reviendrait à avaliser tout ce qui a été imposé de l'extérieur et accepté par Mahmoud Abbas. Au fond Abbas et Fayyad souhaitent parvenir à un compromis avec Washington avant l'Assemblée générale. S'agissant du futur statut de la Palestine, il existe d'ailleurs une infinité de formules juridiques. A mon sens, ils peuvent encore reculer. L'abandon du projet serait d'autant plus facile que la base, c'est le moins que l'on puisse dire, n'y adhère pas. 

http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=1030049&k=19
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