FREE PALESTINE
24 mai 2022

Yahya Sinwar, le cauchemar d’Israël

Source: Externe

À l’instar des services de renseignement occidentaux lorsqu’ils tentent d’évaluer les risques ou de comprendre les grands phénomènes politiques au Moyen-Orient, les services de renseignement israéliens manifestent une parfaite myopie

 

Ils insistent sur l’analyse des attitudes et du langage corporel des individus au lieu de se concentrer sur le comportement des collectifs. C’est le cas aujourd’hui alors qu’Israël essaie désespérément de comprendre l’évolution de la dynamique politique en Palestine.

À la suite de la guerre israélienne contre Gaza en mai 2021, l’armée israélienne a préparé un «profil de personnalité»du chef du Hamas basé à Gaza, Yahya Sinwar. Bien que le Hamas et Sinwar aient été des acteurs politiques importants dans les événements qui ont eu lieu dans toute la Palestine à ce moment-là, les véritables acteurs au devant de la scène étaient les Palestiniens du peuple.

La rébellion populaire palestinienne n’a pas seulement défié l’occupation israélienne, mais le discours politique palestinien immobile, saturé de références aux factions et de luttes de pouvoir.

En règle générale, le gouvernement israélien, l’armée et leurs diverses branches du renseignement refusent de comprendre que le peuple palestinien est capable de se comporter et de répondre à la violence israélienne à sa propre initiative.

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Par exemple, à la suite du soulèvement populaire palestinien de 1987 – la 1è Intifada – Israël a décidé que tous les événements étaient orchestrés par le chef du Fatah et de l’OLP, Khalil Al-Wazir [Abu Jihad]. En avril 1988, un groupe de commandos israéliens l’a assassiné dans sa résidence de Tunis. Cependant, l’Intifada ne s’est pas arrêtée mais a repris de plus belle.

A présent, Israël dit avoir un problème avec Yahya Sinwar. Le dirigeant du Hamas a fait sa dernière  apparition publique dans la ville de Gaza le 30 avril. S’adressant à un groupe de dirigeants et de représentants de divers groupes politiques palestiniens, Sinwar a déclaré que «notre peuple doit se préparer à une grande bataille si l’occupation ne cesse pas son agression contre la mosquée Al-Aqsa».

Bien que Sinwar n’ait pas déclaré la guerre à Israël, il a souligné que les violations israéliennes à Al-Aqsa conduiraient à une «guerre religieuse à l’échelle régionale». Beaucoup peut être déduit de ces mots et du reste des déclarations de Sinwar.

De toute évidence, les Palestiniens essaient de changer complètement les règles d’engagement avec Israël.  Alors que les groupes religieux et fascisants d’Israël sont désormais les forces qui déterminent la politique israélienne, de nombreux Palestiniens estiment également que leurs symboles religieux, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, sont de fortes références d’unité.

De fait, le choix de tous les groupes palestiniens, y compris le Hamas, est stratégique. L’incapacité à parvenir à l’unité autour d’autres questions – le prétendu «processus de paix», la solution à deux États, la représentation politique, le type de résistance contre Israël et d’autres points de divergences – a rendu la recherche d’un terrain d’entente de jour en jour plus ardue.

Mais Jérusalem-Est, Al-Quds et, en particulier, la mosquée Al-Aqsa, sont toujours une plate-forme assurée pour l’unité nationale et spirituelle entre tous les Palestiniens. Avant mai, les Palestiniens étaient divisés, non seulement politiquement, mais aussi en termes de slogans et de priorités.

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Le Hamas voulait mettre fin au siège de Gaza, donc à son propre isolement. Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmud Abbas, voulait un semblant de processus politique qui lui conserverait un minimum de pertinence aux yeux du monde.

Les habitants de Jérusalem-Est se sont battus seuls contre les pressions israéliennes croissantes pour les expulser, maison par maison, de leur ville historique.

Les Palestiniens qui sont citoyens d’Israël avaient été presque entièrement mis à l’écart de la question nationale, malgré le fait que leur lutte contre le racisme et la marginalisation soit déterminante et concerne tous les Palestiniens.

Le mois de mai 2021 a changé tout cela. Lorsque Gaza a réagi pour alléger la pression sur Jérusalem – bien qu’au prix fort d’une guerre et d’une destruction massive – les communautés palestiniennes de toute la Palestine historique se sont mobilisées.

En utilisant les médias sociaux et d’autres plateformes, elles ont réussi à communiquer entre elles et à coordonner leurs actions. Leur message unitaire a résonné dans le monde entier.

Le Hamas, comme d’autres groupes palestiniens, faisait partie de cette action collective. Mais comme Abu Jihad n’a pas été à l’origine de la 1è Intifada, Sinwar n’a pas été à l’origine de la rébellion de mai. Pourtant, Israël refuse d’accepter cela parce que, ce faisant, il serait obligé d’avaler une pilule très amère: que la résistance palestinienne n’est pas liée à des individus ou à des groupes, mais est inhérente au comportement du peuple palestinien lui-même.

Cette prise de conscience évidente est difficile pour Tel-Aviv car cela signifie simplement qu’aucune quantité de préparation, de violence militaire ou de données de renseignement ne réussiront jamais à imposer l’occupation israélienne de la Palestine pour toujours.

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Inconscient de l’évolution de la réalité, en juillet dernier, Israël a fait sa prétendue évaluation de la situation, déclarant pratiquement que le problème n’est pas les violations des droits de l’homme, l’apartheid, l’occupation militaire, les provocations des colons juifs, le racisme et la démolition de maisons, mais Yahya Sinwar lui-même…

Dans un article rendant compte de l’évaluation militaire israélienne, le journal israélien Haaretz a fait part de l’obsession d’Israël pour les messages de Sinwar.

«Sinwar se transforme en une figure spirituelle», ont affirmé les analystes militaires, alléguant que le chef du Hamas, qui «est devenu imprévisible», prend les «traits de caractère de quelqu’un qui croit avoir été choisi pour diriger les Arabes dans le monde», et aurait été «choisi par Dieu pour combattre pour Jérusalem au nom des musulmans».

Cependant, si les analystes israéliens y avaient prêté plus d’attention, ils auraient compris que la popularité croissante, la confiance et l’évolution du discours politique de Sinwar sont tous intrinsèquement liés aux événements sur le terrain.

Ce qui signifie que le discours politique de Sinwar, comme celui d’autres dirigeants palestiniens – avec les responsables des groupes militaires du Fatah et même certains responsables de l’AP – sont le reflet des événements populaires sur le terrain, et non l’inverse.

Alors que les Israéliens continuent de chasser les mirages et tentent désespérément de décoder les messages, les Palestiniens ont le sentiment, pour la première fois depuis de nombreuses années, qu’ils sont capables d’imposer un minimum de faits politiques. Un bon exemple en est la décision d’Israël de reporter la Marche du drapeau, qui devait être organisée par des fascistes israéliens à Jérusalem le 20 avril.

Cependant, les messages palestiniens ne se limitent pas uniquement à Israël. Le fait que la résistance de Gaza ait menacé de tirer 1111 roquettes sur Israël, si ce dernier poursuivait ses provocations à Al-Aqsa, était destiné à un public palestinien.

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L’opération, selon des groupes de Gaza, s’appellera Abu Ammar – le nom de guerre de l’ancien chef du Fatah palestinien, Yasser Arafat. Abu Ammar est décédé [très probablement empoisonné par les Israéliens–NdT] le 11 novembre 2004.

Après des années de discorde politique et de désunion, les Palestiniens s’unissent enfin, dans le genre d’unité qui ne nécessite pas de réunions de haut niveau dans des hôtels de luxe suivies de conférences de presse et de déclarations officielles.

C’est l’unité du peuple palestinien lui-même, autour d’un ensemble de valeurs, d’un nouveau langage et d’un référentiel collectif. Au fond, c’est ce qui terrifie le plus Israël, et non pas les discours de Yahya Sinwar ou de tout autre dirigeant.

Ramzy Baroud -

21.05.22

Source: Chronique de Palestine

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