Un café de Gaza célèbre la détermination des Palestiniens et leur volonté de retour

Un nouveau café de Gaza est un lieu de rencontre avec un message – «Nous avons un foyer et nous y retournerons.»

Ragheed et Rana Moharm, avec leur petite fille de huit ans Tulip, ont décidé d’ouvrir dans la Bande de Gaza un petit café-salon culturel appelé 'Handal Hon', ce qui signifie «nous resterons ici».

Ragheed, 35 ans, est l’un des réfugiés palestiniens qui croit encore au retour sur les terres de sa famille à Jaffa, qui a été occupée par l’occupation israélienne en 1948. Il est déterminé à rester à Gaza, même alors que tous les gens de sa famille sont en Europe.

«J’ai reçu quantité d’invitations de la part de mes parents en Europe, au Brésil, dans les EAU et en Suède, et j’ai pourtant choisi de rester à Gaza», m’a dit Ragheed. «Même avec la dureté de la vie ici à cause de la mauvaise situation économique et le SSPT (symptôme de stress post-traumatique) dû aux guerres, c’est toujours notre Palestine.»

Ragheed dit qu’il n’aime pas la Palestine plus que ne l’aiment les Palestiniens qui vivent à l’étranger, c’est juste que ceux qui sont partis ne pouvaient pas vivre au milieu des guerres et des restrictions israéliennes.

Plutôt que de fuir la pression de la vie dans la Bande de Gaza, qui suffoque sous le siège israélien, il préfère rester à Gaza. Ragheed a travaillé en tant que réceptionniste dans un hôtel de Gaza pendant plus de 15 ans. En septembre 2020, il a démissionné à cause du manque de clients dû à la crise de la Covid-19.

Ragheed a ouvert 'Handal Hon' rue Wehda au centre de Gaza le 15 novembre, date du jour de l’indépendance palestinienne. «J’ai choisi d’ouvrir le café ce jour là parce que cela signifie beaucoup pour moi et tous les Palestiniens», a-t-il dit.

Le petit café est plein de détails. Les murs du café sont décorés avec des photos de nombreux auteurs et artistes tels que Edward Saïd et Mahmoud Darwish. Il y a des livres et des romans d’écrivains arabes et étrangers dans tous les coins du lieu, offrant aux clients une chance de lire.

En plus de la musique classique diffusée en continu dans le café, il y a également sur place des instruments de musique comme un oud et un violon, au cas où un visiteur jouerait de la musique.

Le café sert de délicieux cafés chauds et froids à des prix raisonnables, et également abordables pour tous les gens de Gaza.

Le petit salon culturel est toujours plein de musiciens, acteurs, écrivains, photographes et Gazaouis jeunes et vieux qui profitent de ce temps au café pour se rencontrer, lire des livres, travailler sur leurs portables, jouer de la musique, ou chanter des chansons traditionnelles.

«En tant que traducteur indépendant, je trouve que 'Handal Hon' est le meilleur café pour pouvoir échapper au bruit de chez moi», m’a dit en souriant Basma,  24 ans, l’un des clients du café. «Je travaille sur mon portable tout en buvant la plus agréablement goûteuse tasse de cappuccino préparée par Ragheed».

«Tout en écoutant Fairouz, ‘célèbre chanteuse arabe’, je jouis tous les jours de ma tasse de thé matinale avec Ragheed », m’a dit Yehia, 30 ans et musicien de oud, en parlant du café.

Rana, la femme de Ragheed, est agent administratif dans une organisation musicale de Gaza. Après le travail, elle termine sa journée au café.

«Même avec de précieuses opportunités pour une vie meilleure hors de Palestine, j’ai toujours été d’accord avec Ragheed pour rester ici», m’a dit Rana. «De même que Ragheed et moi avons bâti Handl Hon de nos propres mains, nous bâtirons notre foyer à Jaffa», a ajouté Rana.

Le père de Ragheed était de Jaffa et il parlait à Ragheed de Jaffa, de Haïfa, Lod, Tibériade, Ramla, Tiba et des autres régions et villages palestiniens occupés.

«Ezz, mon père, me parlait de la culture des oranges à Jaffa, qui était célèbre pour son exportation des agrumes via le port de Jaffa vers le monde entier», m’a dit Ragheed.

Il m’a montré plein de photos tirées de l’album de photos de son père, du port de Jaffa, les bus palestiniens qui circulaient librement entre les villes palestiniennes, et il m’a montré le train de Gaza qui reliait l’Égypte et Gaza.

«Ezz m’a donné son album de photo spécial. Il m’a aussi donné notre titre foncier de propriété; je lui ai promis de le conserver jusqu’à ce que nous retournions.»

Quand les Palestiniens ont été forcés de quitter leurs terres en 1948, ils ont présumé qu’ils reviendraient. Aussi, de nombreux Palestiniens n’ont pris que la clef de leur maison et leurs titres de propriété parce qu’ils avaient peur qu’on les vole.

Les Palestiniens n’avaient pas envisagé que l’occupation avait prévu de voler leur terre pour toujours.

Le rêve du retour est dans l’esprit des Palestiniens à tout moment. «Pour moi, ‘Handal Hon’ n’est pas qu’un nom, mais un message», a dit Ragheed quand je l’ai interrogé sur ce nom. Il a ajouté: «C’est un message à ma petite Tulip lui disant que nous avons un foyer et que nous y retournerons.»

La plupart des Palestiniens espèrent pouvoir prier à Jérusalem, célébrer à Bethlehem, manger du knafeh à Naplus, s’asseoir sur la plage à Akka, cueillir les olives à Naplus, et regarder les verreries à Hébron. La plupart des Palestiniens espèrent s’endormir sans penser qu’il seront une cible, ou que leur maison leur sera volée à tout moment et sans raison.

Tous les réfugiés palestiniens ont la nostalgie de leurs maisons et de leurs terres. Ils transmettent leur nostalgie et leur mal du pays à leurs enfants, et leurs enfants le transmettront aux leurs.

Ragheed veut non seulement que sa petite Tulip grandisse en comprenant qu’elle appartient à la Palestine, mais que tous les Palestiniens aussi.

Ragheed a résumé ceci tout en regardant la photo de son père. Il a dit: «Mon père, c’était le passé», puis il a mis la main sur sa poitrine et a dit: «Je suis le présent», puis il a mis la main sur la tête de sa petite fille et il a dit: «Et elle est le futur.»

Ahmed Dremly -

20.01.22

Source: Agence Medias Palestine