FREE PALESTINE
6 avril 2021

Les élections palestiniennes auront-elles lieu?

Source: Externe

En Palestine, le mirage d’une démocratie sous occupation

 

De nombreux intellectuels et analystes politiques palestiniens se retrouvent dans la position peu enviable d’avoir à se prononcer sur le fait de soutenir ou non les prochaines élections palestiniennes qui sont prévues les 22 mai et 30 juillet. Mais il n’y a pas de réponse aisée.

Le décret tant attendu du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en janvier dernier pour la tenue d’élections législatives et présidentielles dans les prochains mois, a été largement salué, non pas comme un succès pour la démocratie mais comme le premier résultat positif et tangible du dialogue entre les organisations palestiniennes rivales, principalement le Fatah [le parti d’Abbas] et le mouvement Hamas [la résistance islamique].

Concernant le dialogue interne palestinien, les élections, si elles se déroulent sans obstruction, pourraient laisser espérer que les Palestiniens des territoires occupés bénéficieront enfin d’un certain degré de représentation démocratique, un premier pas vers une représentation plus complète qui pourrait inclure les millions de Palestiniens vivant hors des territoires occupés.

Mais une attente même aussi minimaliste est assortie de nombreuses conditions:

* que les organisations palestiniennes honorent leurs engagements fixés dans l’Accord d’Istanbul du 24 septembre
* qu’Israël autorise les Palestiniens, y compris les habitants de Jérusalem, à voter sans entrave et s’abstienne d’emprisonner des candidats palestiniens
* que la communauté internationale dirigée par les États-Unis accepte le résultat des élections démocratiques sans punir les partis et les candidats victorieux [qui ne lui plairont pas]
* que les élections législatives et présidentielles soient suivies d’élections plus substantielles au Conseil National Palestinien (PNC), le Parlement palestinien en exil – etc…

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Il suffit que l’une de ces conditions ne soit pas remplie pour les élections de mai n’amènent aucun résultat pratique, à part donner à Abbas et à ses rivaux un vernis de légitimité, leur permettant de gagner du temps et d’obtenir encore plus de fonds auprès de leurs bienfaiteurs financiers.

Tout cela nous oblige à nous poser la question suivante: la démocratie est-elle possible sous occupation militaire?

Presque immédiatement après les dernières élections législatives palestiniennes – sous surveillance internationale et tenues en 2006 – dont le résultat a déplu à Israël, 62 ministres palestiniens et membres du nouveau parlement ont été jetés en prison, et beaucoup d’entre eux y sont toujours.

L’histoire se répète puisque Israël a déjà lancé ses campagnes d’arrestation des dirigeants et des membres du Hamas en Cisjordanie.

Le 22 février, plus de 20 militants palestiniens, dont des responsables du Hamas, ont été kidnappés par les forces d’occupation, ce qui équivaut à un message très clair aux Palestiniens qu’Israël ne tient aucun compte de leur dialogue, leurs accords d’unité ou leur démocratie.

Deux jours plus tard, le dirigeant du Hamas, âgé de 67 ans, Omar Barghouti, a été convoqué par les services de renseignements militaires israéliens en Cisjordanie occupée et a été mis en garde contre une candidature aux prochaines élections: «L’officier israélien m’a prévenu de ne pas me présenter aux prochaines élections et m’a menacé d’emprisonnement si je passais outre», a narré Barghouti à Al-Monitor.

La loi fondamentale palestinienne autorise les prisonniers à se présenter aux élections, qu’elles soient législatives ou présidentielles, simplement du fait que les plus populaires parmi les dirigeants palestiniens sont souvent derrière les barreaux. Marwan Barghouti est l’un d’entre eux.

Emprisonné depuis 2002, Barghouti reste le dirigeant le plus populaire du Fatah, plus apprécié des jeunes cadres du mouvement par opposition à la vieille garde d’Abbas. Ce dernier groupe a énormément bénéficié du système corrompu de favoritisme politique sur lequel le "président" de 85 ans a construit son pouvoir.

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Pour maintenir en place ce système vénal, Abbas et ses seconds-couteaux ont fait leur maximum pour marginaliser Barghouti, ce qui amène à suggérer que l’emprisonnement par Israël de ce dirigeant populaire du Fatah sert les intérêts de l’actuel chef de l’Autorité palestinienne [AP].

Cette idée a beaucoup de pertinence, non seulement parce qu’Abbas n’a guère fait pression sur Israël pour une libération de Barghouti, mais aussi parce que tous les sondages d’opinion dignes de foi démontrent que Barghouti est largement plus populaire parmi les partisans du Fatah – et tous les Palestiniens – qu’Abbas.

Le 11 février, Abbas a dépêché Hussein al-Sheikh, ministre des Affaires civiles et membre du Comité central du Fatah, pour dissuader M.Barghouti de se présenter aux prochaines élections présidentielles.

Le meilleur scénario pour le chef de l’AP serait de profiter de la popularité de Barghouti en faisant en sorte qu’il dirige la liste du Fatah aux élections pour le Conseil législatif palestinien (CLP). Ainsi, Abbas pourrait assurer une forte participation des partisans du Fatah, tout en se garantissant le poste de président.

M.Barghouti a rejeté sans équivoque la requête d’Abbas, représentant ainsi un défi inattendu pour Abbas, qui risque à présent de voir se diviser les voix du Fatah, de perdre à nouveau les élections au CLP au profit du mouvement Hamas, et de perdre les élections présidentielles face à Barghouti.

Entre les raids toutes les nuits par l’armée israélienne et les intrigues politiques au sein du Fatah, on se demande si les élections – si elles ont lieu – permettront enfin aux Palestiniens de mettre en place un front uni dans la lutte contre l’occupation israélienne et pour la liberté des Palestiniens.

Il y a également la question de la position qu’adoptera la dite "communauté internationale" face au résultat des élections.

Les reportages parlent des efforts déployés par le Hamas pour obtenir des garanties du Qatar et de l’Égypte «pour s’assurer qu’Israël ne fera pas la chasse à ses représentants et candidats aux prochaines élections», comme le rapporte Al-Monitor.

Mais quel genre de garanties les pays arabes peuvent-ils obtenir de Tel-Aviv, et quelle influence peuvent bien avoir Doha et Le Caire alors qu’Israël continue de ne pas tenir compte des Nations-Unies, du droit international, de la Cour pénale internationale, pour ne citer qu’eux?

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Néanmoins, la démocratie palestinienne peut-elle se permettre de rester dans un tel état d’inertie? Le mandat d’Abbas en tant que président a expiré en 2009, le mandat du CLP a expiré en 2010, et l’Autorité palestinienne n’a été créée qu’en tant qu’organe politique intérimaire dont la fonction aurait dû cesser en 1999.

Depuis lors, la «direction palestinienne» n’a plus de légitimité aux yeux des Palestiniens et son existence ne dépend que du bon vouloir de ses bienfaiteurs, pour lesquels la démocratie en Palestine est le cadet des soucis.

Le seul aspect positif de cette affaire est que le Fatah et le Hamas se sont également mis d’accord sur la restructuration de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), aujourd’hui largement monopolisée par le Fatah d’Abbas. Que la refonte démocratique de l’OLP se fasse ou non, dépend en grande partie du résultat des élections de mai et juillet.

La Palestine, comme d’autres pays du Moyen-Orient et parmi eux Israël, connaît une crise de légitimité politique. Étant donné que la Palestine est une terre occupée avec peu ou pas de liberté du tout, il est légitime de soutenir qu’une réelle démocratie dans d’aussi terribles conditions reste une chimère.

Ramzy Baroud -

20.03.21

Source: Chronique de Palestine

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