Rejet de la définition de l’antisémitisme du lobby pro Israël par les universités du Royaume-Uni
Seule une minorité d’universités britanniques a adopté la définition trompeuse et politiquement motivée de l’antisémitisme, promue par Israël et son lobby
Malgré les menaces répétées du gouvernement britannique, moins de 22% des établissements d’enseignement supérieur ont adopté la «définition de travail» de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).
La définition de l’IHRA a été condamnée à plusieurs reprises par des défenseurs de la liberté d’expression, des Palestiniens, des militants juifs, le mouvement de solidarité avec la Palestine, des groupes noirs et asiatiques.
Mais le ministre de l’éducation du Parti conservateur, Gavin Williamson, a écrit aux universités pour leur demander «d’adopter formellement» la définition le 9 octobre. G.Williamson a même menacé de réduire le financement qu’elles reçoivent du gouvernement si elles ne le font pas.
Il a déclaré qu’il avait demandé aux fonctionnaires d’examiner comment «imposer de nouvelles conditions réglementaires» pour suspendre le financement «des universités où se produisent des incidents antisémites» qui n’ont pas souscrit à la définition. Il a menacé d’agir avant Noël, «si je n’ai pas vu l’écrasante majorité des institutions adopter la définition».
La lettre de M. Williamson assimile de manière fallacieuse le refus d’adopter la définition spécifique privilégiée par le gouvernement britannique et les partisans d’Israël, à une apologie de l’antisémitisme.
C’est faire fi des graves préoccupations sur l’utilisation abusive déjà répandue de la définition de l’IHRA pour stigmatiser et censurer les discours critiques à l’égard de la politique d’Israël contre les Palestiniens. Le gouvernement a maintenant recours aux menaces et à la coercition après avoir échoué à faire valoir ses arguments.
«Motifs politiques»
Le groupe de gauche 'Jewish Voice for Labour' a répondu que cette lettre était «un rappel effrayant de la vitesse à laquelle le gouvernement s’apprête à imposer un contrôle totalitaire de la pensée».
Le groupe qualifie la définition de «politiquement motivée et intellectuellement incohérente». La majorité des exemples «d’antisémitisme» de la définition de l’IHRA se concentrent sur Israël. Certains pourraient même interdire les critiques d’Israël et de son idéologie officielle, le sionisme.
Un des exemples d’antisémitisme supposé est: «Nier au peuple juif son droit à l’autodétermination, par exemple en prétendant que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste».
Cela pourrait être utilisé pour empêcher les Palestiniens de parler de leur histoire, en particulier de la Nakba – le nettoyage ethnique systématique des Palestiniens par les milices armées sionistes en 1947-48, destiné à créer un État israélien à majorité juive.
La définition pourrait également être utilisée pour cibler toute personne qui plaide en faveur d’un État unitaire, démocratique et non sectaire, pour tous, dans la Palestine historique, au lieu d’un «État (spécifiquement) juif» qui accorde des droits supérieurs à un groupe de personnes par rapport à un autre – comme c’est le cas actuellement en Israël.
Menaces répétées
Avec la lettre de M. Williamson, ce n’est pas la première fois que le gouvernement conservateur menace le financement des universités pour le refus d’adopter la définition. En janvier, le ministre des collectivités, Robert Jenrick, a exprimé une menace similaire – mais il semble que rien n’en soit sorti.
En février 2017, un ancien ministre de l’éducation a écrit aux universités pour leur dire que le gouvernement avait adopté la définition quelques mois auparavant – mais il n’a pas été jusqu’à leur demander de l’adopter également.
Cette lettre est intervenue au milieu d’une vague de répression visant les activités de solidarité avec la Palestine pendant la semaine contre l’apartheid israélien.
La définition de l’IHRA a été utilisée à plusieurs reprises comme prétexte pour réprimer la liberté d’expression sur la Palestine, en particulier au sein du parti travailliste. L’exemple le plus récent a été donné la semaine dernière aux États-Unis.
Le secrétaire d’État Mike Pompeo a menacé d’utiliser la définition pour qualifier «d’antisémites» Amnesty International, Human Rights Watch et Oxfam pour leur soutien perceptible au boycott de l’occupation israélienne.
«Un outil de censure»
L’avocat des droits humains, Jamil Dakwar, l’a qualifié de «nouvelle tentative dangereuse de militarisation de l’antisémitisme».
«La définition de l’IHRA ne vise pas à assurer la sécurité du peuple juif», a déclaré Beth Miller, de la 'Jewish Voice for Peace Action', «c’est un outil de censure». La définition «manipule l’inquiétude quant à la sécurité des juifs et la transforme en un moyen d’interdire et de criminaliser le soutien aux droits des Palestiniens», a-t-elle déclaré.
En même temps, au Royaume-Uni, l’antisioniste juif et militant de la solidarité avec la Palestine, Tony Greenstein, a écrit sur son blog que la tentative de Williamson d’intimider les universités pour qu’elles adoptent la définition «est comme un patron de la mafia qui offre une "protection" à ses clients».
«L’un des aspects les moins remarqués de l’IHRA est le fait que les véritables antisémites n’ont pas de problème avec l’IHRA. L’IHRA est là pour défendre l’apartheid israélien, pas les juifs», selon Greenstein.
Le faible nombre d’universités à avoir adopté la définition a été révélé à la suite de requêtes en liberté d’information par un groupe de pression pro-israélien.
L’Union des étudiants juifs (UJS) a écrit aux 133 établissements d’enseignement supérieur du Royaume-Uni et a publié ses conclusions en septembre.
Seuls 29 d’entre eux ont déclaré avoir adopté la définition trompeuse d’Israël. 7 d’entre eux n’ont pas répondu et 80 ont déclaré qu’ils n’avaient pas l’intention de l’adopter. 17 autres ont déclaré qu’ils envisageaient de discuter ou de débattre de son adoption.
L’UJS a déclaré que l’intervention de Jenrick avait été faite après que le groupe se soit engagé dans un «lobbying intensif». La constitution de l’UJS l’engage à «motiver les étudiants juifs à s’engager durablement» envers Israël.
En 2017, un ancien candidat à la présidence de l’UJS a révélé, dans une séquence filmée en dissimulation par Al Jazeera, que «l’ambassade israélienne au Royaume-Uni donne de l’argent à l’Union des étudiants juifs».
Asa Winstanley -
27.10.20
Source: Agence Medias Palestine