FREE PALESTINE
1 mars 2020

Quand un professeur de français raconte le quotidien de Gaza... quelle leçon de dignité (+vidéo)

Source: Externe

En couvrant la vie de tous les jours dans des vidéos postées sur internet, Waleed Abou Dbaa répond au blocus israélien à sa manière

 

«Je ne parle plus de politique.» Waleed Abou Dbaa, 34 ans, connu pour ses vidéos en français sur le quotidien des Gazaouis, accepte avec enthousiasme l’idée d’un entretien par téléphone, mais à une condition: aborder ses activités «humaines et humanitaires» et laisser les affaires politiques de côté.

Un pari difficile à Gaza dans un contexte de blocus qui, depuis 2006, paralyse l’économie et bloque les déplacements.

Le parcours francophone du jeune Gazaoui débute en 2003, alors qu’il décide de s’inscrire au département de français de l’Université d’al-Aqsa, fraîchement inauguré. Après une année préparatoire, il réussit l’examen d’entrée et intègre le programme de langue française et d’enseignement.

Une fois les études achevées, il décide de poursuivre sa pratique linguistique en réalisant des vidéos qu’il met en ligne. Il y commente le quotidien de la vie à Gaza, les dégâts des eaux suite aux inondations, le secret de fabrication des «katayef» ou l’ambiance colorée du souk alimentaire.

En 2008, en 2011, en 2014, c’est dans ces vidéos qu’il documente les bombardements israéliens qui feront des milliers de victimes.

Ces nouvelles rencontres lui ouvrent les portes de l’engagement associatif: «Avec l’intervention israélienne de 2014, les gens ont commencé à demander comment ils pouvaient aider, comment envoyer des dons.»

Entre deux vidéos, et grâce à ces soutiens, il se lance dans un projet humanitaire en créant un groupe de bénévoles qui aide à la reconstruction et distribue l’aide alimentaire.

Source: Externe

En 2016, il fonde «Tabassam». L’association propose l’enseignement du français à une centaine d’enfants, ainsi que des classes de mathématiques, de sciences et des activités parascolaires.

Waleed Abou Dbaa travaille aujourd’hui à la création d’une nouvelle école afin de moderniser et d’étendre l’offre d’enseignement. Pour lui, c’est l’ancrage local qui, allié au soutien international, permet d’avoir un impact qui serait hors d’atteinte pour les grandes organisations.

«Les Gazaouis ont besoin du français»

Avec 650 abonnés sur sa chaîne YouTube, la présence en ligne de Waleed Abou Dbaa demeure modeste. Mais au-delà des réseaux de solidarité, elle lui a permis de faire entendre sa voix dans les médias occidentaux.

«Les gens apprécient de pouvoir avoir une relation directe avec quelqu’un sur place qui parle français», note-t-il. Il mise donc sur l’échange afin de rompre un isolement avant tout physique.

«Les Gazaouis ont besoin du français. Beaucoup de ceux qui soutiennent la cause palestinienne parlent français.» En 2019, il s’associe à une galerie en Suisse afin de monter une exposition de dessins qui illustre la situation à Gaza.

«Les élèves étaient heureux d’être en contact direct avec des francophones. Beaucoup étaient critiques, sceptiques quant à l’utilité du français pour les enfants. J’ai essayé d’encourager un vrai lien.»

La nécessité d’établir un contact avec le monde extérieur semble d’autant plus pressante à mesure que la situation s’enlise. En janvier dernier, l’annonce du plan Trump pour la paix, qui adopte les positions du gouvernement Netanyahu, a encore davantage assombri les perspectives.

«Tout le monde est en colère et triste. Les bombardements, le blocus, le chômage, les coupures d’électricité, d’eau, tout est toujours là. Beaucoup de diplômés ne trouvent pas de travail. Je connais un médecin qui travaille dans la rue pour distribuer des canettes de cola. La vie est aussi très chère. En plus du blocus, les Israéliens nous obligent à acheter leurs produits», déplore-t-il.

«J’ai beaucoup de menaces de mort sur Facebook»

Le contexte implique de tenir compte des impératifs économiques, du fort taux de chômage et des restrictions: dans l’association du jeune Gazaoui, les frais de scolarité, qui s’élèvent à environ 85 dollars par an, sont payés dans la mesure du possible.

«Ceux qui peuvent payer, tant mieux, mais pour ceux qui ne peuvent pas, ce n’est pas grave, ils paient quand ils peuvent, je sais que la situation est difficile.» Livres, uniformes, repas: chaque nouveau don est l’occasion de redistribuer à la communauté.

Professeur, humanitaire, militant. Waleed n’aime pourtant pas les étiquettes qui pourraient l’enfermer dans un registre ou l’exposer à des critiques faciles. «Je me définis comme un être humain. Je cherche la paix et je résiste par l’éducation. Chaque enfant a le droit à une bonne éducation. On essaie de les aider pour améliorer leur vie. C’est tout.»

Malgré ces précautions, certains voient d’un mauvais œil le message véhiculé par le jeune homme. «Il y a beaucoup de gens qui sont racistes, alors même que je ne parle pas de politique. Quand, dans mes vidéos, je montre les bombardements ou la peur des enfants, certains Israéliens francophones m’accusent de faire la propagande du Hamas ou de mentir. J’ai beaucoup de menaces de mort sur Facebook. Ce que je montre les dérange.»

Des commentaires qui appellent le jeune homme à plus de prudence, mais n’entachent en rien sa détermination.

[Pour ceux qui veulent suivre Waleed voici le lien sur Youtube: Waleed Aboudipaa - ndlr]

Stéphanie Khouri -

22.02.20

Source: OLJ

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