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Comme attendu, le «plan du siècle» américain, fait la part belle aux intérêts israéliens

 

Dans une atmosphère qui «ressemblait davantage à un rassemblement à Mar-a-Lago [résidence du président des Etats-Unis en Floride, ndlr], réunissant de très bons amis, plutôt qu’à l’événement sombre auquel on aurait pu s’attendre pour le déploiement d’un plan de paix au Moyen-Orient», comme l’a noté le média américain Al-Monitor, Donald Trump et le Premier ministre israélien par intérim, Benjamin Netanyahu, ont empilé les déclarations satisfaites et autres congratulations, «souvent interrompues par des applaudissements», pour présenter la «vision» du chef de l’Etat américain pour la région.

Une percée historique, selon les deux responsables politiques. «Ma vision présente une opportunité ‘‘gagnant-gagnant’’ pour les deux parties, une solution réaliste à deux Etats qui résout le risque de l’indépendance palestinienne pour la sécurité d’Israël [qui] fait un pas géant vers la paix», a estimé M. Trump.

D’après lui, M. Nétanyahou et Benny Gantz, le leader du parti Bleu Blanc (centre) qui sera opposé au Premier ministre israélien lors des législatives du 2 mars prochain, ont convenu d’approuver cette «vision» comme base pour des négociations directes avec les Palestiniens, qui contrairement aux deux hommes politiques israéliens, n’étaient pas conviés à Washington.

Ils avaient d’ailleurs annoncé, en début de semaine, qu’ils rejetteraient le plan américain quoi qu’il arrive. Mais de quoi est fait ce plan exactement?

Amoncellement

Si Donald Trump a inscrit sa «vision» dans le cadre de la fameuse solution à deux Etats – internationalement soutenue - les détails sont largement favorables à l’Etat hébreu. Et à sa sécurité surtout.

Ainsi, pour que les Palestiniens voient la couleur des 50 milliards de dollars d’investissement promis lors de la conférence de Manama (Bahreïn) l’an dernier, ils devront commencer par abandonner Jérusalem-Est aux Israéliens, qui ont déjà fait de la ville leur capitale – reconnue comme telle par les Etats-Unis en 2017. 

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«Jérusalem restera la capitale souveraine de l’Etat d’Israël et une ville indivisible. La capitale de l’Etat de Palestine devrait se trouver à l’est et au nord de la barrière de sécurité existante», indique le plan américain.

Les Israéliens devraient mettre la main sur l’ensemble de la vallée du Jourdain, de facto dirigée par l’armée israélienne depuis 1967 («Guerre des Six Jours»), et récupérer la souveraineté sur toutes les colonies établies en Cisjordanie – que le droit international juge illégales - ainsi que sur les «avant-postes», ces territoires israéliens que même l’Etat hébreu juge illégaux.

Les Palestiniens devront également veiller à la démilitarisation de la bande de Gaza: «La situation à Gaza est très compliquée. Elle est sous le contrôle du Hamas, un groupe terroriste, et en raison de la politique du Hamas, frôle la crise humanitaire. Il est temps d’aider les Palestiniens et leur permettre d’accéder à un avenir plein d’espoir et de prospérité en rejoignant la communauté des nations», est-il écrit dans le plan américain.

En échange, celui-ci prévoit un gel durant quatre ans des nouvelles colonisations israéliennes en Cisjordanie, et l’érection d’un Etat palestinien, qui tient cependant davantage de l’amoncellement de territoires épars. Ces derniers devraient être reliés par «un réseau innovant de routes, de ponts et de tunnels» ou d’«infrastructures de pointe».

Le plan publié mardi par la Maison Blanche prévoit également de faciliter la circulation des personnes ainsi que des marchandises, entre les territoires israélien et palestiniens, à condition, toujours, que la sécurité d’Israël soit respectée. D’où un système de passage aux frontières dont la surveillance sera confiée à l’Etat hébreu.

Liquidation

Selon Donald Trump et les architectes de la «vision» américaine – dont le gendre du président, Jared Kushner - les principes énoncés doivent notamment permettre de juguler le terrorisme, faire repartir l’économie palestinienne et, globalement, visent à «la prospérité et un avenir meilleur»

«Cette vision tient compte des réalités d’aujourd’hui et offre aux Palestiniens, qui n’ont pas encore d’Etat, une voie vers une vie nationale digne, le respect, la sécurité et des possibilités économiques».

Pour l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), en revanche, il en va tout autrement: plutôt que d’un «plan pour la paix», il s’agit d’un «plan de liquidation de la cause palestinienne», écrit-elle dans un communiqué publié ce jour.

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«Quel spectacle révoltant nous ont offert ce 28 janvier Trump et Netanyahu, qui prétendaient présenter ensemble un «plan de paix» concernant au premier chef les Palestiniens… sans la moindre présence palestinienne», note d’emblée l’AFPS. Qui rappelle que les deux responsables politiques sont «sous le coup de poursuites» et «tous deux obnubilés par l’échéance électorale à venir» – en novembre 2020 pour le premier; le 2 mars prochain pour le second. 

«Trump fait un cadeau électoral à Netanyahu en lui donnant sa bénédiction à l’annexion de toutes les colonies et de la vallée du Jourdain. Cynique jusqu’au bout, il l’adosse à la promesse d’un supposé Etat palestinien fractionné et dépouillé de sa capitale Jérusalem et de toutes ses ressources».

L’association, comme de nombreuses autres voix, critique le rôle que se sont attribués les Etats-Unis pour définir ce plan de paix israélo-arabe – une fonction qui aurait dû revenir à institution comme les Nations-unies (ONU) par exemple. 

«En entendant liquider la cause palestinienne, ce n’est pas seulement toute perspective de paix que Trump enterre, c’est une conception des relations internationales fondée sur le droit. […] La voie de la paix est tout autre: elle passe d’abord par la reconnaissance de l’Autre, de l’injustice et des torts qui lui ont été faits», estime l’AFPS.

En réponse à la publication du plan américain, une «mascarade politique» selon l’Autorité palestinienne, des manifestations sont prévues en Cisjordanie et à Gaza.

Stanislas Tain -

29.01.20

Source: Le monde-arabe