L'arbre juridique qui cache la forêt d'impunité des crimes israéliens
Les juges du TPI anéantissent les espoirs d’une enquête rapide sur les crimes de guerre israéliens
Les juges du Tribunal Pénal International viennent de renverser tout espoir d’une enquête expéditive sur les crimes de guerre en Palestine.
Pendant ce temps, le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu a utilisé le forum sur l’holocauste à Jérusalem pour rameuter des dirigeants internationaux dans sa campagne contre le tribunal.
Mardi, une chambre préliminaire a émis une décision réprimandant la procureure générale Fatou Bensouda pour avoir dépassé la limite de pages dans sa requête pour un verdict sur la compétence judiciaire en Cisjordanie et dans la Bande Gaza occupées.
Israël, qui contrôle effectivement ces territoires, n’est pas signataire du Statut de Rome et n’est donc pas membre du Tribunal Pénal International. L’État rejette vigoureusement la compétence juridique en Cisjordanie et à Gaza.
L’Etat de Palestine, qui a fait appel au TPI pour qu’il enquête sur Israël, est un des signataires du Statut de Rome mais n’a pas la souveraineté sur la Cisjordanie et Gaza qui sont occupées par Israël.
La demande de F.Bensouda d’une décision de compétence judiciaire a été faite le 20 décembre, lorsque la procureure générale a annoncé la conclusion de son examen préliminaire de la situation en Palestine qui a débuté en janvier 2015.
Cet enregistrement a totalisé 112 pages, alors que le règlement du tribunal limite ce genre de requêtes à 30 pages. Le 23 décembre, F.Bensouda a enregistré des éléments supplémentaires – les arguments juridiques publiés par le gouvernement israélien pour rejeter la compétence judiciaire – qui représentent 50 pages supplémentaires.
La décision de mardi émise par la chambre préliminaire accepte que la requête que F.Bensouda doit soumettre puisse atteindre le nombre de 110 pages, étant donné 'la nature, la nouveauté et la complexité' de la question de la compétence judiciaire en Palestine.
Mais les juges demandent que F.Bensouda soumette à nouveau sa requête pour la compétence judiciaire, repoussant à plus tard le lancement de toute enquête pour crimes de guerre.
Cette même chambre préliminaire déterminera si le tribunal a la compétence pour juger des crimes de guerre en Cisjordanie et à Gaza. Bien qu’une enquête ait été recommandée par Mme Bensouda, les juges pourraient empêcher qu’elle ait lieu.
Netanyahu fait campagne contre le tribunal
Cette incertitude n’a pas empêché Israël de passer à l’offensive contre le tribunal, ses dirigeants l’accusant d’antisémitisme.
Netanyahu a appelé à un soulèvement contre le tribunal cette semaine au cours d’une interview avec une importante chaîne de télévision des Chrétiens évangéliques diffusée aux Etats Unis. Il a exhorté les téléspectateurs à demander des sanctions contre le tribunal.
«Fondamentalement, le tribunal attaque tout à fait frontalement les démocraties, à la fois le droit des démocraties à se défendre et le droit d’Israël et le droit du peuple juif à vivre sur sa terre ancestrale», a dit Netanyahu.
Il a invoqué l’holocauste et a dit que «les tentatives de destruction du peuple juif n’ont pas disparu. L’Iran déclare ouvertement tous les jours qu’il veut balayer Israël de la surface de la terre».
Netanyahu se sert aussi du Cinquième Forum International de l’holocauste, à Jérusalem, pour pousser les dirigeants internationaux à soutenir publiquement la position d’Israël contre la compétence judiciaire du Tribunal Pénal International.
Des dizaines de dirigeants étrangers se sont rendus au forum qui commémore le 75è anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Le quotidien de Tel AvivHaaretz en a parlé comme de 'la plus grande délégation diplomatique qui soit jamais venue en Israël, à l’exception des funérailles des anciens premiers ministres Yitzhak Rabin et Shimon Peres'.
Le journal a écrit que 'ces derniers mois, Israël a mené une campagne pour obtenir un soutien politique à sa position' contre la compétence judiciaire du Tribunal Pénal International en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza
'Netanyahu a pris contact avec plusieurs dirigeants étrangers, mais seuls quelques uns ont accédé à sa demande ou ont indiqué qu’ils le pourraient', a ajouté Haaretz.
Les Etats-Unis se sont longtemps opposés à toute enquête en Israël, ou sur les forces américaines en Afghanistan, menaçant de sanctions des personnalités du tribunal. Au début de l’année dernière, ils ont retiré son visa d’entrée à F.Bensouda.
L’Australie a dit que la recommandation de F.Bensouda d’enquêter pour crimes de guerre «l’inquiétait» et qu’elle ne reconnaît pas l’État de Palestine.
Le gouvernement de Hongrie a déclaré que «la position d’Israël concernant le manque de compétence du Tribunal Pénal International dans ce cas là est justifiée».
L’Allemagne a été plus circonspecte, s’en remettant au processus judiciaire, tandis que le Canada a dit que «il n’y a pas d’État palestinien et que, par conséquent, nous ne reconnaissons pas le fait qu’il puisse bénéficier des traités internationaux».
Aucun autre Etat n’a répondu à la demande de Netanyahu, selon Haaretz.
Netanyahu double la mise sur les crimes de guerre
Netanyahu a juré d’annexer unilatéralement toutes les colonies israéliennes de Cisjordanie s’il gagne les prochaines élections. Cette promesse a été faite par le premier ministre après que son rival Benny Gantz se soit engagé à annexer la Vallée du Jourdain en Cisjordanie avec l’accord de la communauté internationale.
Les précédents engagements de Netanyahu d’annexer des pans de la Cisjordanie, dont la Vallée du Jourdain, sont soulignés dans la requête du Tribunal Pénal International pour une décision de compétence.
«Malgré les demandes claires et insistantes pour qu’Israël mette fin à ses activités, jugées contraires au droit international, dans le Territoire Palestinien Occupé, on ne voit aucun signe qu’il y mette fin», déclare-t-elle.
«Au contraire, on perçoit des signes comme quoi elles pourraient non seulement continuer, mais comme quoi Israël chercherait à annexer ces territoires», ajoute Mme Bensouda. «En août et septembre 2019, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a juré d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie s’il est réélu.»
Maureen Clare Murphy -
22.01.20
Source: Agence Medias Palestine