La réunion mondiale dans al-Quds est signe d’une décadence évidente des valeurs (2 articles)
«Shou yaani Macron?» «C’est quoi Macron?» Dans les ruelles animées du souk de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée, rares sont ceux qui se rappellent du nom du président français, à la tête de l’Hexagone depuis plus de deux ans. «Au temps de François Mitterrand, la France était un État fort, son dirigeant était connu», remarque Hachem Maqbul, assis derrière le comptoir de son étroite boucherie, au cœur du marché. «Mais depuis, cela n’a cessé de décliner.»
Comme beaucoup ici, son voisin du stand de falafels garde en tête ce qu’il considère comme l’âge d’or de la France pro-arabe: la présidence de Jacques Chirac, qui fait entendre une voix française singulière en s’opposant à la guerre en Irak en 2003.
Il «était excellent, il avait une forte personnalité», souligne Wael al-Qassem. Le «Docteur Chirac» jouissait d’une popularité rare en Palestine, où les plus anciens se souviennent de son amitié avec Yasser Arafat et de son altercation avec la sécurité israélienne lors d’une visite dans la vieille ville de Jérusalem en 1996, même si son soutien à la cause palestinienne n’a pas toujours été constant.
«Avant, oui, la France était différente des autres États», juge Wael, mais aujourd’hui, elle «est en retrait».
Emmanuel Macron «est déjà très faible chez lui, que voulez-vous qu’il fasse?», intervient Hachem, qui dépeint un président sans charisme, sourd «à la colère de la rue qui monte de plus en plus en France» et incapable d’«ouvrir un dialogue interne».
Après plus de 72 ans de conflit, les Palestiniens sentent que le soutien à leur cause se délite, noyé dans d’autres priorités, enfoui sous des intérêts géopolitiques qui les dépassent et miné par les divisions internes qui les empêchent de parler d’une seule voix.
«La France, sous Chirac et d’autres présidents, n’était pas seulement pro-palestinienne, elle était aussi en faveur de la liberté, de l’égalité, des droits de l’homme et du droit international», remarque l’analyste palestinienne Diana Buttu, ancienne porte-parole de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
«Et depuis que Chirac est parti, nous avons assisté à un net déclin dans les prises de position françaises en ce qui concerne les Palestiniens, depuis Sarkozy qui a refusé de vraiment défendre les Palestiniens jusqu’à aujourd’hui, avec la législation contre le BDS. C’est alarmant.»
D’autant plus que depuis son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump distribue les faveurs aux Israéliens, sans contreparties: reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, soutien à la politique de colonisation israélienne en Cisjordanie occupée, pourtant contraire au droit international, reconnaissance de l’annexion du Golan syrien occupé…
Tout cela alors qu’en parallèle, les États-Unis coupent les vivres aux Palestiniens, multipliant les menaces afin de les ramener à la table des négociations. Depuis fin 2017, la liaison entre l’Autorité palestinienne et Washington est coupée.
Au milieu, l’Union européenne, dont la France, se contente de condamnations verbales; personne n’est aujourd’hui en capacité de faire reconnaître les droits des Palestiniens. En Europe, «bien sûr, il n’y aura jamais quelqu’un comme Trump qui va venir et dire que les colonies ne sont pas illégales», remarque Diana Buttu. «Mais quelle est la différence, au fond, si vous faites rien?»
«Emmanuel Macron n’a pas voulu prendre cette question comme une priorité», note Inès Abdel Razek, directrice du plaidoyer au Palestine Institute for Public Diplomacy, une ONG palestinienne. «On reste sur le statu quo discursif, le statu quo des éléments de langage traditionnels.»
Sans grande conviction, Emmanuel Macron a donc rapidement poursuivi la politique de ses prédécesseurs: soutien indéfectible à la solution à deux États, avec Jérusalem comme capitale des Palestiniens et des Israéliens, et rappels au respect du droit international. Un crédo qui paraît bien éloigné des réalités du terrain, où les colonies israéliennes grignotent toujours un peu plus de terres palestiniennes, condamnant un hypothétique État palestinien à n’être qu’un groupe d’îlots isolés sans cohérence géographique.
La réalité, c’est «que le processus d’Oslo est mort depuis longtemps», tranche Inès Abdel Razek, en référence au processus de paix enclenché à la sortie de la première Intifada en 1993, qui a créé l’Autorité palestinienne sans jamais déboucher sur la paix promise. «On est dans une réalité d’un État d’apartheid et il y a une profonde déconnexion entre les discours politico-diplomatiques et la réalité sur le terrain.»
D’autant qu’Emmanuel Macron a tardé à venir sur le terrain. Le président français avait annoncé une visite à l’automne, qui ne s’est jamais concrétisée, et son Premier ministre avait annulée la sienne en mai 2018, arguant de problèmes internes en pleine réforme de la SNCF.
De l’aveu même d’un conseiller diplomatique de l’Élysée en 2018, la France laisse volontiers «les Américains en première ligne». Ainsi, lors de ses vœux à la presse le 15 janvier dernier, Emmanuel Macron assume clairement: «Je verrai les dirigeants israéliens et palestiniens la semaine prochaine, on avance pour voir s’il y a un chemin utile, je ne veux pas multiplier les plans pour le plaisir de dire ‘’on fait un plan’’».
«Les Européens en général sont dans l’attentisme et les Français n’ont pas envie de prendre le lead sur une quelconque initiative multilatérale», juge Inès Abdel Razek. «Il y a eu l’initiative de [l’ancien président socialiste] François Hollande qui n’a mené nulle part et il n’y a pas la volonté politique de se lancer dans une autre initiative du même genre, avec la perception d’un manque de volonté de la part des autres pays européens de suivre, aucune volonté de la part d’Israël et pas de stratégie du côté du leadership palestinien.»
Pourtant, convaincus que la France donne toujours le tempo de la politique étrangère européenne, les dirigeants palestiniens continuent de dialoguer avec Paris, «mais ils ont eu des réponses plutôt négatives», souligne-t-elle. Ainsi, même la visite du 22 janvier est «un peu une “non-visite” pour les Palestiniens car Emmanuel Macron vient pour l’aspect mémoriel», afin de commémorer les 75 ans de l’ouverture du camp de concentration d’Auschwitz.
À Ramallah, où Emmanuel Macron doit rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas ce mercredi, à quelques mètres du centre-ville, une bannière bleu-blanc-rouge flotte aux côtés du drapeau allemand sur le toit d’un immeuble, se détachant sur le ciel gris de janvier. Ici, dans le centre culturel franco-allemand, les «gens viennent pour apprendre l’allemand»: la France a perdu de son attractivité, raconte une Palestinienne qui préfère garder l’anonymat.
«La relation de la France avec la Palestine est devenue plus faible», explique la jeune femme, dans un français parfait. «Je n’attends rien du tout de Macron, je pense qu’il s’en fiche des Palestiniens», soupire-t-elle. «On a l’habitude.» Elle pense que le président français est un gestionnaire, «un ministre, pas un homme d’État comme l’était Chirac».
«Avant, on était plus libres de s’exprimer. Désormais, chaque personne est soupçonnée d’être un terroriste», juge la jeune femme. En témoigne notamment la résolution Maillard, adoptée le 3 décembre par l’Assemblée nationale, qui assimile l’antisioniste à l’antisémitisme. Elle a été vivement critiquée en France. «C’est très nuisible», s’indigne Sireen, «personne ne peut plus rien dire.»
Diana Buttu abonde: depuis Nicolas Sarkozy, «la droite a adopté les mensonges israéliens. La France devrait être un peu plus différente des États-Unis mais en réalité, aujourd’hui elle ne l’est plus tellement!».
«Le contexte global n’aide clairement pas la libération des Palestiniens», ajoute Inès Abdel Razek, qui pointe une «déshumanisation de la lutte des peuples».
En se passant la pipe du narguilé, les trois Palestiniennes soulignent aussi la vacuité de la visite du président français qui a prévu un entretien avec Mahmoud Abbas, mais passera l’essentiel de son séjour en Israël, avec un petit crochet par la vieille ville de Jérusalem, située dans la partie palestinienne de la ville sainte.
«Moi, si j’étais président, je lui dirais que je n’accepterais pas de le recevoir», tranche Sireen en référence à Mahmoud Abbas. «Il voit Netanyahu avant nous et nous accorde une heure et demie? Non merci!»
À côté d’elle, son amie acquiesce mais s’interroge: «Nous les Palestiniens, qu’est-ce qu’on a fait pour exiger que les autres soient avec la cause palestinienne? Les pays sont puissants mais nous, qu’est-ce qu’on fait pour les influencer? Israël est beaucoup plus fort que nous dans ce domaine, ils savent comment se vendre.»
Oui, les dirigeants palestiniens sont divisés, admet Inès Abdel Razek, mais «les Européens contribuent à maintenir ce système; l’Autorité palestinienne, qui devait être temporaire, n’a d’autorité que sur 16% de la Cisjordanie et reste entièrement dépendante du contrôle effectif des Israéliens».s, conclut-elle. Emmanuel Macron, lui, a choisi pour l’instant de ne pas imposer de conditions aux Israéliens pour les inciter à des négociations, mais de toute façon, la France de 2020 fait-elle le poids pour rouvrir un processus de paix enterré et piétiné depuis si longtemps?
Marie Niggli -
22.01.20
Source: MEE
Communiqué du Mouvement du Jihad islamique en Palestine
Les chefs de ces Etats se réunissent dans une ville occupée, à l’invitation d’un occupant spoliateur, criminel et assoiffé du sang innocent, signe d’une décadence évidente des valeurs. Ils se tiennent sur nos villes et villages détruits, desquels a été expulsée leur population, suite aux crimes les plus horribles dont a été témoin l’histoire, crimes ayant visé le peuple palestinien, sa terre et ses lieux saints, crimes commis par les bandes sionistes qui savent encore jouer le rôle de victime et qui utilisent des faits historiques qui ont eu lieu loin de notre pays pour occuper notre terre, démolir nos maisons, expulser ou tuer ses propriétaires.