Netanyahu mis en examen pour corruption, fraude & abus de confiance
C’est la première fois qu’un premier ministre en exercice est mis en examen dans le pays, par ailleurs plongé dans une grave crise politique
Il était déjà cerné par les affaires, le voilà mis en examen. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a été inculpé, jeudi 21 novembre, d’abus de confiance, corruption et fraude dans trois affaires différentes, a annoncé le procureur général du pays.
C’est la première fois qu’un premier ministre en exercice est mis en examen dans le pays, et cette décision pourrait mettre un terme à la carrière de M. Netanyahu, le plus pérenne des chefs de gouvernement israéliens. Le dirigeant du Likud, qui nie avoir commis la moindre infraction, risque jusqu’à dix ans de prison pour le chef de corruption et trois ans pour chacun des deux chefs d’inculpation de fraude et d’abus de confiance.
Le «dossier 4000» ou «affaire Bezeq»
Dans le cadre du «dossier 4000», le plus sensible, le premier ministre est mis en examen sous trois chefs d’accusation: corruption, fraude et abus de confiance.
Au cœur de l’enquête: la fusion en 2015 de Bezeq avec le fournisseur de télévision par satellite Yes.
Une telle décision nécessitait l’aval des autorités de contrôle. Or, à l’époque, M. Netanyahu détenait aussi le portefeuille des communications.
Selon le mis en examen, la fusion Bezeq-Yes a été validée par les services du ministère et les autorités de contrôle comme étant pertinente. Il conteste, par ailleurs, avoir bénéficié d’une couverture privilégiée de la part de Walla.
Le 2 décembre 2018, la police avait déjà recommandé sa mise en examen dans cette affaire.
L’enquête vise également Shaul Elovitch, toujours principal actionnaire de Bezeq et sa femme, ainsi que Stella Handler, PDG à l’époque de ce groupe de télécommunications.
Le procureur général a mis hors de cause Sara et Yaïr Netanyahu, l’épouse et le fils du dirigeant.
Le «dossier 1000» et les cadeaux de milliardaires
Dans le cadre d’un autre scandale, surnommé «le dossier 1000», Benyamin, Sara et Yaïr Netanyahu sont suspectés d’avoir bénéficié des largesses de deux milliardaires: le producteur de Hollywood Arnon Milchan et l’Australien James Packer.
M. Milchan leur aurait notamment fourni des livraisons régulières de champagne et de cigares, ainsi que des bijoux pour Mme Netanyaheu, pour un montant total de 700.000 shekels (environ 185.000 euros).
Accusé de fraude et d’abus de confiance, le leader du Likud a assuré qu’il s’agissait de cadeaux entre amis.
Arnon Milchan aurait notamment cherché, selon les enquêteurs, à obtenir une extension de son visa aux Etats-Unis et à bénéficier de l’aide du premier ministre pour promouvoir ses intérêts sur le marché de la télévision.
Surtout, M. Netanyahu aurait soutenu un projet de législation – finalement rejeté – réduisant les impôts pour les citoyens rentrant en Israël après un long séjour à l’étranger.
Le «dossier 2000» et la recherche d’une couverture favorable dans la presse
Dans le «dossier 2000», le premier ministre aurait, selon les enquêteurs, tenté de s’assurer une couverture favorable dans le plus grand quotidien payant d’Israël, le Yediot Aharonot. Il aurait essayé de mettre en place un accord avec le patron du journal, Arnon Moses.
En retour, M. Nétanyahou aurait évoqué la possibilité de faire voter une loi qui aurait limité la diffusion d’Israel Hayom, quotidien gratuit et principal concurrent du Yediot.
L’accord n’a finalement jamais été conclu, mais le dirigeant est mis en examen pour fraude et abus de confiance.
Ari Harow, un ancien chef de cabinet de M. Netanyahu, a accepté de témoigner pour bénéficier d’un régime de clémence.
Pour sa défense, le premier ministre assure qu’il était le principal adversaire de la loi en question et dit avoir même provoqué les élections anticipées de 2015 pour la bloquer.
Et maintenant?
«Tout ceci vise à me faire tomber», a réagi jeudi soir M. Netanyahu lors d’une conférence de presse, dénonçant de «fausses accusations motivées par des considérations politiques» et assurant qu’il «n’abandonnera pas».
Si l’acte d’accusation ne l’oblige pas à démissionner, il pourrait bien être poussé à quitter ses responsabilités dans un pays en pleine impasse politique.
L’annonce du procureur Avichaï Mandelblit intervient, en effet, quelques heures à peine après que le président du pays a mandaté le Parlement pour trouver un premier ministre, M. Netanyahu et son rival Benny Gantz ayant échoué chacun à former un gouvernement dans la foulée des élections d'avril, puis de septembre.
Ariel Schalit -
21.11.19
Source: Le Monde