Les têtes-à-claques peuvent se succéder, cela ne changera rien à l'affaire
En vue des prochaines élections israéliennes, les vautours encercelent Netanyahu: les visages peuvent changer, mais les opinions fondamentales qui caractérisent le gouvernement israélien depuis des décennies resteront les mêmes après le 9 avril
A l’approche des élections nationales israéliennes le 9 avril, les manœuvres des partis politiques et de leurs dirigeants s’intensifient. La principale question est la suivante: le procureur général Avichai Mandelblit va-t-il inculper le 1er ministre Benjamin Netanyahu pour les accusations de corruption dont il fait l’objet avant les élections? Netanyahu cherche désespérément à éviter cette issue, car il subirait alors d’énormes pressions en faveur de sa démission.
La Cour suprême israélienne vient de déclarer que Mandelblit n’a pas à différer l’inculpation jusqu’après les élections. Selon les informations parues dans les médias israéliens et les déclarations de Mandelblit lui-même, il inculpera probablement Netanyahu d’au moins un chef d’accusation avant le scrutin.
Si tel est le cas, les membres de la coalition gouvernementale en place devront déterminer s’ils sont disposés à faire partie d’un futur gouvernement dont le 1er ministre est inculpé.
La dernière fois qu’une telle situation s’est présentée, les partenaires de l’ancien 1er ministre Ehud Olmert ont refusé de lui permettre de continuer après son inculpation pour corruption dans le cadre d’un scandale immobilier. Il a démissionné et a finalement purgé une peine de prison.
Même si l’on ignore encore si Netanyahu sera condamné, aucun procureur général israélien n’aurait engagé de procédure aussi retentissante sans preuves solides. Ainsi, il y a d’assez bonnes chances que Netanyahu, et éventuellement sa femme Sara, soient déclarés coupables d’actes criminels et condamnés à une peine de prison. Il pourrait être le deuxième 1er ministre à finir derrière les barreaux.
Bien que Netanyahu conserve la loyauté de ses partisans au Likud, son emprise sur le parti se relâche de jour en jour. Ses rivaux le menacent de l’intérieur et de l’extérieur du parti. En interne, Gideon Saar, un ancien ministre qui fait partie des nombreux jeunes princes que Netanyahu a propulsés sur la scène politique, constitue une réelle menace pour lui.
Le Likud a récemment tenu ses primaires et les résultats n’étaient pas de bon augure pour Netanyahu. Bien qu’il en soit sorti premier, comme prévu, quatre des cinq meilleurs candidats sont considérés comme des rivaux avec lesquels il entretient une relation tendue. Saar a terminé cinquième, le plaçant en très bonne position si Netanyahu devait abandonner la course. Netanyahu se sent menacé par la popularité de Saar depuis des années et il a faussement accusé l’ancien ministre de l’Intérieur d’avoir organisé un «putsch» interne contre lui.
Par le passé, les partisans serviles de Netanyahu se seraient ralliés à sa cause et auraient fait écho à ces accusations calomnieuses. Mais curieusement, personne ne l’a fait. Cela signifie probablement que la direction du Likud (à l’exception de Bibi) attend son heure, et attend de voir qui sortira vainqueur. Si le 1er ministre actuel tombe, les responsables du parti veulent être en mesure d’en récolter les avantages, sous la forme de nominations au gouvernement et d’autres gratifications.
À l’extérieur, Netanyahu doit affronter deux puissants rivaux. Naftali Bennett, ministre de l’Éducation et ancien dirigeant du Foyer juif pro-colons, a abandonné ce parti pour sa nouvelle bannière, la Nouvelle droite. Son objectif déclaré est d’unifier ses anciens partisans religieux d’extrême droite avec les nationalistes laïcs de droite dans un nouveau mouvement qui le propulserait finalement au pouvoir.
Apparemment, son abandon de ses anciens collègues n’a pas très bien fonctionné, et les sondages n’ont pas montré qu’il s’était attiré de nouveaux soutiens.
En 2013, le Foyer juif sous sa direction a remporté douze sièges; aux élections de 2015, il est tombé à huit. Un récent sondage a indiqué qu’il pourrait n’en gagner que sept, ce qui explique peut-être pourquoi il a été question d’une fusion avec le Likud.
Le second rival externe de Netanyahu promet d’être un challenger plus redoutable. L’ancien chef d’État-major de l’armée, Benny Gantz, a créé le parti Résilience d’Israël, qui présente peu de différences avec les partis de centre-droit existants, à l’exception de son visage en tête de liste. Étant donné l’obsession d’Israël pour la sécurité et le rôle précieux que l’armée joue dans la société, tout chef d’État-major qui se lancera sur la scène politique devient automatiquement un 1er ministre potentiel.
Cependant, les opinions de Gantz sont presque opaques. Dans une vidéo de lancement de sa candidature, il a utilisé des images volées d’un drone palestinien, survolant les destructions perpétrées à Gaza lors de l’assaut de 2014, qu’il avait lui-même commandé. Il s’est vanté d’avoir tué des centaines de Palestiniens, comme si c’était une fructueuse source de dissension aux élections israéliennes (ce qui est hélas le cas).
En dehors de cela, Gantz partage les points de vue d’autres leaders de centre-droit.
Si vous vous demandez où se trouve le centre-gauche au milieu de toutes ces manœuvres politiques, vous serez déçu de savoir que le parti travailliste a fait un travail remarquable d’autodestruction. Le chef du parti, Avi Gabbay, a décimé les rangs du parti en divorçant publiquement de sa codirigeante de l’Union sioniste, Tzipi Livni, devant des caméras de télévision. L’électorat n’a pas apprécié ce coup de poignard politique. Les sondages ont montré que le parti travailliste passerait de dix-neuf sièges actuellement à six.
Bien que les médias représentent le parti travailliste comme une alternative «de gauche» ou de «centre-gauche» au Likud, en réalité, ce n’est ni l’un ni l’autre. Le parti est pro-guerre, anti-palestinien et pro-capitaliste. Cela signifie des politiques qui ne sont pas différentes des partis de centre-droit, tels que Yesh Atid. Il existe uniquement par nostalgie de ce qu’il était jadis, lorsqu’il défendait les valeurs socialistes démocratiques.
Le parti Meretz, parti traditionnel de la gauche sioniste, devrait obtenir quatre sièges, contre cinq actuellement. Il risque de ne pas franchir le seuil électoral, ce qui signifierait qu’il n’y aurait pas de parti de gauche juif à la Knesset pour la première fois depuis des décennies.
Son rôle a été de surveiller et de critiquer les pires extrêmes des forces politiques d’extrême droite dominantes. Parfois, il peut réunir suffisamment de soutien pour torpiller les propositions législatives les plus scandaleuses et racistes. Mais dans le climat actuel, il y parvient de moins en moins.
La loi sur l’État-nation du peuple juif, qui rétrograde l’arabe en tant que langue nationale et consacre la suprématie religieuse juive, n’a pu être stoppée par la critique de l’opposition de gauche sioniste loyale.
Enfin, la Liste unifiée, une alliance de partis dominés par les Palestiniens, est menacée par le député Ahmed Tibi, dont le parti s’est retiré de l’accord pour se présenter de manière indépendante. La Liste unifiée représente le seul groupe politique véritablement non confessionnel de gauche au Parlement israélien. Bien qu’étant la troisième plus grande faction, son pouvoir est limité par un certain nombre de facteurs.
Premièrement, les partis susceptibles de former une coalition au pouvoir refuseraient d’inclure un parti «arabe». Deuxièmement, la plupart des députés palestiniens sont régulièrement harcelés par les enquêtes de la police israélienne et par des accusations internes forgées de toutes pièces à la Knesset, aboutissant souvent à des sanctions.
Troisièmement, les juifs israéliens considèrent leurs concitoyens palestiniens avec une profonde méfiance, alors même que les sondages internes montrent à maintes reprises que les Palestiniens conservent une forte allégeance à l’État. Cette méfiance donne lieu à la marginalisation du pouvoir politique palestinien.
Compte tenu des préjugés systémiques auxquels les citoyens palestiniens d’Israël sont confrontés, ils votent à un taux étonnamment élevé (53% lors de la dernière élection) – mais le taux de participation est toujours bien plus élevé chez les juifs israéliens.
Si davantage de Palestiniens votaient, ils pourraient potentiellement doubler leur représentation à la Knesset, propulsant la Liste unifiée au statut de parti dominant au sein d’une coalition au pouvoir. Cependant, tant qu’Israël continue de privilégier sa majorité juive, une telle participation est peu probable.
Le scrutin du 9 avril aura probablement des résultats peu différents de ceux du gouvernement actuel. Les visages peuvent être différents, le dirigeant peut être différent, mais les opinions resteront les mêmes. Et alors que le président des États-Unis Donald Trump avive les pires impulsions d’Israël, les choses ne peuvent qu’empirer.
Richard Silverstein -
12.02.19
Source: MEE