Diffamer pour de l'argent
Haaretz a révélé dernièrement que Mission Canari, organe de diffamation hasbara qui a été créé pour « répandre la peur parmi les étudiants politiquement actifs, en publiant en ligne plus d’un millier de dossiers sur ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens », est financé par une des plus grandes associations caritatives juives des USA.
Selon Haaretz, The Forward, organe de presse juif US « … a définitivement identifié un des principaux bailleurs de fonds de Mission Canari: c’est une fondation contrôlée par la Fédération des Communautés juives de San Francisco, et une des principales associations caritatives juives US, au budget annuel de plus de 100 millions de $ ».
On l’aurait deviné que le financement provenait d’une organisation de ce genre! On se doutait bien que ce n’étaient pas le gouvernement iranien ou le Hamas qui allaient envoyer des shekels à la fabrique de diffamation sioniste. Haaretz continue: « Depuis trois ans, un site web appelé Mission Canari répand la peur parmi les étudiants activistes, en postant en ligne plus d’un millier de dossiers politiques sur ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens. Les dossiers ont pour but de ruiner les perspectives d’emploi de ces étudiants, et ils ont même été utilisés par des officiers de sécurité israéliens dans des interrogatoires. »
Mission Canari est effectivement une opération répugnante et elle est loin d’être la seule. Il y a pas mal de temps que nous observons des efforts similaires dans l’univers institutionnel juif. Il serait même raisonnable de soutenir que la diffamation est devenue une nouvelle industrie juive. En parfaite cohérence avec les règles de l’économie, beaucoup de nouveaux groupes juifs sont entrés dans ce profitable business, et leurs organes de propagande se font une guerre sans pitié pour l’obtention de dons et de financements.
C’est une variante de la bataille que nous avons vu se dérouler en Grande-Bretagne ces dernières années. Presque toutes les institutions juives du pays ont participé au concours « diffamons Corbyn », rivalisant à qui jetterait le plus de boue sur le Parti Travailliste et sur son dirigeant. Le résultat a été magnifique. La semaine dernière, à la conférence annuelle du Labour, le parti a unanimement exprimé sa ferme opposition à Israël et s’est rangé aux côtés des Palestiniens.
Dire du mal des gens n’est pas réellement un « symptôme sioniste ». Malheureusement, c’est une obsession politique juive. Au milieu de ses collecteurs de fonds, il semble que Jewish Voice for Peace (« Voix juive pour la Paix ») investisse beaucoup d’énergie dans la diffamation des porteurs de vérité les plus engagés. Mondoweiss, autre organe juif, pratique également ce jeu.
Moi-même, j’ai fait l’objet de centaines de ces campagnes de diffamation par de soi-disant juifs « anti »-sionistes, désespérément soucieux d’occulter mon travail sur la politique identitaire juive. Mais leurs frénétiques efforts n’ont fait qu’apporter de l’eau à mon moulin et soutenir ma thèse que les questions qui concernent Israël et la Palestine vont bien au-delà du débat sionisme-antisionisme. Ce qu’il nous faut faire, c’est creuser dans la signification de la judéité et ses implications politiques contemporaines.
Une fois de plus, la question qui se pose est pourquoi les militants qui s’identifient comme juifs usent-ils de ces tactiques répugnantes? Pourquoi veulent-ils à tout prix diffamer et terroriser, au lieu de s’engager dans un vrai débat scientifique et/ou politique?
L’« élection » est une réponse possible. Les gens qui sont convaincus de leur propre nature exceptionnelle manquent souvent de compréhension envers « l’autre ». Il est très possible que cette déficience interfère avec la capacité d’élaborer un code d’éthique universel.
L’autre réponse peut avoir quelque chose à voir avec la bataille pour les financements. Comme nous l’apprenons de Haaretz, la Mission Canari est financée par une des plus riches organisations juives américaines. La diffamation a une valeur marchande. « Vous diffamez, nous envoyons l’argent. » Malheureusement, cela vaut également pour les sionistes et pour les « anti ».
Essentiellement, dans cette bataille, les juifs s’opposent souvent les uns aux autres. Haaretz écrit que la Mission Canari « est controversée depuis son apparition à la mi-2015, et qu’on la compare à la liste noire McCarthiste ». Et il semble que certains juifs sionistes aient fini par en conclure que la fabrique de diffamation Canari donnait un mauvais renom aux juifs.
Tilly Shames, qui dirige le campus Hillel, à l’université Ann Arbor du Michigan, a dit au Forward que « la tactique de l’organisation est gênante, à la fois d’un point de vue moral, et parce qu’elle s’avère inefficace et contreproductive ».
Shames a encore dit que la publication de dossiers sur des étudiants de son campus par Mission Canari a eu pour résultat de valoir un plus grand soutien aux étudiants ciblés et à leurs idées, et a semé la méfiance à l’égard des étudiants pro-Israël, soupçonnés d’espionner pour le compte de Mission Canari.
Cette dynamique s’explique. Mon étude des oppositions contrôlées par les juifs postule que les militants qui s’identifient comme des militants juifs essaient toujours de dominer les deux pôles de tout débat ayant quoi que ce soit à voir avec les intérêts juifs. Une fois qu’il a été admis que la Palestine était en train de devenir un « problème juif » un certain nombre d’organisations juives se sont de plus en plus impliquées dans le pilotage des mouvements de solidarité avec les Palestiniens. Nous avons alors vu qu’ils diluaient les appels en faveur des droits au retour des Palestiniens et les remplaçaient par des notions édulcorées qui, de facto, légitimaient Israël.
Quand il a été évident que l’École Néocon était, dans la pratique, une machine de guerre Siocon, nous avons vu des organismes de la gauche juive se mettre à piloter les appels anti-guerre. Lorsque certains juifs britanniques se sont rendus compte que la campagne juive contre Corbyn risquait de leur revenir en pleine face, ils ont été étonnamment prompts à former Jews for Jeremy (« Juifs pour Jeremy »), qui s’est rapidement transformé en Jewish Voice for Labour (« Voix juive pour le Labour »). La bataille décisive sur qui sera le prochain Premier ministre britannique est devenu un débat juif interne.
Les militants de Hillel ont vu que Mission Canari commençait à se retourner contre ses promoteurs. Ensemble, avec The Forward et Haaretz, ils s’empressent de prendre position en première ligne de l’opposition.
Gilad Atzmon -
04.10.18
Source: Arrêt sur Info