FREE PALESTINE
22 mai 2018

Formidables témoignages de la jeunesse palestinienne

Source: Externe

David Ben Gourion, le premier Premier ministre israélien, est connu pour avoir déclaré : « Les vieux mourront et les jeunes oublieront ». Bien que la source de cette citation soit obscure, cette petite phrase a maintes fois été utilisée pour symboliser l’espoir que les générations futures de Palestiniens finiraient par renoncer à leurs revendications sur la Palestine historique.

Ce mardi 15 mai, les Palestiniens ont commémoré la Nakba – « catastrophe » en arabe – laquelle marque les 70 années écoulées depuis l’expulsion de plus de 750000 Palestiniens de leurs foyers pendant la création de l’État d’Israël et le conflit qui s’ensuivit.

Actuellement, plus de cinq millions de Palestiniens sont enregistrés comme réfugiés ; plus d’un tiers d’entre eux vivent dans les territoires palestiniens occupés (notamment 1,3 million à Gaza et plus de 800000 en Cisjordanie, selon l’UNRWA). En 2016, le Bureau central de statistique palestinien estimait que 40% des Palestiniens des territoires occupés étaient des réfugiés.

Mais, même si près de 70% de la population palestinienne a moins de 29 ans, les jeunes – en particulier les réfugiés – restent marginalisés sur le plan politique et économique dans la société palestinienne.

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« La Nakba est ma réalité quotidienne »

Les réfugiés interrogés par Middle East Eye (MEE) – dont beaucoup n’ont jamais eu l’occasion de se rendre sur les terres de leurs grands-parents – restent toutefois farouchement opposés à l’occupation et s’engagent afin d’obtenir justice pour leur communauté.

Hamza, 24 ans, qui travaille dans un centre communautaire pour jeunes, vit dans le camp de réfugiés de Dheisheh, dans le sud de la Cisjordanie, près de Bethléem. Il est incroyable selon lui de voir combien d’enfants ayant grandi dans le camp connaissent néanmoins leurs villages ancestraux, qui font désormais partie d’Israël.

« Ils disent venir de leur village d’origine et savent combien de personnes vivaient là-bas et où il se situait », explique-t-il.

Les réfugiés de la région de Bethléem – qui comprend les camps d’Aïda et al-Azza ainsi que de Dheisheh – ont confié à MEE des souvenirs transmis par des proches qui ont fui en 1948.

Ils ont parlé d’actes de propriété jaunissants de Beit Natif, de lourdes clefs de fer tenant lieu de souvenirs de leurs maisons familiales à Deir Aban, de puits dans la cour arrière de la maison de leur grand-mère dans le village d’al-Malha et de l’odeur de sauge sauvage à Deir al-Sheikh.

Les jeunes réfugiés expliquent que leurs familles et leurs communautés leur ont enseigné l’histoire de la Nakba depuis leur plus jeune âge, mais que beaucoup de Palestiniens non réfugiés, en particulier dans les zones plus riches, ne sont pas aussi bien informés.

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Ghaida, une descendante de réfugiés âgée de 23 ans qui vit à Aïda, a souligné ce manque : « La Nakba doit être enseignée dans nos écoles. Ce n’est pas seulement la cause des réfugiés, c’est la cause de l’ensemble des Palestiniens ».

Tous les jeunes réfugiés avec qui MEE s’est entretenu ont insisté sur le fait qu’ils ne considèrent pas la Nakba comme un simple événement historique qui a commencé et s’est terminé en 1948.

Les conditions de vie dans les camps de réfugiés, notamment la pauvreté, la surpopulation, les infrastructures de mauvaise qualité et le manque d’espace public, sont aggravées par les raids réguliers, de jour comme de nuit, des forces israéliennes, les nombreuses arrestations et les innombrables victimes dues à l’utilisation de balles réelles et de gaz lacrymogènes par l’armée.

Inas, future avocate âgée de 24 ans, explique : « La Nakba est ma réalité quotidienne dans le camp de réfugiés. Chaque jour, l’armée israélienne pénètre ici et nous tire dessus, c’est la Nakba. Avoir vu mon voisin se faire tirer dessus et se faire tuer juste devant chez moi, c’est la Nakba. »

Ghaida, qui a également étudié le droit, décrit ce qu’elle considère comme l’oppression quotidienne des forces israéliennes. Pour elle, il s’agit d’une tentative délibérée de créer une « culture de la peur et de la soumission » parmi les réfugiés.

« La Nakba n’est pas seulement les terres qui nous ont été prises », estime-t-elle. « Bien sûr, les terres nous ont été prises et devraient être restituées, mais on m’a également privée de droits qui devraient être rétablis. J’ai le droit de vivre en paix, le droit à une bonne éducation. La Nakba est essentielle pour les réfugiés, car ils ont été dépossédés des droits de l’homme. »

« Les camps de réfugiés ne sont pas notre destination finale »

Les jeunes réfugiés restent attachés à l’idée du droit au retour dans la patrie de leurs ancêtres, garantie par la résolution 194 des Nations unies.

« La justice veut que tous les réfugiés aient le choix de retourner ou pas [dans leurs villages], ainsi que le choix d’obtenir réparation », affirme Ghaida.

Quant à Hamza, il considère le camp comme une salle d’attente. « C’est aussi ce que j’enseigne aux plus jeunes ici dans la communauté », explique-t-il, « que nous sommes ici temporairement, que ce n’est pas notre destination finale. »

Cependant, la jeune génération de Palestiniens est frustrée par la montagne d’obstacles faisant face à leurs rêves, notamment le gouvernement israélien et ses politiques intransigeantes, le soutien de plus en plus ferme apporté à Israël par le président Donald Trump et l’inaction de la communauté internationale.

Et même si les réfugiés considèrent le gouvernement israélien comme le principal contrevenant à leurs droits, ils tiennent aussi l’Autorité palestinienne (AP), dirigée par le président Mahmoud Abbas, responsable du maintien de l’occupation israélienne et du maintien du statu quo au détriment de leurs droits et leurs besoins.

« L’AP ne reconnaît pas que la terre de 1948 est celle où se trouvent nos villages et cela crée de la frustration parmi nous », affirme Sami, un habitant de Dheisheh âgé de 21 ans.

Il agite énergiquement les bras tandis que ses amis acquiescent. « Nous payons un prix si élevé pour rester ici et résister, mais juste pour voir que certains partis politiques palestiniens ne se soucient pas vraiment du droit au retour. »

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Mohammed, 23 ans, souligne à quel point la coordination très critiquée en matière de sécurité entre l’AP et les autorités israéliennes étouffe la résistance dans les territoires occupés, en particulier en Cisjordanie, depuis que l’AP a perdu le contrôle politique de Gaza face au Hamas en 2007.

« Entre le peuple et le gouvernement, il n’y a pas de confiance », soutient-il. « En Cisjordanie, si vous voulez aller combattre l’occupation, beaucoup de gens au sein du gouvernement seront contre vous ; l’AP vous attaquera avant qu’Israël ne le fasse. Nous nous battons donc contre deux camps. »

L’Autorité palestinienne, dirigée par le Fatah, a vu son image s’éroder sérieusement auprès des Palestiniens pour plusieurs raisons, notamment l’absence d’élections présidentielles depuis 2005, son acceptation des termes et des politiques d’Israël jugés préjudiciables au peuple palestinien ou encore son soutien en faveur d’une solution à deux États qui reviendrait à renoncer au droit au retour.

Plus de 50% des personnes ayant répondu à un sondage réalisé en mars 2018 par le Centre palestinien de recherche politique et d’enquête ont déclaré qu’elles considéraient l’AP comme un fardeau pour le peuple palestinien.

« L’AP peut renoncer au droit au retour pour satisfaire Israël et les États-Unis, mais cela ne sera pas accepté par le peuple, affirme Hana, 23 ans. Nous n’avons pas souffert et perdu des vies parmi notre peuple pour qu’un parti politique puisse aller le vendre. »

Alors que les dirigeants politiques ne parviennent pas à résoudre le conflit israélo-palestinien depuis sept décennies, la solution semble s’éloigner à mesure que passe le temps. « Il y a aujourd’hui trois générations d’Israéliens qui ont grandi sur notre terre et trois générations de Palestiniens qui ont grandi dans les camps », explique Ghaida. « Cela change la situation pour les personnes qui vivent ici. Cela complique notre retour chez nous et je ne pense pas que nous pourrons revenir à ce qu’il y avait en 1948. »

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Rien ne dure éternellement

Pourtant, malgré les obstacles immenses, les jeunes réfugiés gardent l’espoir de trouver une solution juste de leur vivant, même s’ils ne s’accordent pas sur les formes de résistance à adopter, que ce soit la lutte armée, les manifestations pacifiques, la sensibilisation internationale, le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) ou un mélange de toutes ces formes.

« Cette génération connaît la Nakba, la Naksa [le “revers” qui a suivi la guerre de 1967] et les politiques de l’occupation israélienne dirigées contre nous », précise Mohammed. « Il y a des mouvements de jeunes, pas seulement pour les réfugiés, mais aussi dans le nord et le sud, dans les camps, dans les villages. Le rôle des jeunes est très important, nous les voyons étudier la politique et se spécialiser dans la cause palestinienne pour se concentrer sur notre avenir. »

L’absence de sanctions significatives venant de la communauté internationale contre les violations répétées du droit international commises par Israël n’a fait que renforcer la conviction des réfugiés que la clé de leur destin est entre leurs mains.

« Je n’ai aucun espoir vis-à-vis de la communauté internationale, mais seulement vis-à-vis de nous, le peuple palestinien », affirme Sami.

Pour beaucoup, un soulèvement populaire palestinien devrait d’abord viser l’Autorité palestinienne avant de s’en prendre à Israël.

Alors que près des trois quarts des Palestiniens sont trop jeunes pour se souvenir de l’époque qui a précédé la création de l’Autorité palestinienne en 1993, la désillusion généralisée face aux institutions politiques palestiniennes a persuadé de nombreux Palestiniens que le chemin de la libération passe par un soulèvement contre le gouvernement Abbas. « Un mouvement de jeunesse lancé contre l’Autorité palestinienne pour changer de dirigeants est le seul moyen de changer notre réalité, poursuit Hamza. Seul un éclat de la jeunesse peut renverser les dirigeants et la situation. »

En fin de compte, les jeunes réfugiés se sont déclarés déterminés à continuer de défendre leurs intérêts, 70 ans plus tard. « Il faut que les choses empirent pour que la situation s’améliore, mais quoi qu’il arrive, l’injustice prendra fin, conclut Inas. Cela ne peut pas se poursuivre éternellement. »

Mohammed garde lui aussi espoir. « Comme pour mon père, mon grand-père, ma mère et ma famille, l’espoir vit encore en moi aujourd’hui. Si nous ne gardons pas espoir, nous ne pouvons pas construire une génération. »

Chloé Benoist & Lubna Masarwa -

15.05.18

Source: MEE

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