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5 novembre 2017

Vidéo Richard Falk « Envisioning the Palestinian Future » (Envisager l’avenir palestinien)

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Vidéo de la conférence de Richard Falk à l’EHESS « Envisioning the Palestinian Future » (Envisager l’avenir palestinien)

Prof. Richard Falk a donné lundi 18 septembre 2017 une conférence à l’EHESS organisée conjointement par l’AURDIP et le séminaire « Penser l’expérience palestinienne » de l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM)

 

Titre : Envisager l’avenir palestinien (Envisioning the Palestinian Future)

Résumé : La réalisation des droits des Palestiniens et l’établissement d’une paix durable dépend d’un accord sur une solution négociée sur la base de l’égalité entre les deux peuples. L’égalité tranche avec l’inégalité qui a façonné les efforts passés pour mettre fin au conflit. La conférence réfléchira à la manière et aux moyens par lesquels Israël peut accepter les prémisses de l’égalité entre Juifs et Palestiniens, qui est une cécessité pour la paix.

Richard Falk est professeur émérite de droit international à l’Université de Princeton, et actuellement directeur du projet “Global Climate Change, Human Security, and Democracy,” à l’Université de Califonie (Santa Barbara). Il a écrit un grand nombre d’ouvrages sur le droit international et est depuis 2008 rapporteur spécial des Nations unies sur la « situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ». Il a également d’autres activités humanitaires, comme la présidence de la Nuclear Age Peace Foundation

Transcription de la conférence de Richard Falk :

Merci à tous pour ces mots d’introduction si précieux. Je suis très heureux de cette opportunité de vous rencontrer aujourd’hui dans ce site universitaire et je m’excuse de ne pouvoir vous parler en français. Je viens d’un pays sous-développé, surtout culturellement. Aussi nous sommes nous trop habitués à soumettre les autres à notre pauvre version américaine de l’anglais.

Ce que je veux essayer de dire met l’accent sur la question de savoir pourquoi nous avons senti qu’il était important de déplacer notre intérêt pour ceux qui cherchent une paix durable entre les deux peuples, de « mettre fin à l’occupation » à ce que nous appelons « mettre fin à l’apartheid ». Et là est le point central de la politique, ou de l’implication politique de ce rapport controversé de l’ONU, dont j’ai été l’un des coauteurs.

Mais laissez moi vous parler de certaines des réalités actuelles qui conditionnent ce déplacement de l’accentuation, dont je pense qu’il s’agit en partie d’un sentiment de frustration et d’échec des efforts pour résoudre le conflit par un langage moins drastique et avec des gens moins en conflit. Et je pense qu’il est important de réaliser que, du point de vue des Palestiniens, ils ont souffert d’une série de désillusions depuis que, un siècle auparavant, le ministère britannique des Affaires étrangères a décidé d’apporter son soutien à l’établissement d’un Foyer juif en Palestine, sans même jamais consulter les gens qui y vivaient. Et non seulement avec le ministère britannique des Affaires étrangères, mais le thème entier du soutien à ce projet a été renforcé par la Société des Nations qui a donné aux Britanniques l’autorité sur la gouvernance de la Palestine selon leurs propres critères de politique étrangère, y compris le soutien à l’immigration juive et à la construction d’un Foyer juif en Palestine.

Comprenez, un des aspects, je pense, qui rend inhabituel ce développement dans la vie internationale, c’est qu’à l’époque de la déclaration Balfour, environ 5 % de la population était juive. Donc, le but de ce projet a été imposé à une très large majorité de population non juive. Et c’est ainsi que ce conflit a évolué par étapes. Et l’un des aspects de cette évolution a été la dynamique, du côté sioniste, de ce que j’ai appelé le « double chiffrage », c’est-à-dire exprimer un soutien public pour une partie des buts, mais en fait obtenir un texte confidentiel pour avoir une série de buts bien plus ambitieux.

Donc, dans la première étape, le sionisme s’est arrêté à l’idée d’une patrie et, lorsque ce fut fait, ils se sont retournés contre les Britanniques, qui avaient été leurs patrons, pour rendre la Palestine ingouvernable, parce qu’ils ne voulaient pas juste un Foyer. Ils voulaient y rester. Et ce fut donc la dynamique qui apparut pendant cette période du mandat et, pendant cette période, la réponse britannique fondamentale, qui était leur réponse standard aux conflits dans leurs dominions coloniaux, fut de recommander la partition entre les deux peuples. Et cela remonte aux années 1930, sous les auspices de la dite Commission Peel. Et cette recommandation de partition fut alors, par delà l’objection du monde arabe et de la plupart des pays non occidentaux, acceptée par l’Assemblée Générale de l’ONU en 1947, et acceptée par le mouvement sioniste.

Et à nouveau, comme pour l’étape du Foyer, l’étape de la Partition n’a elle aussi été acceptée que publiquement. Les actions du mouvement sioniste étaient destinées à d’autres choses, non seulement l’installation des Israéliens, mais la dépossession des Palestiniens du territoire sur lequel un Etat israélien serait créé. Et cette dépossession était assortie d’un déni inconditionnel de tout droit au retour. Et ceci ne fut pas initialement une initiative raciste. Ce fut une initiative destinée à permettre au mouvement sioniste de conjuguer l’établissement d’Israël à l’établissement d’une démocratie constitutionnelle israélienne. Et conjuguer ces deux choses dépendait de la possibilité de se débarrasser de la majorité palestinienne, c’est-à-dire la population non juive qui, à cette époque, même avec toute l’immigration des années 1930, ne représentait encore qu’un tiers de la population de la zone où Israël s’installait.

Donc, depuis le tout début, il y avait ce développement à double chiffrage et, pendant la guerre de 1948, les lignes de l’indépendance, bon, les lignes de l’armistice ont été tracées de telle façon qu’elles dépassent de façon significative le territoire accordé par l’assemblée générale des Nations Unies pour l’établissement de l’État d’Israël. Et alors, au lieu de représenter 55 % de la Palestine historique, il est passé à 78 %. Et c’est sur cette base de 78 % et 22 % que le consensus sur deux Etats a pris forme au cours des années. Et, de façon significative, dans une sorte d’initiative unilatérale dans laquelle les Palestiniens n’ont jamais eu la moindre influence, ils ont en fait accepté cette attribution de territoire. En 1988, l’OLP et le Conseil National Palestinien ont tous deux accepté la légitimité d’Israël en tant qu’Etat, à condition qu’on respecte les frontières de 1967.

Mais, encore une fois, les véritables objectifs des sionistes n’étaient pas simplement l’établissement d’un Etat d’Israël démocratique. Ils voulaient aussi avoir un Etat juif et ils voulaient que leur territoire corresponde à la Palestine biblique, ou à un Israël biblique, l’Israël de la soi-disant Terre promise qui était un concept religieux et traditionnel sans aucun fondement dans le droit israélien ou l’éthique contemporaine. Mais c’était la priorité politique sous-jacente du sionisme et de sa direction israélienne, qui a rendu tout compromis politique impossible pendant toutes ces années.

Et en plus, et c’est très important de le comprendre, pourquoi mettre fin à l’occupation ne suffit pas pour se diriger vers une paix authentique ? C’est que, pour obtenir un Etat juif dans un contexte de société non juive et de majorité non juive, il devient nécessaire d’avoir un moyen de réprimer ceux dont l’identité a été marginalisée et assujettie. Et, au coeur de ce conflit depuis le début, il y a eu une lutte entre deux peuples plutôt qu’une lutte simplement à propos d’un territoire. Et alors, mettre fin à l’occupation crée l’illusion qu’il s’agit vraiment de territoire. Mais, quand vous ne parlez que de territoire, vous oubliez les millions de réfugiés qui vivent dans des camps de réfugiés depuis, soit 70 ans, soit 50 ans, épreuve extraordinaire. Et quiconque parmi vous est allé dans ces camps de réfugiés comprend combien il est difficile d’y vivre pendant une semaine ; beaucoup moins si c’est pour toute votre vie et pour des générations d’enfants et de petits enfants, et ainsi de suite.

Donc, la notion de paix doit englober les réfugiés et les Palestiniens involontairement exilés. Et elle doit aussi englober les non Juifs, la minorité palestinienne en Israël qui représente à peu près 20 %, à qui on a donné la citoyenneté, mais au prix non révélé de l’assujettissement à une série de lois discriminatoires sur la nationalité qui leur dénient le droit au regroupement familial, à l’accès à la propriété, à l’accès à l’emploi, à la participation au gouvernement, au droit de nier son caractère juif à l’État d’Israël, et même au droit de commémorer la Nakba et la dépossession de leur propre peuple.

Ainsi, l’étendue de cette structure de domination devait atteindre chacun de ces domaines où les Palestiniens ont été assujettis de différentes manières. Et, pour y arriver, Israël a poursuivi une politique de fragmentation qui garde délibérément la population palestinienne dans ces différentes catégories. Et souvenez vous, une partie de l’idéologie sioniste devait être démocratique. Il était donc toujours nécessaire de trouver les moyens d’exclure de l’État, de la communauté politique, suffisamment de Palestiniens afin qu’ils ne soient pas une menace pour la majorité juive. Et, pour y arriver, il fallait avoir une très rude structure de domination et d’assujettissement, dont le résultat est cette expérience palestinienne de la victimisation.

Je pense donc que c’est contre cet arrière-plan que la Commission Economique et Sociale pour l’Afrique de l’Ouest aux Nations Unies, CESAO dans le jargon de l’ONU, que les ministres des Affaires étrangères des 18 pays arabes qui composent le CESAO ont demandé au Secrétaire de commander une étude universitaire sur la crédibilité de l’allégation d’apartheid. Et un professeur en Sciences politiques, Alfred Genutilly, expert mondial de l’apartheid en Afrique du Sud et son extension à Israël, a collaboré à l’élaboration de cette étude. Et ce qui rend les deux choses, je pense, sensibles à ce que je disais plus tôt, eh bien, c’est tout d’abord qu’elle fait l’effort d’analyser du point de vue du droit international le crime d’apartheid, comme exposé dans la Convention Internationale de l’Apartheid.

Et cela implique plus que de la discrimination et de la domination. Cela inclut ce que l’on appelle une confiance dans des actes inhumains afin de consolider la structure. Et donc, notre rapport tente d’énumérer la politique et les pratiques israéliennes au cours de cette période de 70 ans pendant laquelle les Palestiniens ont été victimisés. Et ce que cela implique, ce n’est pas, comme de trop nombreuses critiques le disent, ce que cela implique, ce n’est pas mettre en question l’existence de l’État d’Israël, c’est mettre en question l’existence d’un Etat juif. Et c’est vraiment reconnaître que, étant donné les réalités en compétition de deux peuples qui se battent pour leur propre destin, le but essentiel des sionistes, c’est d’avoir une patrie juive. Et un Etat qui, dans un environnement international, a été construit de façon normative et éthique en accord avec les droits de l’Homme, ne peut pas adopter une identité qui privilégie un peuple au détriment d’un autre.

Et les tentatives pour y arriver doivent toujours, au XXIème siècle, être assorties de formes très rudes de répression. Et la répression siège dans l’idée de décourager la résistance ou de réprimer la résistance. Et, partant de cette évaluation, ce que cela veut dire, c’est : « Si vous voulez la paix, mettez fin à l’apartheid. » Il ne suffit pas de se retirer des territoires occupés, il faut mettre fin à l’apartheid. Et le précédent sud-africain est très utile et éclairant à ce sujet, parce que, en Afrique du Sud comme dans le contexte Israël-Palestine aujourd’hui, il semblait impossible d’imaginer une transition pacifique du régime d’apartheid à une démocratie constitutionnelle. Mais ce qui est arrivé et ce qu’il est, je pense, essentiel de comprendre, c’est que ce fut la pression internationale, le mouvement anti-apartheid, qui ont conduit les dirigeants Afrikaners à recalculer leurs propres intérêts de telle façon qu’ils ont décidé qu’ils s’en sortiraient mieux dans une démocratie constitutionnelle, une démocratie constitutionnelle multiraciale, qu’en maintenant le régime d’apartheid, étant donné la combinaison de la résistance africaine et de la solidarité internationale, l’équivalent du mouvement BDS, organisée mondialement à cette époque et qui a eu le soutien des Nations Unies.

Donc, ce qui se passe pour Israël, c’est que, tant qu’il n’y aura pas assez de pression internationale pour amener les Israéliens à recalculer leurs intérêts, rien ne poussera à créer une paix réelle. Et, à cause du contexte géopolitique, il n’y a pas vraiment de pression internationale pour y arriver. Par conséquent, le débat dans le contexte israélien d’aujourd’hui se fait entre ceux qui disent : « Nous avons gagné et les Palestiniens ont perdu. C’est une cause perdue. Le monde devrait avancer. Et améliorons la situation matérielle des Palestiniens et, avant tout, déclarons la victoire et la fin du conflit, non par la voie diplomatique, mais par un tir unilatéral. » L’autre point de vue, c’est : « Cela créerait trop de répercussions internationales et aussi une atmosphère politique défavorable pour Israël. Nous nous en sortons mieux en maintenant le statu quo et en vivant avec ces inquiétudes périodiques et, de temps en temps, une résistance violente. »

Quelque chose d’intéressant, des deux dirigeants, le président est en faveur du premier scénario, et Netanyahu, le premier ministre, est en faveur du deuxième scénario. Tous les deux sont des dirigeants du Likoud.

Et la deuxième façon israélienne de réagir au contexte actuel, c’est de dire : « Nous avons besoin d’intégrer la Cisjordanie, ce qu’on appelle internationalement la Cisjordanie, ce qu’ils appellent en interne la Judée-Samarie, nous avons besoin de l’intégrer mais, en agissant ainsi, nous mettons en danger la majorité démocratique. Nous devons donc nous éloigner de notre engagement originel pour une société démocratique pour aller vers une société qui satisfasse le droit biblique à la Terre Sainte, la Terre Promise selon certaines formulations juives.

Et alors, d’un côté vous avez cette analyse qui suggère que la paix ne peut s’installer qu’en mettant fin à l’apartheid et, de l’autre, vous avez cette appréhension qui dit : « Nous sommes arrivés au point où nous pouvons atteindre le but final, le jeu final du sionisme est à notre portée. » C’est donc une sorte de jonction critique à ce niveau pour savoir quel chemin prévaudra. L’un des chemins est celui d’une répression permanente, pas de fin en vue pour les réfugiés et les autres victimes palestiniennes. L’autre est une sortie radicale du chemin qui a été suivi jusqu’ici.

Si on regarde cette situation, et si on essaie de réfléchir à l’avenir, qui bien sûr est très complexe, il y a plusieurs facteurs en faveur de la vision israélienne L’un est l’évolution dans le monde arabe depuis 2011, le changement de direction chez les Frères Musulmans, le gouvernement Morsi, le gouvernement Sissi, la collaboration tacite de l’Arabie Saoudite avec Israël et le genre de normalisation générale des relations avec la Turquie. Tout l’équilibre des forces dans la région a beaucoup évolué en faveur d’Israël. Et ceci se combine avec le soutien géopolitique inconditionnel accordé à Israël par les Etats Unis, et le soutien moins inconditionnel accordé par l’Union Européenne, mais qui avance plus ou moins, sans vraiment la mettre en doute, vers l’approche américaine de cette question.

Alors, de ce point de vue, la situation palestinienne semble vraiment très sinistre et, d’un pont de vue politique réaliste, on pourrait dire que c’est une situation désespérée, une cause perdue. Ce qu’on oublie, je pense, ou que l’on néglige, c’est le degré auquel le résultat de cette lutte politique pour le destin politique interne d’un pays n’a pas été élaboré par le camp où prédomine la force militaire. J’aimerais dire que la grande leçon que n’a pas apprise le défunt XXème siècle, c’est que la supériorité militaire a perdu une grande partie de sa capacité historique et, si vous regardez les luttes anti-coloniales, elles ont toutes été gagnées par le camp le plus faible, le plus faible en termes de force technique. Et, en particulier pour les Etats Unis, la leçon non apprise aurait dû l’être après la guerre du Vietnam, où il y eut une domination totale dans tous les théâtres militaires des combats, sur terre, sur mer et dans les airs. Et pourtant, les Américains ont perdu la guerre. Et voyez vous, au-delà de perdre la guerre, il y a une incapacité à apprendre, parce que l’investissement dans le militaire, qu’Eisenhower a appelé il y a longtemps le complexe militaro-industriel, enveloppe à tel point le gouvernement, et depuis si longtemps maintenant, qu’il est impossible, pour la plupart, de penser hors de la case militaire…

Aussi continuent-il à réinventer des sortes de combats à peine vainqueurs avec les mouvements de résistance nationale. Et ils continuent de perdre. Mais cela ne change pas leur perception. Et cela fait partie du besoin de créer cette meilleure compréhension que les guerres de légitimité sont le moyen par lequel, pas tous, mais la plupart des conflits sont résolus au XXIème siècle. Et la guerre pour la légitimité est gagnée par le camp qui contrôle l’opinion publique dominante, la législation internationale, l’analyse des arguments respectifs, avec un sens international de la justice et de la moralité. En d’autres termes, les guerres de légitimité sont des guerres qui impliquent des forces humaines, à distinguer du retour au militaire qui est un test de la force technique.

Comme je l’ai dit, les guerres de légitimité qui ont été gagnées ne mènent pas toutes à ce résultat politique favorable. Le Tibet par exemple a gagné la guerre de légitimité, mais il ne peut changer la situation. Ce n’est donc pas quelque chose de sûr. Mais l’époque historique des 25 dernières années est résolument du côté des mouvements de résistance nationale qui persistent et créent finalement une sorte de pression qui peut l’emporter. Quant aux Palestiniens, ils ont eu affaire à une série de désillusions. Ils ont d’abord cru qu’ils seraient libérés par leurs voisins, leurs voisins arabes. Et puis, ils ont fait confiance à leur propre capacité à mener une lutte armée. Puis ils ont pensé que des résolutions favorables de l’ONU et le fait d’avoir le droit international de leur côté suffisaient pour créer un résultat positif. Puis ils ont fait confiance à la diplomatie d’Oslo et l’idée qu’une fin négociée du conflit pourrait fournir une issue raisonnable.

Or toutes ces attentes s’avérèrent décevantes. Et la dernière désillusion réside dans leur propre direction qui n’a pas été capable de représenter le peuple palestinien en son entier, d’une part, qui a marginalisé les inquiétudes des réfugiés, des exilés et de la minorité palestinienne à l’intérieur d’Israël. Elle a pratiqué la collaboration, elle a été très faible, ou bien elle a été islamiste et n’a pas répondu aux valeurs d’une grande partie de la communauté palestinienne. Et au milieu de toutes ces désillusions, la seule partie lumineuse de l’histoire palestinienne, c’est celle de la société civile, sa propre résistance et la solidarité internationale. Et l’apogée, à la fois pour l’efficacité de la résistance palestinienne et parce qu’elle a gagné l’approbation internationale, fut la première Intifada en 1987, qui a été une innovation créative de masse dans la résistance non violente et qui a vraiment ébranlé les fondations de l’establishment israélien pendant quelque temps.

Mais elle a été réprimée vraiment impitoyablement. Je pense cependant que ce qu’elle a fait, c’est qu’elle a fait comprendre aux Palestiniens à travers le monde que le chemin vers la paix se trouvait dans la combinaison d’une résistance non violente palestinienne et de la solidarité internationale, dans le contexte de la tenue de cette guerre de légitimité qui repose sur les arguments du droit international et l’arrivée à un Etat dans les limites que l’ONU a décidées dans la résolution de son assemblée générale de 2012.

Et alors, permettez moi de faire quelques remarques pour conclure. L’importance de l’analyse de l’apartheid dans notre rapport, c’est qu’il faut traiter le peuple palestinien dans son entier et traiter les gens comme le coeur du conflit, pas le territoire.

Deuxièmement, il faut normaliser, dans cette démarche, le passage de l’occupation à l’apartheid. Et c’est ce qui se passe, à la fois à l’ONU et dans les cercles diplomatiques, où on ressent qu’il ne s’agit plus d’une allégation choquante. Et vraiment, si vous regardez le discours à l’intérieur d’Israël, ils parlent entre eux depuis des années des risques de devenir une société d’apartheid s’ils ne résolvent pas la question palestinienne. Et on y trouve des dirigeants tels que le premier ministre fondateur, David Ben Gourion, qui avait cette crainte, et plusieurs premiers ministres, dont certains récents comme Omert et Barak. Il n’y a donc rien de nouveau à dire que ce genre de structure de domination ressemble à l’apartheid. Et il faudrait comprendre que l’apartheid est un crime permanent. Il n’a pas besoin de ressembler au régime sud-africain. Il faut qu’il s’agisse d’une structure systématique de domination soutenue par une alliance inhumaine. Voilà quels sont ses traits distinctifs.

Le troisième point, c’est que, si on doit obtenir la paix, dans le sens où ces deux peuples vivraient ensemble de façon pacifique, il faut y arriver en mettant fin à l’apartheid. On ne peut parvenir à la paix en sautant par-dessus cette structure. C’est un barrage sur la route que l’on ne peut circonvenir. Et l’erreur fondamentale de la diplomatie d’Oslo fut de le traiter comme quelque chose qui pouvait se négocier ou être indéfiniment remis à plus tard. Et tout est repoussé vers un avenir indéfini, ce qui signifie que cela n’arrivera pas et ne peut arriver. La diplomatie d’Oslo s’est toujours fondée sur une conscience trompeuse, de mon point de vue.

Il m’apparaît donc que, pour ceux d’entre nous qui s’intéressent à une issue juste pour ce combat, il est essentiel de reconnaître que la seule façon de mettre fin à l’apartheid, au moment où nous sommes, c’est d’accroître la pression sur la direction et la société israéliennes. Et d’accroître la pression par des moyens non violents, mais militants. Et le meilleur instrument pour ce faire, c’est la campagne BDS. Il n’y a pas d’autre alternative crédible.

Et les motifs internationaux constants et récurrents pour réveiller les négociations directes entre les parties, et la solution à deux Etats, tout cela ne fait qu’offrir un peu plus de temps à Israël pour renforcer son annexion de la Cisjordanie. Alors, si vous êtes sérieux dans votre recherche de la paix et de la justice, pour ces deux peuples, pas seulement pour les Palestiniens, il me semble que le chemin à prendre pour s’engager dans ce combat, c’est de soutenir BDS et les autres efforts pour accroître la pression sur Israël afin qu’il s’écarte d’une stratégie d’apartheid et de domination.

Merci beaucoup.

A lire :

- Préface pour la traduction française du texte “Israeli Practices towards the Palestinian People and the Question of Apartheid”, par Richard Falk & Virginia Tilley (mai 2017)

- Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 
Richard Falk, Conseil des droits de l’homme des Nations Unis, 13 janvier 2014.

A voir :

- Vidéo de la conférence de Richard Falk à la Fête de l’Humanité : « Le démantèlement de l’apartheid israélien est le chemin vers la paix » (17 septembre 2017).

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