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Nous continuons la lutte pour la Palestine et pour nos droits !


L'année dernière, six membres de la Plate-forme Charleroi-Palestine avaient déposé une requête en annulation au Conseil d'État. <http://www.pourlapalestine.be/docs/150914_requ%C3%AAte_charleroi-palestine.pdf>

Ce recours concernait un Arrêté de police <http://www.pourlapalestine.be/docs/arrete_police_15juillet2015.pdf>  qui interdisait une distribution de tracts sur l'ensemble du territoire de Charleroi, le jour où l'équipe de football raciste du Beitar Jérusalem jouait à Charleroi dans le cadre d'une coupe d'Europe (le 16 juillet 2015).

La Plate-forme Charleroi-Palestine voulait distribuer un tract le soir du match, pour expliquer que le racisme de Beitar restait impuni. Qu'Israël emprisonnait les athlètes palestiniens, détruisait leurs infrastructures sportives, autorisait les équipes des colonies israéliennes illégales de Cisjordanie occupée à faire partie de ses ligues. Que l'apartheid israélien, tout comme l'apartheid sud-africain à l'époque, n'avait pas sa place dans le football international.

Non seulement nous avons été empêchés de distribuer ce tract <http://www.pourlapalestine.be/bds-et-la-liberte-dexpression-2/la-liberte-dexpression-malmenee-a-charleroi/> , mais l'Arrêté de police stigmatisait également la Plate-forme Charleroi-Palestine comme « hostile et non démocratique » et la solidarité avec la Palestine était assimilée à des appels à la haine et la violence.

Notre requête est rejetée.

Frédérique Ureel, l'un de nos avocats, a fait le commentaire suivant sur cet arrêt :

« L’arrêt est lamentable et s’inscrit ouvertement dans un contexte sécuritaire où des juges n’hésitent plus à affirmer ouvertement le caractère secondaire des libertés constitutionnelles.
C’est un signal alarmant pour les défenseurs des libertés face à des autorités publiques renforcées.
Tout recours à l’avenir devient dangereux car contre-productif.
La sentence peut au moins démontrer la dérive actuelle du judiciaire. »

Il s'en explique dans une vidéo que vous pouvez voir ICI <https://vimeo.com/185457303> .

L'arrêt considère que cinq requérants sur six ne peuvent pas prouver leur appartenance à la Plate-forme Charleroi-Palestine. Ils n'ont donc pas intérêt au recours et il n'y a pas d'atteinte au droit de manifester. Ils ne sont pas recevables pour attaquer la décision de la Ville.

La Plate-forme Charleroi-Palestine est une association de fait. D'office, les membres ne peuvent donc pas prouver leur appartenance à la plate-forme.

Toute l'argumentation dans l'arrêt concerne la probabilité d'incidents dans les proches environs du stade. « L'arrêt considère que les autorités communales étaient fondées à redouter que le rassemblement suscité par la requérante à moins de 500 m du stade ne déborde sur la voie publique et ne donne lieu à des perturbations de l'ordre public. »

Les membres de la Plate-forme Charleroi-Palestine avaient effectivement fixé rendez-vous dans une salle privée, à 500 m du stade, afin d'organiser une distribution de tracts et d'avoir une permanence avec café, sandwichs, etc.

S’il y avait eu une simple négociation avec la police, ils auraient pu accepter de distribuer les tracts à un endroit plus éloigné du stade : leur intérêt était d’informer, de sensibiliser la population carolo.

Mais la distribution de tracts leur a été interdite d'office, non seulement aux abords du stade ou dans le centre de la ville, mais sur l’ensemble du territoire communal, c'est-à-dire sur une étendue de 100 km2.

L'arrêt utilise du début à la fin les termes de « rassemblement » et de « manifestation » alors qu'il a été dit clairement à la police (lorsque celle-ci a averti ladite responsable qu'elle allait recevoir un Arrêté) qu'il s'agissait d'une distribution de tracts (et le RV dans la salle était prévue pour organiser cette distribution).

On peut aussi lire dans l'arrêt que la police ne devait pas au préalable entendre les organisateurs : « Considérant que même si c'est à l'occasion d'une manifestation que l'Arrêté a été adopté, il constitue une mesure de police de caractère général, dont l'adoption n'est pas subordonnée au respect du contradictoire. »

La police et la Ville peuvent donc interdire tout à fait arbitrairement une distribution de tracts sans même consulter les personnes concernées. Pour les avocats de la Plate-forme, les mesures prises nécessitaient une audition préalable des responsables de l'action et, matériellement, ceci était tout à fait possible.

L'arrêt se base sur des affirmations de la police disant qu'elle a « déjà connu plusieurs incidents avec le groupe organisateur du rassemblement. » « Elle en mentionne explicitement deux. »

Ces accusations se trouvent dans le rapport de police (des échanges de courriels internes entre la police et le cabinet du bourgmestre).

Et elles sont fausses. La Plate-forme Charleroi-Palestine et ses adhérents ne sont connus pour aucun fait de violence, ni d'appel à la haine : elle a déjà organisé de nombreux événements et actions sur le territoire de la ville de Charleroi, parmi lesquels des manifestations de 1000 et 2000 personnes, sans qu'aucun d'entre eux n'ait causé de trouble à l'ordre public.

Les exemples cités dans le rapport de police (Delhaize et Palais des Expos – Arts ménagers) sont complètement inventés. Dans les deux cas, il s'agit de sensibilisation au boycott des produits israéliens. Nous nous rendions dans le magasin ou sur le parking pour expliquer aux clients pourquoi il ne fallait pas acheter ces produits. Il n'y a pas eu d'intervention de la police, pas de PV, pas d'arrestation. Bref, pas d'incident.

L'arrêt considère que la police utilise des termes « maladroits », lorsqu'elle prétend qu'afficher une forme de solidarité avec la Palestine peut déboucher sur des appels à la haine et la violence.

Pour les membres de la Plate-forme Charleroi-Palestine, il ne s'agit pas d'une maladresse, mais bien d'une diffamation. Il n'est pas acceptable d'assimiler le port d'un keffieh ou d'un drapeau à un appel à la haine et à la violence. Dans le passé, la police de Charleroi nous avait déjà à plusieurs reprises mis en garde préventivement contre des appels à la haine et la violence. Alors que les infractions pénales ne sont simplement pas de son ressort.

Notons aussi que les juges ne prennent pas en considération que l'Arrêté de police désignait la Plate-forme comme mouvement hostile et non démocratique et que la demande des requérants pour l'annulation de l'Arrêté, ne fût-ce que sur ce point, était justifiée.

L'arrêt dit que « étant donné la situation politique au Moyen-Orient », toute marque de soutien à la cause palestinienne peut dégénérer et provoquer des atteintes à l'ordre publique.
Il signale que « l'annonce placée le 13 juillet sur Facebook était très critique à l'égard de l'équipe de football israélienne qui allait disputer un match à Charleroi, réclamant notamment « un carton rouge à l'apartheid israélien », et qu'elle était adressée à des sympathisants de la Palestine "...

Ce n'est pas un délit de dire qu'Israël est un État d'apartheid et qu'il faut le boycotter. C'est d'ailleurs précisément ce sujet-là que les membres de la Plate-forme invoquaient dans leur tract.

Et invoquer la situation au Moyen-Orient  pour empêcher sur 100 km2 la distribution d'un tract critiquant Israël relève de l'abus. Avec cet argument, toute action pour la Palestine peut être interdite dans le futur.

 


L'hypocrisie des autorités communales
Les autorités communales connaissent bien la Plate-forme Charleroi-Palestine. Nous les avons rencontrées à plusieurs reprises (sans qu'elles aient jamais donné une réponse positive à nos demandes). En 2009-2010, lors de la guerre d'agression contre Gaza. En 2011, à propos des liens de la banque Dexia avec la colonisation. En 2013-2014, lors de quatre entretiens (concernant le soutien à une école à Bethléem) avec des échevins, dont Mme Julie Patte (qui a signé l'Arrêté de police).

En décembre 2015, trois mois après le dépôt du recours, nous avons eu un nouveau conflit avec la Ville, suite à l’exigence de la police de se faire communiquer le contenu d’un tract préalablement à l’octroi d’une autorisation de manifester.  <http://www.pourlapalestine.be/bds-et-la-liberte-dexpression-2/la-liberte-dexpression-malmenee-a-charleroi/linquietant-cousinage-entre-lanvers-de-de-wever-et-le-charleroi-de-magnette/> Ce qui équivaut à une tentative de censure préalable et à une volonté d’attribuer à la police une compétence qui n’appartient qu’au pouvoir judiciaire et qui, au surplus, ne peut s’exercer qu’a posteriori en répression d’éventuels abus. Il s'agit d'un fait qui est également évoqué dans notre recours.

La Ville a fait marche arrière <http://www.pourlapalestine.be/bds-et-la-liberte-dexpression-2/la-liberte-dexpression-malmenee-a-charleroi/la-ville-fait-amende-honorable-sur-un-point-important/>  et a même affirmé son attachement à la liberté d'expression.

Lors d'un débat au conseil communal le 7 septembre 2015, Paul Magnette, bourgmestre empêché, déclare que la Plate-forme Charleroi-Palestine « n'a rien d'anti-démocratique  » <http://www.pourlapalestine.be/au-conseil-communal-de-rentree-a-charleroi/>  et que la cause d'une paix juste et durable en Palestine compte « de nombreux sympathisants au sein de notre conseil »

Et pourtant, malgré tout cela, les avocats de la Ville (sur instruction, évidemment) continuent de défendre d'arrache-pied cet infamant Arrêté de police.

Lors de l'audience du 6 septembre <http://www.pourlapalestine.be/17714-2/> , ces mêmes avocats ont présenté les membres de la Plate-forme comme des provocateurs, une bande d’excités  « de gauche et d’extrême gauche » qui « rêvaient de faire un grand coup » le jour du match, d’être sous « les feux de la rampe » et d’agir « comme un chiffon rouge » sur les racistes du Beitar.

Dans leur dernier mémoire, les avocats vont même jusqu’à reprendre à leur compte les formules « incitation à la haine, à la violence et à l’antisémitisme ».

Ils soutiennent que « l'interdiction dans l'acte attaqué se limitait aux abords du stade et n'empêchait pas une quelconque action dans les quartiers périphériques ».

Alors que l'interdiction portait sur l'ensemble du territoire communal.
Ceci est écrit dans la lettre accompagnant l'Arrêté de police, dans le titre de ce même Arrêté et dans les considérations.

C'est incompréhensible que le Conseil d'État ait suivi les avocats de la Ville à ce sujet.

Le combat continue

La Plate-forme Charleroi-Palestine avait bien pesé le pour et le contre avant de s'engager dans la bataille juridique. Nos avocats étaient confiants et nous étions convaincus du caractère absolument injuste de cet Arrêté de police. Ils nous semblait important de ne pas laisser passer un tel abus.

Nous n'avons pas gagné la bataille juridique.
Mais nous avons gagné en solidarité et en lucidité dans notre combat.

Nous avons mieux appris à nous battre pour nos droits. Trois mois seulement après l'introduction du recours, la Ville de Charleroi a de nouveau tenté de nous empêcher de nous exprimer. Nous avions les arguments juridiques pour nous opposer à leurs diktats et elle a déjà du faire marche arrière au mois de janvier.

Nous avons réussi à rassembler de nombreuses personnes dans une lutte pour les droits démocratiques.
C'est d'autant plus important par les temps qui courent, où l'on essaie de criminaliser ceux qui se battent pour la justice, y compris le mouvement BDS pour le boycott d'Israël.

Nous avons discuté avec des centaines de syndicalistes et de progressistes en vendant nos badges. Nous avons reçu un soutien financier d'un grand nombre de personnes (*). Quinze ami.e.s de la Plate-forme se sont déplacés un jour de travail à l'audience du Conseil d'État à Bruxelles pour dire combien la liberté d'expression leur tenait à c&oeligur. D'autres étaient présents aux deux conseils communaux où les conseillers Xavier Desgain (Écolo) et Sofie Mercx (PTB) sont intervenus pour nous défendre. Des ami.e.s de la Plate-forme ont aidé à organiser un dîner et une bourse aux vêtements pour récolter des fonds.

Nous tenons à vous remercier toutes et tous.
On continue ... tous ensemble !

(*) Grâce à votre soutien, nous avons pu payer nos avocats et nous paierons l'indemnité de procédure (700 &euro) que la Ville nous réclame. Ils nous reste un solde pour soutenir un projet en Palestine. Nous vous tiendrons au courant, à ce propos.