FREE PALESTINE
12 janvier 2014

Mes dernières paroles sur Sharon

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jeudi 9 janvier 2014 - 14h:20

Miko Peled


Ariel Sharon agonise. Alors qu’il est à quelques jours ou à quelques minutes de son dernier souffle, nous sommes tous tenus de ne pas oublier ses victimes, ses innombrables morts, blessés et déplacés tout en rappelant au monde entier que cet homme n’était pas un héros ; c’était un criminel.

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Octobre 2000, visite provocatrice d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, avec la claire volonté de déclencher un nouveau cycle de révolte et répression

J’ai toujours jugé aberrant que les gens puissent se réjouir de la mort de quelqu’un. Je me trouvais au Royaume-Unis lorsque la nouvelle de la mort de Margaret Thatcher fut annoncée et j’ai été témoin des célébrations qui s’en sont suivies. Les expressions de joie et les fêtes qui se sont répandues à travers tout le pays pour célébrer la mort de la Dame de Fer m’ont au début choquées. Lors de mes visites dans différentes parties du pays, notamment au Pays de Galles et en Irlande, j’ai pensé que de pareilles explosions de joie pourraient avoir lieu à l’annonce de la mort d’Ariel Sharon.

Plongé dans un coma depuis janvier 2006 à cause de plusieurs hémorragies cérébrales, Ariel Sharon se trouve depuis 8 ans dans un état végétatif. Aux dernières nouvelles, ses reins ont cessé de fonctionner alors qu’Israël retient son souffle quant à une mort imminente de l’ancien premier ministre.

On peut donc s’attendre à d’interminables éloges à son encontre une fois enterré, du style : « un héros, » « un grand leader, » « un génie militaire » Nous entendrons tout cela et même plus. La presse racontera et relatera chacun de ses exploits militaires, chacune de ses batailles remportées, tant sur le plan militaire que politique. Sa détermination en sa qualité de leader israélien sera saluée et on nous dira qu’on se souviendra de lui comme quelqu’un qui a tout donné pour son pays.

Dans mon livre Le fils du Général, voyage d’un Israélien en Palestine, j’ai mentionné le nom de Sharon à plusieurs reprises. Je l’ai évoqué en sa qualité d’homme militaire cruel, brillant et téméraire, puis en tant que Ministre de la Défense et enfin Premier Ministre. Toutefois, j’estime important et urgent de faire une mise au point et de rétablir les faits au sujet de cet homme avant que ne commencent les torrents écœurants des condoléances, débordants d’hypocrisies et de mensonges qui suivront sa mort.

Ariel Sharon était un home ambitieux. Il était brutal, avide, intransigeant et malhonnête. Il avait une soif insatiable de pouvoir, de gloire et de fortune. Au début de sa carrière, en 1950, lorsqu’il commanda l’Unité 101 de l’armée israélienne, il était vite repéré et désigné comme une personne insensible, un tueur sans pitié.

Pour rappel, l’Unité 101 était une brigade commando infâme munie d’une autorisation spéciale pour tuer et terroriser les Palestiniens. L’Unité opérait principalement dans la Bande de Gaza, mais également dans d’autres parties du pays et même au-delà. Plusieurs innocents sont morts à cause des pratiques les plus brutales de cette Unité que même selon les normes et standards israéliens, on avait jugé que l’Unité est allée trop loin dans sa barbarie et a fini par être dissoute.

Sharon a continué sa montée des marches au sein du commandement de l’armée israélienne, se faisant ainsi un nom et une réputation comme commandant prometteur. D’ailleurs, tout le monde s’attendait à ce qu’il devienne un jour un haut commandant de l’armée israélienne ou chef d’Etat-Major. Mais il n’a jamais été question d’un poste supérieur dans l’armée ; il a fait mieux. Sharon s’est lancé dans la politique et fut nommé au poste de Ministre de la Défense dans le gouvernement de Menahem Begin. Agissant en cette qualité, il a conduit en 1982 l’invasion israélienne catastrophique et désastreuse du Liban.

D’innombrables morts, blessés et déplacés Palestiniens et Libanais sont à déplorer suite à cette invasion. Sharon était également l’auteur des massacres survenus au mois de septembre de la même année au camp de réfugiés de Sabra et Chatila, à Beyrouth, et là encore, même selon les normes et standards israéliens, Sharon avait dépassé les limites et avait été démis de ses fonctions.

Bien que Sharon ait été réprimandé pour son rôle dans le massacre de Sabra et Chatila et par voie de conséquence écarté du poste de Ministre de la Défense, sa carrière politique a, cependant, continué son avancée et sa sphère d’influence a poursuivi sa croissance. En sa qualité de Ministre du Logement et du Développement, il a contribué plus qu’aucun autre à la mise en œuvre de politiques racistes et anti-palestiniennes et aux affaires de corruption au sein de son Ministère. D’aucuns confirment que durant son mandat, le budget de son ministère ne connaissait pas de limites, dépassant le budget total de la défense israélienne. Il a fait pleinement usage de son pouvoir et de son influence afin de parachever la colonisation et le déplacement des Palestinien de ce qu’on appelait la Cisjordanie.

Malgré tout ce qu’il a été dit sur lui, l’appellation « homme de paix » est certainement la chose la plus absurde et la plus ridicule jamais dite sur Sharon. On a également dit qu’il a « quitté » Gaza et qu’il l’a « restituée » aux Palestiniens, qu’il a agi en quête de la paix mais qu’en retour, il n’a obtenu que des missiles tirés sur Israël, à partir de Gaza. Mais en réalité, le désengagement de Gaza n’est qu’une mesure unilatérale cynique. Il a permis à Sharon de bien écarter les colons de Gaza de son chemin pour enfermer la Bande telle une prison et marquer des points auprès de l’administration américaine. Ce fut une action cruelle qui lui a permis d’étouffer davantage la population de Gaza dont il était déterminé de détruire dès le début de sa carrière violente. Mais les Palestiniens connus pour être fiers n’ont jamais cédé, ni ont-ils voulu se rendre. Ils sont ce rappel constant du sang des leurs qui entache les mains de Sharon.

Le nom de ce dernier est lié à une liste de crimes qui n’en finit pas. Alors qu’il est à quelques jours ou à quelques minutes de son dernier souffle, nous sommes tous tenus de ne pas oublier ses victimes, ses innombrables morts, blessés et déplacés tout en rappelant au monde entier que cet homme n’était pas un héros ; c’était un criminel.

Au moment où j’écris ces quelques passages, Ariel Sharon est encore en vie, si on peut l’appeler ainsi, et vu sous tous les angles, l’état dans lequel il se trouve aujourd’hui serait bien l’enfer qu’il a amplement mérité.

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* Miko Peled est écrivain israélienn et militante pour la paix, il habite San Diego. Son livre, Le fils du Général, parle de son père, du défunt général et militant pour la paix, Matti Peled, et de son implication dans le processus de paix israélo-palestinien.

Son blog est : http://mikopeled.com/

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