"100% juif. 100% palestinien"



par Youssef Boussoumah, membre du PIR





Nous sommes tristes, notre frère Ilan Halévi, le grand militant pour la Palestine, s’est éteint.

Ce militant infatigable vient de mourir au terme d’un parcours politique exceptionnel. Un parcours qui l’a mené après qu’il ait rompu avec Israël dans les années 70 à intégrer peu à peu la lutte palestinienne jusqu’à devenir conseiller de Yasser Arafat, représentant de l’OLP en Europe ainsi que membre des instances dirigeantes du Fatah.

Revendiquant tout aussi bien son arabité ( il est originaire du Yemen ) que sa judéité, il employait l’expression "notre peuple" pour parler du peuple palestinien, cela m’avait frappé un jour de meeting. Ce peuple dont il avait épousé la cause comme on épouse une belle mariée, pour la vie et dont il revendiquait la nationalité.

Il n’était pas un de ces juifs arabes de cour, un de ces bouffons cathodiques qui n’ont d’arabe que l’apparence, qui jurent leur amour pour le maalouf constantinois, l’harissa tunisienne ou l’humour marocain mais qui prompts à servir le pouvoir blanc ou certains pouvoir arabes, en toute logique sont tout aussi prompts à faire allégeance à Israël et à justifier la dernière expédition de la soldatesque sioniste.

Au contraire, le judaïsme lui doit beaucoup car Ilan Halévi est de ceux qui avec un marocain comme Abraham Serfati ( paix à son âme) sans rien renier de leur identité ont permis de détruire dans nombre d’esprits novices l’idée d’une judéité indéfectiblement liée à l’Etat colon Israël.

Sa fidélité à la cause, son éloquence et sa rigueur rhétorique hors pair en faisaient un adversaire redouté dans tout débat sur la Palestine. Mais surtout, ses ouvrages de référence comme "Sous Israël, la Palestine" paru en 1978 puis "Israël De La Terreur au Massacre D’Etat" paru en 1984, deux ans après les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth sont de ceux qui auront permis à beaucoup de forger leur conscience politique et d’édifier leur formation militante.

Toutes nos condoléances vont à sa famille. Honneur et gloire à lui.

Youssef Boussoumah

 

Ilan Halevi (1943-2013)

par Michael Warschawski


Notre camarade Ilan Halevi nous a quitte, et avec lui, c’est un chapitre important de la lutte de liberation nationale palestinienne qui se referme.
Il y a un an exactement, nous partagions une tribune à l’Université d’été de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), et si son corps trahissait sa grande fatigue et ses nombreux dysfonctionnements, la clarete de ses propos restait la meme que celle que j’avais connu pendant plus de quatre decennies. Quelques mois plus tard, c’est a l’hopital que le rencontrai, encore plus affaibli, mais cette fois avec aussi une grande difficulte a s’exprimer clairement.
Nous n’heritons pas notre identite ; nous la creons, sur la base de quelques donnees genetiques et sociologiques, et cette identite est toujours multiple. Pourtant, je n’ai connu personne qui avait une identite aussi multiple qu’Ilan, a tel point que meme ses plus proches s’y perdaient. Laissons lui une derniere fois la parole : « je suis 100% Juif, je suis 100% Arabe ».
En decidant, apres la guerre de 1967, de s’installer en Israel, il choisit d’etre 100% Israelien ; en rejoignant, en 1968, l’organisation de gauche anti-sioniste Matspen, il contribue a renforcer la coherence anti-coloniale de son programme et combat pour un soutien inconditionnel a la lutte de liberation nationale palestinienne. Apres avoir quitte, en 1974, Israel, il rejoint les rangs de l’OLP et devient vite 100% Palestinien.
C’est dans les rangs de l’OLP et du Fatah dont il devient rapidement un membre de la direction qu’Ilan Halevi peut mettre en pratique son immense talent : dans l’ecriture mais surtout par la parole et la polemique (il pratiquait couramment quatre langue et se debrouillait dans trois ou quatre autres), dans le domaine politique mais surtout dans la diplomatie. Son empreinte dans les negotiations palestino-israeliennes tout comme dans sa fonction de representant du Fatah a l’Internationale Socialiste est indelebile, et sa capacite inegalee de persuasion a pu casser nombre de verrous destines a isoler la Palestine dans la scene internationale. Il n’est pas exagere de dire qu’Ilan Halevi a joue un role cle dans le long processus de reconnaissance de la Palestine par la Communaute Internationale.
Ilan a consacre toute sa vie a la lutte, longtemps au détriment de sa famille et toujours au detriment de sa sante qu’il a laisse se deteriorer sur l’autel de son engagement lui aussi a 100%.
La Palestine vient de perdre aujourd’hui un de ses fils ; l’OLP un de ses dirigeants ; ses tres nombreux amis, de Beyrouth a Paris, de Tel Aviv a Bamako, de Ramallah a San Fransisco pleurent un frere et un camarade.